III- Interrogatoire

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- Eva ! Clémentine !

L'agréable visage de la mère de Mia sembla perdre le peu de couleurs qui lui restait lorsqu'elle nous aperçut. Sa longue robe aux motifs un peu vieillots traîna sur le sol du commissariat lorsqu'elle vint à notre rencontre. Mon cœur se serra lorsque je vis que ses doux yeux bridés avaient pleuré. La culpabilité, qui avait pourtant un peu diminué ces dernières minutes, revint au galop.

Je ne m'attendais pas à croiser Catherine si tôt : même pas une heure était passée depuis que Mia avait été enlevée. Je n'avais toujours pas réfléchi à ce que j'allais bien pouvoir lui dire. Mais, dès que je la vis me tendre les bras, c'est une irrésistible envie de me serrer contre elle pour lui demander pardon qui me bouleversa.

Cependant, lorsque j'esquissai un mouvement vers elle, la main de la policière posée sur mes épaules se resserra en une forte pression. Je tournai la tête pour la supplier du regard de me laisser me réfugier dans les bras de Catherine. De me laisser m'excuser pour avoir laisser le loup emporter Mia sans n'avoir rien tenter.

La policière hésita, ses yeux se posant tour à tour sur moi, Clem et un autre policier plus âgé qui se trouvait quelques mètres plus loin. Finalement, lorsqu'elle reçut son approbation d'un signe de tête, elle enleva sa main de mon épaule.

- Quelques secondes seulement, fit-elle. Vous n'êtes censées parler à personne.

Je me jetai aussitôt dans les bras que Madame Le Sen me tendait. Une fraction de secondes plus tard, je sentis Clem faire de même. Me retrouver ainsi, tout contre les personnes les plus proches de Mia alors que les images du loup et de l'homme en noir tournaient encore dans mes pensées, me fit exploser.

- Je suis vraiment désolée, sanglotai-je tandis que Madame Le Sen passait ses mains autour de mes épaules. On a rien pu faire, il est arrivé comme ça... Il a attrapé sa jambe....

Je tremblai comme une feuille. Catherine nous serra plus fort contre elle pour que nos têtes se touchent.

- Chuuut, nous dit-elle a l'oreille doucement. Ce que vous venez de vivre est très dur, je le sais... Mais vous n'allez rien raconter à personne.

Ses longs cheveux noirs se collèrent sur les larmes de mes joues. J'essayai de me dégager de son étreinte pour pouvoir la regarder dans les yeux, mais elle resserra son emprise autour de moi.

- Reste contre moi Eva, chuchota-t-elle d'une voix pressante. Écoutez moi attentivement toutes les deux. Parlez leur de l'homme et du loup, décrivez-les si vous le souhaitez, mais surtout ne rapportez rien de la conversation. Tout s'est fait en silence. C'est compris ?

Sur le moment, je ne saisis pas le fait qu'il était impossible pour Madame Le Sen de savoir autant de détails sur l'enlèvement de Mia. Cet étrange invraisemblance me passa au dessus de la tête, tellement ce qu'elle était en train de me demander était délirant. Je n'en croyais pas mes oreilles.

- Mia a été enlevée ! martelai-je à son oreille pour être bien sure qu'elle comprenne la gravité de la situation.

- Je le sais bien.

Je me dégageai légèrement, assez pour apercevoir son visage de biais. Elle avait les yeux remplis d'inquiétude et ses lèvres pincées faisaient comprendre la difficulté qu'elle avait à prononcer cette phrase :

- La police ne peut rien faire. Je vous en prie, faites moi-confiance.

Elle nous suppliait du regard.

- Je ne comprends pas....

- Il est temps, nous prévint la policière.

Clem et moi fûmes interrogées pendant deux longues heures dans l'étroit bureau du poste de police de ma petite ville. Toujours sous le choc, ma meilleure amie n'émit que quelques paroles, se contentant souvent de répondre aux questions par ''oui'' ou ''non''.

Les Enfants de la NatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant