Il me sourit et me tend les dessins qu'il tenait.
Je ferme les yeux et plonge dans mon passé. Il y a exactement un an.
Josh et Ash nous avaient déposé Rick, Jay et moi au lycée. Les deux garçons chahutaient tout excités de reprendre l'entraînement de football ce soir, il parlait de technique et d'armes secrètes pour vaincre les lions bleus à la fin de l'année pour remporté la championnat pour la 3ème années consécutives. Je m'arrêtais à mon casier et les observais en souriant tout en déposant les affaires dont je n'ai pas besoin pour l'instant. À ce moment précis j'étais si heureuse, le cœur rempli près à déborder d'amour. Je pensais qu'avec tout ce bonheur je risquais de m'étouffer. Jay fit une remarque à Rick sur ses cheveux trop longs ce qui me fit éclater de rire. Le lendemain il reviendra les cheveux plus courts ce qui le rendrait plus séduisant qu'à ce moment même.
L'insouciance, c'était tout ce qu'il y avait à ce moment là. Plusieurs filles passèrent en me saluant. Certaines d'entre elles relookaient les deux garçons en gloussant. Je me suis adossée contre les casiers pour consulter mes mails attendant celui d'une célèbre galerie new-yorkaise. Rien de nouveau. Ces temps-ci ma vie n'était qu'une simple routine. Mais la meilleure routine au monde. J'avais ces espèces de papillons dans le ventre, constamment, comme ceux que l'on ressent lorsque nous connaissons l'amour véritable. Et moi j'étais comblée en amour et en amitié. En réalité j'avais de la chance dans tout ce que j'entreprenais. La cloche retentit à ce moment là, Rick narguait Jay et vint m'embrasser sur la joue ce qui fit rire Jay qui me prit dans ses bras.
-On se voit plus tard avec l'autre crétin, m'a-t-il dit.
Ma première heure était avec Madame Reagan. J'étais comme à mon habitude la première à arriver.
-Salut, lui avais-je lancée en lâchant mon sac sur la table.
Elle a relevé la tête et m'a sourit.
-Comment vas-tu aujourd'hui ? Motivée ?
-Plus que jamais !
J'ai éparpillé mon nécessaire de travail pour commencer à bosser sur mon nouveau projet, celui qu'elle a aujourd'hui diffusé à la fac. J'attrapais mon fusain et commençais à tracer de nouveaux traits fins qui formaient une silhouette féminine, mes mouvements étaient libres et légers. Aucun pare-feu. Je me donne à 100%. Je n'entendais personne entrer en classe depuis mon petit nuage. En réalité j'étais dispensée du programme scolaire en art : "Tu ne ferais que gâcher ton talent avec ces futilités d'adolescente émotionnellement perdue" m'avait dit Miss Reagan. Quelques mois plus tard, deux autres élèves auront droit au même traitement de faveur que celui que j'ai depuis presque trois ans.
Je planais, le dessin est ma drogue. Si je n'avais pas l'occasion de dessiner pendant une journée je deviendrai folle. J'avais besoin de mon échappatoire quotidienne. Un sourire était constamment dessiné sur mon visage. Après plusieurs minutes, j'arrête et pose le fusain, je me levais et pris la feuille à bout de bras pour pouvoir l'observer de loin et rectifier ce qui clochait. Une seule chose me gênait à ce moment précis sur ce dessin, le fait que la femme soit complètement de dos, alors je le réinstalle et rectifie le tout. Désormais elle tourne la tête vers moi. Son visage n'est pas net. Complètement flou à vrai dire. Elle paraît si paisible, aucun problème ne l'atteint. Elle est la personnification même de la liberté. Et c'est exactement ce que je voulais montrer.
La liberté.
La journée de cours était terminée, j'ai abandonné Jay et Rick pour aller acheter de nouveaux fusains. La boutique était à 20 minutes à pied du lycée, sur la 5ème Avenue. Il faisait encore chaud à cette période de l'année qui devait être fraîche. Foutu réchauffement climatique. Je prenais les rues où il y avait le plus de monde. J'aimais me mêler à la foule. Voir de nouveaux visages inconnus m'inspirait de nouveaux dessins, de nouvelles histoires à raconter. Un nouveau moment seule avec mes papiers et mes crayons sur un pont, sur le lit de Jay, sur la terrasse de Rick ou dans le fauteuil de mon père au coin du feu. J'étais le genre de fille qu'un rien pouvait rendre heureuse. Un regard de son amoureux, les gaufres du mardi de Ash, les promenades avec Josh, une soirée pyjama avec sa meilleure amie... Des moments et des détails si simples mais remplient de sens et d'affection. Rien n'est plus important à mes yeux que ma famille et les amis, pas même le dessin. Ces gens que je connaissais depuis que j'ai poussé mon premier souffle seront toujours à mes côtés...
C'est ce que je croyais, j'aurais peut-être dû en profiter avant que tout s'effondre autour de moi sans que je m'y attendes.
Le premier dessin est celui qui est actuellement projeté, le second est un autre de mes dessins, celui-là a été fait en terminale, il représente une meute de loup couchée et un autre loup beaucoup plus imposant avec admiration. J'ai offert à Mrs Reagan certains de mes dessins. En réalité elle a pratiquement tout ceux dont je suis particulièrement fière et elle les a adorée. Je comprends pourquoi elle a choisi ces deux là. Elle en a prit un qui a été réalisé pendant la période heureuse de ma vie et un autre pendant la période désastreuse.
-Que pensez-vous de ces deux dessins ? Demande Carla Reagan.
Toute les mains, exceptée la mienne et celle de Ben, se levèrent. Carla interrogea une blonde aux cheveux courts avec un piercing à l'arcade sourcilière et un tatouage recouvrant son avant-bras.
-Je trouve que ces deux œuvres représentent bien l'opposition qu'il y a entre la liberté et l'oppression ou la soumission, plutôt ce manque de liberté que l'on retrouve lorsqu'il y a un dirigeant. Sur le premier dessin, cette femme en contact avec la nature est pour moi une personnification pure et dure de la liberté ou pourquoi pas du bonheur également. Elle mène une vie que tous rêvent de vivre, une vie heureuse sans obstacles mais que personne ne peut obtenir car en réalité le bonheur éternel n'est qu'un mythe. Une vie avec de la tristesse et des obstacles c'est la vie que nous menons tous et c'est exactement ce qui est montré avec les loups. L'auteure a tellement bien travaillé les détails de ces dessins que leurs expressions, leurs états d'âmes nous sautent aux yeux. Nous comprenons sans réfléchir.
Carla sourit.
Je suis subjuguée par le point de vue de cette fille. Elle a vraiment l'œil critique.
-Merci...?
-Lisa, répond la blonde.
-Et toi Hannah, que penses-tu de ce qu'elle vient de nous dire ? C'est réellement ce que tu as voulu représenter ?
J'en reste bouche bée, elle ne vient pas de faire ça quand même. Je rougis lorsque toutes les têtes se tournent vers moi. Je vais la tuer. En règle générale, je ne me serais jamais levée pour parler de mes œuvres au milieu d'inconnus, mais là elle me prend de haut. Ben se penche vers moi et me chuchote à l'oreille.
-Hannah ?
Je m'éclaircis la voix et me lance.
-Le premier dessin je l'ai appelé «felicitatis libertatisque» car j'ai voulu représenter exactement ce que Lisa a dit. Cette femme sereine en plein milieu de la nature, il ne lui manque rien, elle est en quelque sorte comblée de la vie facile qu'elle mène. Cette vie est une vie que personne ne peut avoir en réalité car même si nous avons une belle routine tranquille et heureuse, un jour ou l'autre ça va nous tomber dessus et nous nous retrouverons dans le même état d'âme que les loups. Celui-là s'appelle « Rem ». Nous ne serons jamais totalement libre. Il y aura toujours quelqu'un ou quelque chose qui donnera un tournant à notre vie. N'importe quoi ou qui, pourra nous rendre heureux ou malheureux. Lorsque j'ai fais ce dessin, je n'ai représenté que ce que je ressentais à ce moment là sans chercher à le rendre symbolique mais maintenant que Lisa nous a dit ce qu'elle ressentait, en le voyant, je me dis qu'au final j'ai peut-être fais passer un message involontairement. En tout cas il ne faut jamais prendre quelque chose pour acquis car un jour ou l'autre il pourra disparaître de notre vie, dis-je en regardant Carla dans les yeux.
-Pourquoi des loups ? Demande un garçon au premier rang.
-Pourquoi pas ? J'aime les loups.
-Tout à l'heure j'ai parlé des détails. Pourquoi dans le premier tout est précis alors que l'arrière plan de Rem est abstrait ? M'interroge Lisa.
-Parce que dans un rêve, un fantasme, nous savons exactement ce que nous voulons alors qu'en réalité la vie nous réserve des surprises, nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Donc en quelque sorte l'arrière-plan représente l'avenir.
De nombreux élèves ont commencé à me poser des questions auxquelles je répondais avec enthousiasme. J'ai remarqué que Ben me regardait silencieusement avec un sourire aux lèvres. A la fin de ce questionnaire je me rassis soulagé d'en avoir fini.
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Artiste [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]
Novela JuvenilElle est belle et talentueuse mais elle est surtout mystérieuse. Hannah Jenkins est arrivé à fac avec un projet en tête: Recommencer à zéro. Elle profite de l'avantage qui estoque personne ne connait son histoire. Tout ce passait bien jusqu'à ce qu'...