VII- Première nuit de sommeil

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Mes jambes heurtent violemment le sol jonché de feuilles mortes tandis que je dépasse les arbres un à un sans m'arrêter. Le paysage autour de moi change constamment à mesure que je m'enfonce dans la forêt. Je cavale sans ressentir la moindre trace de fatigue. Sans aucun objectif. Juste pour le plaisir de me sentir vivante. Je n'ai aucune notion du temps, une seconde peut très bien être une heure. Je courre. A en perdre la raison.

Soudain, quelqu'un apparaît dans mon champ de vision et m'oblige à freiner des quatre fers à la dernière minute. Un loup gris foncé, beaucoup plus grand que moi, me regarde avec ses yeux d'encre. Dans son énorme gueule, un bras humain. Je reconnais avec horreur le bracelet en argent orné d'un trèfle à quatre feuilles que Mia porte toujours à son poignet. Je pousse un cri.


J'ouvris les yeux dans un sursaut et me relevai brusquement sur un coude, le cœur battant la chamade, encore perdue dans mon cauchemar. Je grimaçai de contrariété lorsqu'une lumière vive me brûla les yeux. Je retombai sur mes oreillers dans un grognement, les deux mains sur mes paupières. Un mal de tête à m'en arracher les cheveux me laminait le cerveau.

Je n'avais aucune idée de l'endroit où j'étais, ni de l'heure qu'il était. Je n'avais aucun souvenir de m'être endormie dans un lit. On avait sans doute dû m'y porter. Je fronçai les sourcils en essayant de déterminer la dernière chose que j'avais faite avant de m'endormir, sans succès. Tout ce que je me rappelais, c'était la conversation que j'avais eu avec Catherine et ces trois personnes qui se prétendaient être ma famille biologique. Je grimaçai, barbouillée. Mon cerveau n'avait aucune envie d'y repenser et d'y réfléchir, et me le faisait clairement comprendre.

Après quelques minutes, je tentai une nouvelle fois d'ouvrir un œil. Le résultat fut un peu plus glorieux que ma première tentative. Mes yeux commencèrent doucement à s'habituer aux rayons du soleil.

Je me trouvai dans une petite chambre, modestement meublée. Le lit simple dans lequel je me trouvais avait été collé contre le mur, de façon à ce qu'on puisse facilement circuler entre lui et l'ancienne commode faisant également office de bibliothèque. Une grande fenêtre apportait énormément de luminosité à la pièce, ce qui faisait ressortir les vieilles tapisseries colorées sur les murs et scintiller de miles feux le lustre en or.

Lorsque mes yeux réussirent à s'ouvrir pleinement sans ciller, je me dégageai de mes couvertures trop chaudes. J'avais toujours mes habits de la veille. Le parquet marron et froid craqua sous mes pieds lorsque je me dirigeai vers l'imposante fenêtre de la chambre. Ce fut la pelouse verdoyante et éclatante à l'extérieur, entourée par la forêt, qui m'informa quant à l'endroit où je me trouvais. Je n'avais pas bougé du Manoir depuis la veille.

La chambre avait une vue sur un potager garni. Je ne distinguai aucune signe de vie à l'extérieur. Etais-je seule dans le manoir ? J'en doutai fortement. Ils devaient sûrement être dans les parages, à attendre que je me réveille. Pourtant, j'étais à miles lieux d'être prête à quitter la sécurité et la protection de cette chambre pour aller à leur rencontre.

J'ouvris la fenêtre pour laisser l'air matinal sécher les larmes de transpiration sur mon front. Je me sentais vaseuse et fatiguée, comme si mon corps était à bout de force. Pourtant, il semblait que j'avais dormi ici toute la nuit, pour la première fois loin de mes problèmes d'insomnies apparemment, ce qui était vraiment très étrange.

En posant mon front contre la vitre froide pour tenter de faire tomber ma chaleur corporelle, je tentais à nouveau de me rappeler la dernière chose que j'avais fait avant de m'endormir, mais mon cerveau refusait obstinément de réfléchir. J'abandonnais vite la partie lorsque, en tentant de lui forcer la main, mon ventre se mit à remuer dangereusement.

Les Enfants de la NatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant