I- Week-end entre filles

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Mes narines frémirent de joie au contact de la douceur de la brise et mes lèvres se tendirent en un sourire. Les paupières fermées, j'inspirai et expirai profondément pour sentir l'air pur et frais de la forêt se répandre lentement dans ma gorge, ma trachée, puis mes bronches et jusqu'à la plus petite de mes bronchioles.

Comme s'ils venaient tout juste de découvrir l'essence même de la respiration, je sentais mes deux poumons se gonfler et se tendre jusqu'à en craquer dans ma poitrine. Excités et heureux, ils s'épanouissaient enfin, après de longs jours passés en ville, comprimés par l'air pollué des voitures ou des usines. 

La sensation qui me traversait était si enivrante que j'en avais le tournis, comme celle que procure une gorgée d'eau qui coule lentement dans une gorge assoiffée et desséchée. Mon bonheur était tel que, le visage orienté vers le soleil couchant, je ressentais presque chacun des pores de ma peau s'épanouir un à un, et aspirer avidement l'oxygène tout autour de moi. Toute la surface de ma peau picotait, littéralement, comme si on avait injecté une bonne dose d'adrénaline dans mes veines.

– Eva ? Tu nous aides ?

La voix de ma meilleure amie me sortit de mon extase et me ramena à la réalité avec difficulté. J'ouvris un œil pour découvrir la mine amusée de Clem.

– Je te réveille peut-être ? me demanda-t-elle d'une voix moqueuse.

Pour toute réponse, je lui tirai la langue.

Clem secoua la tête en souriant, faisant voleter ses mèches blondes, mais n'ajouta rien. Non, je ne dormais pas, c'était certain. Si seulement c'était possible, pensai-je intérieurement. Histoire d'être un peu comme tout le monde, pour une fois.

Je me penchai en avant pour attraper un morceau de toile de tente grise laissé à l'abandon sur le sol terreux de la forêt. A l'autre bout du tissu, une petite brune assise en tailleur par terre me regardait, son éternel air malicieux au fond de ses yeux bridés.

– Alors ! s'exclama Clem d'une voix aiguë, tenant dans ses mains ce qui semblait être une notice de montage. Les filles, cette tente est e-xa-cte-ment la même que la mienne ! Mia, attrape ce morceau juste là, s'il te plaît. Et toi, Eva...

– Je prends celui là ? la coupai-je en montrant celui que j'avais déjà saisi, pour le simple plaisir de voir son habituel air abusivement consterné sur son visage.

– Non enfin, soupira-t-elle d'un ton autoritaire. Va plutôt chercher les piquets, on va en avoir besoin.

Je m'exécutai sans un mot, le sourire aux lèvres et non sans avoir jeté un coup d'œil complice à Mia. Clémentine était une fille qu'il était dangereux de contredire, du moins si on tenait un tant soit peu à ses oreilles, et il était rare de la faire changer d'avis. Têtue et révoltée, voilà les deux adjectifs qui la qualifiait le mieux.

En farfouillant dans les sacs pour mettre la main sur les fameux piquets, je sentis une légère brise caresser mes épaules dénudées et moites. Le soleil commençait à décliner dans le ciel orangé et le reste de chaleur de cette journée de juillet ne suffisait pas à m'empêcher de frissonner. Malgré tout, rien au monde n'aurait pu m'empêcher d'être là, en compagnie de mes amies, en pleine forêt. Cette journée de randonnée en leur compagnie avait vraiment été merveilleuse.

Malheureusement, mon sourire s'effaça bien vite, en particulier lorsque la tente censée nous abriter pour la nuit à venir s'écroula pathétiquement pour la cinquième fois de suite, acclamée par nos gémissements d'impuissances.

– Purée ! s'écria Clem en levant les bras au ciel, son principal tic à chaque fois que quelque chose clochait dans son organisation millimétrée de la journée. Vous êtes vraiment sûres que c'est une tente ce truc, et pas des vieux morceaux de tissus ?

Les Enfants de la NatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant