Les Enfants de la Nature

VIII- Révélations familiales

Lorsque j'entrouvris les yeux quelques heures plus tard, la chambre était quasiment plongée dans la pénombre. Le vieux lit grinça lorsque je me relevai péniblement entre les couvertures de laine. Je frottai mes doigts contre mes paupières, les pensées encore embrouillées par un lourd sommeil de plusieurs heures.

Ce n'est qu'en m'asseyant au bord du lit, juste en face de la commode délabrée, que je remarquai qu'un morceau de papier y avait été posé, appuyé contre une souris en peluche. Je plongeai avec joie mon nez dans le ventre rose et doux de mon doudou d'enfance et soulevait dans mon autre main le papier laissé à mon intention. Après l'avoir placé sous la faible lumière du soleil couchant, je lus les quelques lignes inscrites à la main :

Nous sommes passées te voir aujourd'hui, mais tu dormais. Surtout, appelle-nous si tu as besoin de quoi que ce soit. Nous sommes là. Repose-toi bien. A demain. Papa et Maman.

Un immense sentiment de gratitude à l'égard de mes parents me bouleversa. Savaient-ils que je me trouvais sous le même toit que ma famille biologique ? Sans doute, Catherine avait dû leur dire. En tous les cas, ils étaient toujours là, près de moi.

Les lèvres étirées en un sourire sincère, je fermai les yeux quelques instants en respirant l'odeur de ma peluche. Je m'aperçus avec soulagement que mon mal de tête avait presque disparu, tout comme mon envie de vomir. Dormir n'était pas si mal finalement, même si je trouvais que la sensation de flou au réveil était quelque peu étrange.

J'eus soudain envie de prendre l'air. A petits pas, après avoir soigneusement reposé ma peluche sur le mot pour éviter qu'il ne s'envole, je me dirigeai vers la porte en essayant de faire craquer le moins possible le parquet brun. C'était voué à l'échec, il faisait un boucan d'enfer.

Une fois sortie au milieu d'un couloir sombre, je restai sans bouger quelques instants, la respiration bloquée, à l'affût du moindre bruit. Puis, n'ayant perçu qu'un silence de mort, je me décidai à avancer le long du couloir. Je dépassai une demi-douzaine de porte en bois, toutes closes, et débouchai sur la mezzanine que j'avais admiré la veille. La bibliothèque qui longeait son mur me parût encore plus grande et attrayante vu de près.

Je descendis prudemment le large et charismatique escalier en chêne. La grande vitre face à moi laissa une lueur orangée éblouir entièrement mon corps. Ce n'est qu'une fois arrivée tout en bas que je perçus enfin une présence humaine. Derrière moi, dans une pièce sous la mezzanine, je distinguai des bruits de pas et des bribes de conversations. En vitesse, le cœur battant, je marchai jusqu'à la porte d'entrée en priant pour ne pas me faire repérer. Je ne soufflai de soulagement qu'une fois à l'extérieur, la porte close ayant fait taire les agitations à l'intérieur du Manoir.

Je restai là quelques instants, sur le pallier d'entrée, à sentir le vent frais caresser mon cou et le silence apaiser ma respiration, tandis que le soleil se couchait au loin. J'inspirai profondément en observant l'horizon, mes bras enlacés autour de moi pour me protéger du froid. Le paysage était vraiment très beau. Le Manoir avait beau être entouré par la forêt, il était légèrement surélevé ce qui permettait de pouvoir voir au dessus de la cime des arbres. De ma position, j'avais donc une vue imprenable sur les vallées de la Bretagne. Le soleil couchant rendait les couleurs du tableau absolument splendides.

C'est à ce moment là que j'aperçus un peu plus loin, dans la pénombre du soir, deux silhouettes. Je sursautai en reculant contre la porte d'entrée. Mon cœur se calma un peu lorsqu'en plissant les yeux, je distinguai les longs cheveux noirs de Catherine, assise sur ce qui me sembla être un haut tas de pierres. A ses côtés, une autre personne était installée sur une chaise et tenait une bougie dans ses mains. J'eus la désagréable impression que toutes deux m'observaient en silence, sans savoir depuis combien de temps.