II- L'invité de la nuit

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Un frisson glacé se faufila tout le long de ma colonne vertébral lorsque des grognements, profonds et menaçants, brisèrent le silence tendu qui s'était installé. Terrorisée, la peur liquéfiant totalement mes membres, j'observai avec horreur un gros loup au pelage gris foncé s'avancer au milieu de clairière, près de notre tente. 

Le frisson glacé se transforma alors en une douloureuse décharge électrique qui se répercuta jusqu'au bout de mes doigts lorsque j'aperçus sa lourde mâchoire légèrement entrouverte, dégoulinante de salive.

Je reculai lentement entre mes amies, incapable de détacher mon regard de celui de la bête, avide et rempli de noirceur. Mais elle ne bougea pas d'un poil.

- Bonsoir Eva.

Nous sursautâmes toutes les trois en un seul mouvement, et je finis de reculer totalement entre mes deux amies qui me saisirent les deux bras. Sur la droite, à la lisère de la forêt, un homme était apparu comme par magie. Au son de sa voix, le loup vint tranquillement le rejoindre. Il se plaça près de son maître, à quelques centimètres à peine de sa main droite.

Je me risquai à quitter des yeux le loup. Il semblait obéir à l'homme, qui devint donc soudain le plus dangereux des deux. Celui-ci était entièrement vêtu de noir et portait des lunettes de soleil bien qu'il n'y ait plus la moindre trace d'un rayon de soleil à travers les arbres. Ses mains et une partie visage étaient ainsi les seules parties visibles de son corps. Les cheveux rasés de près, il avait la tête penché vers l'animal.

Je ne me souvenais pas l'avoir déjà vu un jour. Pourtant, sans que je ne sache pourquoi, l'homme connaissait mon prénom. Je frissonnai.

- Nous n'étions pas censé nous voir un jour ma chère, reprit-il d'une voix calme. Mais il faut avouer que les choses peuvent changer rapidement. Tu as les mêmes cheveux que ta mère.

Il changea son regard de direction. Mon cœur se mit à battre la chamade lorsque je sentis que, malgré ses lunettes de soleil, il me dévisageait. A mes côtés, Clem émit un petit couinement de peur.

Je fus soudain littéralement incapable de répondre à cet homme. Une désagréable sensation me martyrisa le cœur. Mes cheveux roux étaient souvent le principal indice qui permettait aux gens extérieurs de comprendre que j'étais une enfant adoptée. Mes parents adoptifs, tous deux bruns, ne m'avaient jamais caché la vérité, celle qui m'avait toujours fait un peu mal. Et ici, dans cette forêt, c'était la première fois qu'une personne me parlait de ma mère biologique.

Je sursautai lorsque Mia prit la parole à côté de moi, d'une voix forte et provocante :

- Que voulez-vous ?

Le temps d'une seconde, l'homme sourit.

- Mia, c'est cela ? demanda-t-il comme s'il venait tout juste de s'apercevoir de sa présence à mes côtés.

A mon grand étonnement, Mia avança d'un pas devant moi, sans pour autant lâcher ma main.Je jetai un regard affolé à Clem, et je compris qu'elle était dans le même état que moi.

- Naofel, c'est cela ? répliqua-t-elle sur un ton glacial.

Une ombre de surprise passa sur le visage de l'homme. Moi-même, j'avais du mal à suivre. D'où connaissait-elle cet homme, qui connaissait ma mère et mon prénom ?

- Je vois que ta mère t'a parlé de moi, lui fit l'homme. Très bien, cela évitera les discours inutiles.

- Je ne vous laisserai pas lui faire de mal.

- Et bien, en réalité, ce n'est pas elle que je veux.

De biais, je vis le visage de Mia perdre un peu de son assurance. Elle fronça légèrement les sourcils, visiblement étonnée de la réponse de l'homme. Mais celui-ci ne lui laissa pas le temps de répliquer.

Les Enfants de la NatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant