Une fois dans la voiture, je commençais à parler dès que Madame Le Sen mit le contact. D'une voix caverneuse, je relatai chaque scènes, chaque mouvements, chaque paroles dont je me souvenais. J'avais un besoin vital de me défaire de toutes ses images qui tournaient en boucle dans ma tête, comme si je pouvais imaginer un seul instant que ça pourrait m'aider à me sentir mieux. Parce que oui je me sentais mal. J'avais mal. C'était une douleur qui irradiait dans tout mon corps, qui me donnait envie de pleurer à chaque mot.
La maman de Mia écouta mon récit détaillé sans m'interrompre. Les yeux posés sur l'horizon, elle passait les vitesses et tournait le volant sans réagir, si bien que je finis par me demander si elle m'écoutait vraiment. Je m'interrompis au beau milieu d'une phrase.
- Mais vous étiez là, n'est-ce pas ? fis-je après un moment de silence et de réflexion. Vous saviez déjà pour le loup quand je suis entrée dans le commissariat !
Catherine secoua la tête.
- Je n'étais pas là, non.
- Mais vous saviez pour l'homme... Et pour le loup ! rétorquai-je en me rappelant les paroles qu'elles avaient prononcés à mon oreille. La police n'était même pas encore au courant !
Elle resta silencieuse. Je trépignais sur mon siège en serrant fort les poings, nerveuse, fatiguée et agacée par tous ces mystères et par l'envie de vomir qui m'avait pris la gorge depuis que j'étais entrée dans la voiture.
- Quelqu'un d'autre était là, finit par avouer la mère de Mia. Il m'a tout raconté.
- Comment...
Je fus incapable de finir ma phrase après avoir compris ce que les paroles de Madame Le Sen signifiaient. Une personne avait observé toute la scène et n'était pas intervenue. A cette révélation, une partie de la colère que j'avais contre moi-même depuis l'enlèvement se retourna contre cet inconnu, qui bien à l'abri derrière les arbres, n'avait rien fait pour empêcher tout ça. Il avait vu le loup se jeter sur Mia, il avait entendu son hurlement, mais il n'avait strictement rien fait.
De fureur, je refermai brutalement mes dents sur ma lèvre inférieure.
- Il ne pouvait rien faire, assura Catherine de sa voix douce. Je te le jure, Eva. Et ni toi, ni Clémentine n'auriez pu empêcher ça. Ne culpabilise pas, tu as fais ce qu'il fallait. Ce n'est pas ta faute.
Sa voix trembla sur la fin de sa phrase. Je tournai les yeux vers l'extérieur et fermai les yeux. Comment ne pas m'en vouloir ? C'était impossible. Tu as fais ce qu'il fallait. Je n'en étais pas si certaine.
- Pourquoi nous avez-vous demandé de cacher des informations à la police ? demandai-je d'une voix, malgré moi, glaciale.
- Ce n'est pas quelque chose qu'elle peut gérer, répondit lentement Catherine comme si elle choisissait scrupuleusement chacun de ses mots. Tu peux me faire confiance, même si tu leur avais tout raconté, en plus de trouver ça étrange - j'imagine qu'ils ne vous ont pas cru lorsque vous avez évoqué le loup -, ils n'auraient rien pu faire de plus.
Sa réponse assez floue ne répondait en rien à ma question, au contraire. Je décidai pourtant de passer à autre chose, de peur que mon choix de mentir à la police ne renforce davantage la culpabilité qui m'habitait, déjà suffisamment douloureuse. Et j'avais d'autres interrogations :
- Mia... - ma voix se cassa lorsque je prononçai son prénom - Mia a dit à l'homme quelque chose comme « Je ne vous laisserai pas lui faire de mal ». Elle parlait de moi, n'est-ce pas ?
En réalité, j'avais déjà la réponse à cette question. C'était forcément de moi qu'il s'agissait, l'homme n'avait même pas adresser un seul regard à Clem. La mère de Mia confirma mes pensées d'un hochement de tête.
VOUS LISEZ
Les Enfants de la Nature
ParanormalAllergique aux nouvelles technologies et au sommeil, Eva est une adolescente heureuse et épanouie. Un jour, sa vie prend un autre tournant lorsqu'elle voit une de ses meilleures amies se faire enlever sous ses yeux par un monstre. Le temps d'un wee...