X- La Légende des Premiers

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Les jambes légères et aériennes, je saute gracieusement au dessus des souches. Ma course folle ne me mène nulle part, mais je ne peux m'arrêter de courir. Mon ventre, tout près du sol, balaye les feuilles mortes. Rien ne me perturbe. Pas même cet oiseau-là, qui s'envole à mon approche.

Tout à coup, un loup apparait. Je m'arrête brusquement devant cet animal impressionnant. Mes poils se retroussent de frayeur sur mon dos. Le monstre a le poil gris foncé, un regard noir et la gueule ouverte et bavante. Je m'apprête à faire demi-tour, mais soudain apparaît entre ses dents aiguisées un bras humain.

L'odeur du sang m'emplit aussitôt les narines, me prend la gorge, m'arrache à un haut-le-cœur. Puis, je reconnais le bracelet que porte le bras humain. Il est en argent orné d'un trèfle à quatre feuilles. Je pousse un cri.


Je me réveillai en sursaut, des images de mon cauchemar défilant encore devant mes yeux tandis que je me relevai d'entre mes couvertures. Je poussai un grognement en massant mon front en sueur. J'avais encore fait ce stupide cauchemar. Le même que la nuit dernière. S'il y avait bien un inconvénient au fait que j'étais soudainement devenue une vraie Belle au Bois Dormant, c'était bien ces idioties de rêves.

Je retombai sur mes couvertures sans douceur. La pièce était plongée dans le silence et la pénombre, seul un mince filet de lumière lunaire la traversait.

En me frottant le visage de mes deux mains, je tentai de reprendre mes esprits, ainsi qu'une respiration à peu près normale. Les images de la veille me revirent en mémoire, en particulier celles de ma tentative de fugue vite écourtée.

Je soupirai. Cette nuit, après avoir passé une nouvelle fois la porte du Manoir, j'avais croisé le regard de Catherine, assise avec d'autres sur les canapés du salon. Elle n'avait rien dit. Son visage était resté neutre lorsque ses yeux m'avaient observés monter les escaliers uns à uns. Mais son regard m'en avait dit long sur le fond de sa pensée. Elle était d'accord, il fallait que je reste chez eux. Et moi, je ne savais plus ce que je voulais.

Je me retournai sur le côté en faisant grincer le vieux lit dans lequel je dormais depuis trois nuits déjà. Ce n'est qu'à ce moment là que je remarquais qu'une feuille avait été posée sur ma table de nuit. Avec espoir, je la saisis aussitôt en m'attendant à y trouver un nouveau mot laissé par mes parents. Mais ce n'était rien de tel.

Malgré l'obscurité, je m'aperçus tout de suite qu'il s'agissait d'une photocopie d'un document très abîmé, comme un vieux parchemin jauni par le temps. Un texte était rédigé à l'encre noir, en italique, dans une écriture parfaite et harmonieuse. Piquée par la curiosité, je me levai aussitôt de mon lit et me dirigeai vers la fenêtre en quête de plus de luminosité. Puis, je me mis à lire :


En l'an 1700, dans une forêt de France, vivaient trois frères et une sœur. Orphelins et rejetés par le village qui jouxtait le bois, ils avaient appris à vivre de la nature, quémandant ses richesses sans en abuser.

Leur âge grandissant, les personnalités s'affirmèrent. Un jour de pluie, une dispute éclata entre les trois ainés et ils décidèrent de séparer la forêt. Le premier frère, aîné de la fratrie, choisit la partie la plus boisée et la plus silencieuse, où vivait une famille de loups.

A sa suite, le deuxième frère préféra la partie la plus éloignée du village, délimitée par un courant d'eau froide où s'abreuvait une famille d'ours.

Le troisième frère prit quant à lui la dernière partie de la forêt, légèrement vallonnée et rocheuse, où se cachait une famille de renards.

Les Enfants de la NatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant