Chapitre 9 : Le pacte

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La semaine a défilé à une vitesse folle et nous sommes déjà samedi. La gêne que nous avons éprouvé avec Lyla suite à ce petit incident durant les essayages s'est peu à peu dissipée au fil des jours, et une complicité nouvelle s'est installée entre nous. Elle m'a d'ailleurs présenté à Jasmine et Clement, ils sont vraiment sympas. Je passe de plus en plus de temps avec la petite bande, malgré la mise en garde de Jasmine...
Lorsque je suis rentré de notre après midi, papa était heureux de voir que tout s'était arrangé. Je l'ai encore remercié pour ses conseils.

On sonne à la porte. Je m'empresse d'aller ouvrir à Lyla.
- Salut Lyla ! Entres !
- Coucou Henri ! Me salue-t-elle me déposant un léger baiser sur la joue, qui me fait tressaillir, les cinq sens en alerte.
Elle entre et aperçoit papa qui se lève du canapé en lui souriant.
- Lyla ! Bonjour ! Je suis heureux de te rencontrer enfin !
Il insiste lourdement sur le dernier mot en me jetant un coup d'œil, auquel je répond en levant les miens au ciel.
- Bonjour Monsieur !
- Appelles-moi Antoine !
C'est quoi ton sourire charmeur là papa ?
- Bonjour Antoine ! Moi aussi, Henri me parle beaucoup de vous !
- Il ne se plaint pas trop de son vieux père, j'espère ! S'exclame-t-il en lui lançant un clin d'œil entendu.
- Papa, on va te laisser, on a un exposé à préparer je te rappelle. Dis-je en prenant Lyla par les épaules.
Il nous offre un sourire en coin en se dirigeant vers son bureau.
- À plus tard les jeunes !
- Il est aussi sympa que tu me l'as décrit ! Me chuchote Lyla. Je lui souris.
Elle regarde un peu autour d'elle et ses yeux se posent sur le piano à queue. Elle m'adresse un énorme sourire et un regard suppliant. La maligne...
- Alleeeeeez Henri, s'il te plaiiiit.
- On a du travail Lyla...
- Allez juste un petit peu...
Elle me regarde de ses grands yeux malicieux. Comment lui résister.
- Allez-y, viens !
Elle sautille en me suivant. Je m'installe sur le tabouret et retire mes lunettes. Je prends une grande inspiration et pose délicatement mes doigts sur les touches en ivoire. J'entame la plus jolie musique d'Yiruma, mon compositeur favori. Les premières notes de River Flows in You envahissent la pièce et je sens Lyla se rapprocher de moi. Je tourne la tête près d'elle et lui souris. Ses grands yeux sont émerveillés, ça me bouleverse le cœur. Je lui fais signe de la tête se s'asseoir près de moi en lui laissant de la place sur la petite banquette. Elle ne se fait pas prier et vient se nicher contre moi. Mon cœur explose de joie. Je continue de jouer, y mettant mon cœur, mes tripes et toute mon âme. Tout à coup, Lyla pose doucement sa tête sur mon épaule. J'en ai le souffle coupé. Mes doigts continuent de danser sur le somptueux instrument. Mais la fin arrive... Je ne veux pas que ce moment se termine... Mes doigts enchaînent habilement une seconde musique. Love Me. Le temps semble suspendu autour de nous. Plus rien n'existe sauf Lyla tout contre moi et la sensation des touches froides sous mes doigts. Je ferme les yeux pour graver ce moment dans mon esprit à tout jamais. Je réalise alors que Lyla me rend heureux comme je ne l'ai jamais été. Sa présence m'est si précieuse. Je ne me sens complet qu'après d'elle. La musique se termine et nous restons ainsi, immobile dans le grand salon désormais silencieux. Je n'entends plus que les battements sourds de mon cœur. Je voudrais tellement que le temps s'arrête. Lyla s'est-elle endormie ? Elle ne bouge pas. Je sens sa respiration calme qui fait doucement se soulever ses épaules contre moi. Doucement, je pose ma main sur son genou. J'ai besoin de ce contact tout à coup, comme pour m'assurer qu'elle ne s'enfuira pas. Je commence à effectuer des petits cercles du bout de mes doigts sur sa cuisse. Sa respiration s'accélère imperceptiblement contre moi. Elle pose sa main sur la mienne, mais je ne sais pas si c'est pour me stopper ou pour m'encourager à continuer. Elle commence à s'agiter un peu... Oh non, elle veut mettre fin à ce moment... Elle se tourne un peu vers moi et plonge son regard dans le mien. Mais quelque chose a changé. Tout au fond de ses grandes prunelles, une nouvelle étincelle brille. Et tout à coup la vérité me frappe. Ses grands yeux me supplient de l'embrasser. A cette révélation, je prends immédiatement son visage entre mes mains et caresse doucement le coin de ses lèvres avec mon pouce. Je cherche un signe dans ses yeux, un accord. Là, elle baisse timidement les yeux vers mes lèvres entrouvertes. C'est le signe que j'attendais. Je m'approche lentement d'elle pour lui laisser le temps de reculer si elle le souhaite. Mais elle ferme les yeux et glisse une main tremblante derrière ma nuque pour m'attirer à elle. Mes lèvres se plaquent contre les siennes. Elles ont un goût exquis, doux et fruité. Je sens sa main se resserrer contre ma nuque et c'est un tsunami qui me ravage le cœur et le corps. Nos lèvres se cherchent, se cajolent, se séparent, se retrouvent. Ce baiser est comme un besoin, comme si ma vie entière en dépendait. Suis-je entrain de rêver? Je ne l'espère pas.
A bout de souffle, je m'éloigne à contre cœur de Lyla et pose mon front sur le sien, les yeux toujours clos. Nous restons ainsi, sans bouger, le temps de retrouver notre calme. Je ne veux pas ouvrir les yeux. Je veux rester ainsi. Je me sens bien.
Au bout de quelques secondes ou quelques heures, je n'en sais rien, Lyla soupire et murmure.
- Excuse-moi Henri... Je ne sais pas ce qu'il m'a pris... Tu as besoin de temps et moi je... Je...
Je suis scotché par ses excuses. Oh non Lyla si tu savais ce que j'ai ressenti... Mais les mots refusent de sortir de ma bouche.
- C'est que... Tu me plais et... Je me sens bien vers toi... Mais j'ai été trop vite. Même pour moi. Je tiens à toi Henri, je ne veux pas aller trop vite non plus.
Je l'écoute attentivement et me redresse pour la regarder, mais elle fuit mon regard.
- On oublie ça Henri?...
Quoi??? Jamais de la vie !!! Je prends une grande inspiration et me lance.
- Non je n'oublierai pas, même si si je voulais je n'y arriverais pas... On a été un peu vite, tu as raison... Alors... On oublie pas mais on prend notre temps?
Je lui tends mon annulaire en prononçant ces derniers mots. Amusée, elle me tend également le sien et nous scellons notre pacte en nous souriant mutuellement. Je me penche à son oreille et lui murmure :
- Mais si tu savais à quel point tu me plais aussi...
Je lui me redresse , lui dépose un baiser au sommet du crâne et me lève en attrapant mes lunettes.
- Tu viens, on a un exposé à faire !

Le Secret d'Henri - L'inconnue du Café ObscurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant