Le Cheval

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    Ce matin-là, Manon avait été réveillée en sursaut. Il était déjà midi avait déclaré James, s'excusant du coup de coude qu'il venait de lui donner en guise de réveil. Il fallait profiter de la journée, avait-il affirmé. Alors c'est ce qu'ils avaient fait. Il lui avait fait visiter toute la ville. En partant du petit marché d'où ils s'étaient rencontrés, jusqu'aux quartiers du bas, réservés aux agriculteurs puisqu'ils longeaient les champs en bord de ville. Ils étaient ensuite retournés sur les hauteurs, dans le quartier noble.

Ils s'étaient arrêtés devant une immense demeure que James avait regardé avec un profond dégoût.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Manon.
- Je déteste ces gens.
- De qui ? Ceux qui habitent là ?
- Oui. Je les hais.
Il marqua une pause, pensif.
- J'les ai servi comme domestique avant, avec mes parents... puis quand ils sont morts... ils...
Il serra les poings.
- Ils m'ont dégagé. De vrais connards... j'ai du me débrouiller tout seul...
    Puis, il parut se ressaisir.
    - De toute façon, je devrais pas y penser. C'était y'a longtemps... je m'suis habitué maintenant.
    Il lui lança un regard rempli de nostalgie puis il secoua la tête.
    - Je suis bête...
    Manon passa sa main sur l'épaule du garçon, en espérant que cela le réconforterait. Elle n'arrivait pas à compatir. Elle n'avait jamais connu ses parents, cela l'avait parfois perturbé ou intrigué mais elle n'arrivait pas à appréhender la tristesse que pouvait provoquer la perte de l'un d'entre eux.

    Ils s'assirent tous les deux sur un banc. C'était le banc sur lequel elle avait dormi, se rappela t-elle. Le soleil se couchait déjà. Teintant de rouge l'horizon incertain. Plus Manon perdait ses pensées sur cette ligne lointaine, plus elle se rendait compte du besoin qu'elle avait de continuer cette aventure qu'elle avait entreprise. Elle se tourna vers James, la tête pleine de rêves, et déclara de but en blanc :
    - James, il me faut un cheval.
    - Que... Quoi ?! De... Mais pour quoi faire ?! répondit-il visiblement pris de court.
    - James, il faut que je partes. Tu pensais tout de même pas que j'allais rester ici pour toujours ?! Alors j'ai besoin d'un cheval !
    - Mais partir où ?! T'as pas besoin d'un cheval pour partir ! Je...
    - James ! Je vais quand même pas aller jusqu'à l'Est à pied !
    - À l'Est ?! Mais pourquoi...
    - Pose pas de question ! coupa-t-elle. Tu sais où je pourrais trouver un cheval ou non ?
    - Un cheval mais... non je crois p... à moins que... finit-il, l'air malicieux.
    À ce moment là, James eut une idée. Et quand James avait une idée, rien ne pouvait l'arrêter.

*Clac!* James venait de casser le cadenas qui fermait le portail de la belle maison. Manon jeta un coup d'œil inquiet vers les fenêtres grandes ouvertes. Pourvus que personne ne les entende...
    - Comment ça se fait que ce soit aussi facile ? demanda t-elle alors qu'ils passaient l'entrée.
    - Ces gens pensent qu'ils effrayent tout le monde. Ils se croient tellement puissant que personne n'oserait les voler. On va leur montrer qu'ils ont tort !
    Ils s'avancèrent un peu plus dans l'allée. Manon redoutait à chacun de ses pas d'entendre quelqu'un hurler au voleur. Finalement, ils réussirent à atteindre les écuries sans encombres. James commença à détacher un cheval.
    - James, tu fais tout ça pour moi... alors qu'on ne se reverra peut-être jamais... je... c'est très gentil.
    - T'inquiètes pas pour ça ! Dis-toi que c'est aussi une manière  de me venger d'eux ! Tiens.
    Il lui passa la bride qui la reliait à l'animal.
- Tu veux que je t'aide à monter ?
Elle hocha la tête et se retrouva au sommet de l'animal. À cette hauteur, elle avait l'impression de dominer la situation. C'était la première fois qu'elle montait sur un cheval et pourtant, elle se sentait bizarrement familière avec cette sensation.

   James attrapa l'autre bout de la bride et guida le cheval jusqu'à la sortie. Ça ne peut pas être si simple... pensa Manon.
    - Il va falloir que tu sois prête au cas où... commença James.
    - Eh!!! Vous là-bas !
    Manon se retourna en sursaut. Au loin, elle distingua un domestique au visage rouge pivoine tant il semblait révolté. Par reflex, elle donna un coup de talon et partit au galop. Elle se mit à rire nerveusement. L'adrénaline sans doute. James l'imita. Il essayait tant bien que mal de la suivre mais il s'épuisa rapidement et lança en guise d'au revoir, l'air mi-amusé mi-attristé :
    - Bonne chance Manon !
    Elle lui répondit avec un geste de la main et ajouta :
    - J'espère qu'on se reverra !
    Mais il était si loin, ses paroles n'étaient peut-être même pas parvenues jusqu'à lui...

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