Perdu

383 30 1
                                    

- Thomas.

​L'interpellé me dévisagea de haut en bas d'un air hargneux. Adossé au cadran de la porte, il faisait tournoyer entre ses doigts un petit objet que je ne pouvais identifier à cette distance. Sans lui prêter plus d'attention j'enfilai mon haut et récupérai mon carquois. Ce qu'il avait lâché l'instant d'avant était vraiment impardonnable et j'était bien trop énervé pour avoir envie de discuter avec lui. Mais arrivé à la porte il s'entrava devant la sortie.

​- Laisse-moi passer.

​- Non, répliqua-t-il.

​Je le dévisageai en silence, sans bouger. Puis je demandai, croisant les bras contre mon torse :

​- Qu'est-ce que tu veux ?

​- Ce que je veux ? Que tu m'expliques.

​Fronçant les sourcils, je le détaillais. Son attitude, sa gestuelle et son comportement traduisaient, certes, de la colère mais également autre chose. De l'inquiétude.

Remarquant mon absence de compréhension il me tendit l'objet qu'il tenait dans sa main droite. Un morceau de boit taillé avec une tache de sang juste en dessous d'une bague en fer : mon couteau.

​- Où est-ce que tu l'as trouvé ?

​- Par terre. Prés de la Boite.

​On se jaugea quelques instants sans rien dire d'autre. Je ne voyais pas ce qui le rendait aussi haineux mais cela ne venait surement pas de moi. Il avait parlé si méprisamment tout à l'heure que voir que lui était en colère contre je ne sais quoi m'agaçait d'autant plus.

​Je passai mes doigts autour du manche du couteau et l'arrachai à ceux de Thomas.

​- Et bien merci, dis-je avec froideur.

​Je lui jetais un regard brulant de colère et le contournant, sortis dans le couloir de la Ferme.

​- Pourquoi y'a du sang ? lança-t-il de loin.

​- Ça te regarde ? C'est le couteau que l'on m'avait filé au début, lorsque j'ai essayé les Trancheur. Et maintenant fous-moi la paix.

​Je lui avais répondu sans me retourner, sans faire attention à son sourire niais qui étira ses lèvres sans raison.

​- Newt attends !

​Et s'élançant à ma suite il referma sa mais sur mon avant bras.

​- Lâche moi Tommy, répliquai-je en me dégageant de son emprise.

​Mais alors que je reprenait ma « fuite » à travers le couloir, il me saisis par les épaules et me ramena contre le mur me bloquant entre lui et le béton froid.

​- Laisse-moi au moins m'excuser.

​- J'en ai rien à foutre de tes excuses ! crachai-je bien que ce ne soit pas vrai. Non mais sérieusement t'as vu comment tu m'as parlé ?

​- Oui. Et je te demande pardon.

​Je soupirai de fatigue. J'étais à bout de nerf. Puis Thomas tendit la main vers moi et passa ses doigts dans mes cheveux. Surpris je reculais d'un pas alors qu'il justifiait :

​- T'avais une feuille, dit-il en haussant négligemment les épaules alors que la feuille en  question venait s'échouer contre le carrelage.

Je continuai à le regarder comme s'il s'agissait d'un extra-terrestre, le souffle court et les yeux ronds de stupeur. J'ignorais pourquoi j'avais réagi comme ça mais le brun n'ajouta rien et se contenta de s'éloigner une bonne fois pour toute.

Plus fatigué que jamais, je me laissai choir à même le sol et, ramenant les genoux contre mon torse basculai la tête en arrière. Je restai là, sans savoir pourquoi, à m'interroger sur toutes les questions qui avait lieux d'être, fixant le plafond sans me préoccuper du temps qui passait, redevenant l'enfant perdu qui était sortis de la Boite il y avait, semblait-t-il, si longtemps de cela.

***

Je sortis à mon tour du bâtiment la tête pleine d'interrogations sans réponses et pensées sans barrière. J'avais au final passé plus de deux heures dans le couloir à éplucher mon esprit au peigne fin. Et il n'en était rien ressorti d'intéressant.

La nuit était tombée sur le Bloc l'enveloppant d'un voile vaporeux accompagné par une lune ronde et blanche qui éclairait le Labyrinthe d'une lueur blafarde. Les ronflements lointains des blocards déjà endormis résonnaient faiblement dans le silence nocturne seulement troublé par les roulements mécaniques et les cliquetis habituels que produisaient les Griffeurs. Des crissements d'insectes venaient s'y rajouter créant une ambiance rassurante, l'ambiance du Bloc. 

Celle que je côtoyais depuis plus de trois ans à présent.

Je passai devant les dortoirs sans ralentir le pas et me dirigeai vers la forêt à l'ombre menaçante. A mesure que je m'enfonçais dans le sous-bois, les bruissements s'atténuèrent laissant peu à peu place à un calme astral et à une fraicheur nettement plus prononcé.

Je finis par déboucher dans une vaste clairière au ciel dégagé. Un arbre centenaire s'élevait en son centre étendant ses branchage tel une toile d'araignée au dessus de l'herbe verte. Mes lèvres s'étirèrent en un mince sourire devant ce spectacle. Je m'avançai ensuite vers lui et m'arrêtai à ses pieds.

- Salut vieux. Ça faisait longtemps, n'est-ce pas ? dis-je en caressant son tronc marqué.

Puis je me hissai jusque sur la troisième branche et m'adossai contre le tronc une jambe dans le vide, l'autre ramenée contre le torse. Soupirant de soulagement, je relevai mes yeux vers le ciel d'encre avant me laisser porter par la brise et le sommeil.

Exit [Newt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant