Chapitre 18

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Point de vue Sun :



Pratiquement tout est blanc.


Je tourne autour des tables, cligne des yeux, plisse le nez à cause de l'odeur de vieux, puis je tourne, encore, autour des chaises entourées d'un tissus en forme de nœud papillon ; tissus blanc, aussi. Sauf le parchemin ne l'est pas ; beige, qui tire sur le jaunâtre, au centre des tables.

J'observe le moindre recoin de cette décoration que je n'ai ni choisi, ni approuvé. J'aurai aimé des couleurs chaudes ; vivantes. Au moins le jour de mon mariage : du violet, du rose, pourquoi pas même du vert ? Mais on ne veut pas que je me sente vivante, même le jour d'un mariage censé être le mien et pourtant si loin. Non, tout est blanc, blanc et vide de sens. Mes doigts attrapent une fleure et je la tire de son encoche sans aucun scrupule, la regarde, longuement.

J'aurai voulu qu'elle soit rouge, rouge passion ; ça aurait eu un sens, cela, au moins. Rouge amour, couleur du sexe, du danger, de l'interdit, de la chaleur, de la sauvagerie. Rouge aurait bien été. Pas pour Gabriel ; pour Harry. Je la repose à sa place, me dit que de toute façon, c'est les envies de ma mère, qui sont prioritaires.

L'église, elle, n'est pas encore décoré : on attend la veille du mariage, prévu dans quelques jours. Quelques jours, à peine. Je ramène mes cheveux en arrière, pousse un soupir, me dit courage, Sun, courage. Lucie, Victoire, Constance et quelques unes de mes tantes sont là pour aider dans les préparatifs. A les regarder, elles semblent toutes heureuses, contentes, satisfaites : on va marier la petite dernière.

-Sun, tu peux t'activer ? Va dans la réserve et cherche les serviettes pour les tables. Sert à quelque chose, au moins.

Pas un regard et j'y vais, alors que j'aurai envie de répondre et de pas dire « oui je le fais ». Je devrais être heureuse, aujourd'hui ; jour important, les préparatifs, qui précède un jour qui l'est plus encore. Mais j'ai juste envie de partir, loin, loin d'eux, fous et faux. Je profite de l'occasion pour m'éclipser dans l'arrière salle, regarde le nombreux cartons disposés dans toute la pièce. J'en attrape un, prend un cutter, ouvre et vérifie l'intérieur. Mauvaise pioche. J'en essaye un autre, sur lequel est marqué « Eglise », mais il n'y a rien bien intéressant, j'aurai dû m'en douter ; juste des fleurs, des rubans, encore blancs, tout est blanc, blanc pure et je voudrais rire en leur avouant que pure, je ne le suis plus tant que cela et que la pureté, c'est nul. Le blanc me donne mal aux yeux. Je n'aime plus tant que ça le blanc.

-Sun !

Geste rapide, je prends le carton des serviettes et retourne à la salle. Toutes me regardent, secouent la tête.

-Quelle idiote cette petite.

Dédain et mépris dans les yeux, ils ont, alors je leur souris, l'air de dire c'est bon, elles sont là, vos fichues serviettes moches. Et je pose lourdement le carton sur la table. Lucie, ma mère il me semble, mais tout cela devient lointain aussi, au fond, on sait plus vraiment, écarquille les yeux, et mauvaise, me claque la main avant de le déposer au sol. Je hausse les épaule avec une nonchalance acquise dernièrement, lève les yeux quand je me rappelle que c'est Harry, qui fait comme ça. Je le refais, m'en fous, ça fait tellement de bien, de s'en foutre.

-Alors, vous avez trouvés la robe ?

C'est ma tante qui prend la parole, et comme c'est ma robe, c'est ma mère qui répond.

-Oh oui, et elle est très jolie.
-Bien couvrante, bien blanche ?
-Tu doutes bien que j'étais là pour l'aider à choisir et la freiner de temps en temps.

A des années lumièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant