Chapitre 7

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Ils étaient partis, me laissant là, seule avec un frère que je ne connaissais pas, dans une maison que j'appréhendais plus que tout. Mais ils m'avaient surtout laissée seule avec lui. Je voulais appeler à l'aide, m'enfuir en courant et ne plus jamais me retourner mais je restais là, figée, incapable d'effectuer le moindre mouvement. Matthew se racla la gorge derrière moi. Je me retournai lentement et posai mon regard dans le sien. Il avait changé. L'air gentil qu'il arborait quelques minutes auparavant s'était changé en un air froid, glacial. Il me lançait un regard méprisant. Ses sourcils étaient froncés et il serrait la mâchoire croisant les bras sur sa poitrine. Il était énervé, je ne savais pas pourquoi mais il était énervé j'en étais certaine. Il ouvrit la porte d'entrée et se retourna vers moi.

- Allez, dépêche toi j'ai pas toute la journée, s'impatienta-il.

Je repris aussitôt mes esprits. Je pris mes affaires et entrai doucement dans la maison. J'avais peur, peur de cette nouvelle vie, peur de cette maison, peur de lui... Je ne voulais pas le revoir. Je ne voulais pas qu'il puisse à nouveau poser son regard sur moi. J'avançais lentement et entendis Matthew perdre patience derrière moi. Il claqua la porte, m'arrachant un sursaut et me dépassa en soupirant bruyamment. Je le suivis, ne voulant pas me retrouver seule et mon cœur se serra brusquement lorsque je reconnu l'entrée du salon. Il m'emmenait le voir. Des souvenirs revinrent peu à peu, tous plus douloureux les uns que les autres. Rien n'avait changé, je pouvais toujours apercevoir ce canapé sur lequel il avait passé ses journées. Des bouteilles d'alcool jonchaient le sol. La pièce sentait le tabac froid et je ne pu m'empêcher de me rappeler de la sensation des cendres chaudes écrasées sur ma peau. Le salon avait été vidée de tout vase après qu'ils aient tous été brisés lors des innombrables disputes entre mon père et ma mère. Je repensais soudainement à ma mère, à tout ce qu'elle avait enduré ici avant d'avoir eu le courage de fuir. Elle avait gardé de profondes cicatrices autant physiques que morales de son passage ici toute sa vie. Elle avait vécu dans la peur et l'incertitude à cause de ce monstre. Et malgré le nombre suffisant d'homme ayant tenté leur chance auprès d'elle, elle n'avait jamais réussi à aimer quelqu'un d'autre ayant perdu toute confiance en elle et en quiconque depuis mon père. Ma haine grandit peu à peu lorsque je réalisai qu'après d'innombrables années à le fuir, mon père allait finalement avoir ce qu'il avait toujours voulu: moi... Matthew me fit signe de rester là tandis qu'il se dirigeait vers la cuisine. Je lui obéis tandis que l'appréhension montait en moi. Il revint quelques secondes plus tard une carafe d'eau à la main. Je le questionnai du regard tandis qu'il s'approchait du canapé un sourire malsain au visage. Il versa le contenu de la carafe sur mon géniteur endormi sur le canapé agrandissant son sourire. Mon père se leva d'un coup en poussant un cri d'animal. Il ouvrit les yeux et les posa sur mon frère qui recula d'un pas. Un rictus se forma sur la bouche de mon géniteur. Il se leva et bondit sur mon frère. Je poussai un cri lorsqu'il lui empoigna le cou, le serrant toujours plus fort tandis que mon frère tentait tant bien que mal de se débattre. Je plaquai ma main sur ma bouche, me rendant compte de mon erreur lorsque mon père se tourna vers moi, lâchant soudainement sa poigne. Matthew s'écroula au sol et reprit bruyamment son souffle. Il se mit soudainement à rire, d'un rire malsain en me regardant. Son regard pervers me donnait froid dans le dos mais je ne pouvais pas détacher mes yeux de lui si cela signifiait devoir regarder mon père. Sentir ses yeux sur moi me donnaient simplement envie de fuir, de courir loin d'ici. Et pourtant il me regardait fixement je le ressentais.

- Et bah alors tu ne la reconnais pas?, s'écria violemment Matthew. Figure toi que sa mère est morte, et que tu es maintenant son tuteur légal. Alors qu'est ce que ça te fait d'apprendre ça, hein David?

Son rire résonnait toujours lorsque je décidai enfin de regarder mon géniteur dans les yeux. Il paraissait perdu et heureux en même temps. J'aperçu cet éternel air de psychopathe lui traverser les yeux. Un frisson me parcouru l'échine. Il n'avait jamais été si effrayant. Son corps squelettique et ses éternels cernes noirs lui donnaient un air plus sombre, plus meurtrier qu'auparavant. Il me regardait, les poings toujours serrés après le conflit qu'il avait eu avec mon frère, un sourire macabre aux bords des lèvres. Il s'avança dangereusement vers moi. J'avais envie de partir en courant mais je ne réussi qu'à faire un pas en arrière. Il s'approcha de plus en plus et ses bras vinrent bientôt s'enrouler autour de moi. Il me serrait de plus en plus fort me coupant peu à peu la respiration.

- Je savais que tu reviendrais, je le savais. Tu m'appartiens Alexie, tu m'entends ? Et tu ne me quitteras plus jamais.

Une larme s'écoula le long de ma joue. Et je me maudissais de donner autant d'importance à ce monstre. Je venais d'arriver en enfer et lui donnais exactement ce qu'il voulait. J'avais été forcée de revenir auprès de lui et maintenant je lui montrais à quel point il pouvait me blesser. J'étais tout simplement faible et ça me tuait.

Il relâcha son étreinte au bout de quelques minutes. Il continuait de me fixer avec ses yeux pervers me mettant de plus en plus mal à l'aise. Son regard me parcourait le corps tandis que je restais figée face à lui incapable de faire quoi que ce soit. Il finit par se tourner vers Matthew qui nous observait toujours au sol.

- Rends-toi utile, va lui montrer sa chambre, lui ordonna-t-il sèchement.

Mon frère se leva en soupirant et s'avança vers moi. Il me dépassa, me lançant un regard noir et se dirigea vers les escaliers me faisant signe de le suivre. Je ne me fis pas prier deux fois. Je pris mes affaires et le suivit, pressée de quitter la pièce. Il monta les marches deux par deux tandis que j'essayais de suivre son rythme ralentie par le poids de ma valise, examinant les lieux. Les murs de l'escalier étaient dénués de photos de famille comme celles que l'on pouvait voir dans les films. Seul un papier peint abîmé, déchiré par endroit ornait les murs. Les marches craquaient sous nos pas, me donnant l'impression que nous allions nous effondrer d'un moment à l'autre. Arrivé en haut de l'escalier, Matthew me regardait peiner à monter ma valise marche par marche. J'arrivai enfin à son niveau, essoufflée et l'espace d'une demi-seconde je cru apercevoir un sourire amusé sur son visage. J'avais dû rêver, ça ne lui ressemblait pas. Il reprit aussitôt un visage neutre, confirmant ma pensée et avança dans le couloir. Je le suivis lentement tandis que ma respiration reprenait son rythme habituel.

Il s'arrêta enfin devant une porte. Je l'aurais reconnue entre milles. Cette porte avait pendant longtemps été le seul bouclier séparant mon corps apeuré des sévices de mon père ivre mort et je n'avais jamais vraiment réussi à comprendre comment elle avait pu tenir le coup si longtemps. Autrefois peinte d'un rose pâle, elle était maintenant recouverte de nombreuses entailles. La peinture avait disparue sous les coups de mon père, laissant peu à peu place à la couleur sombre du bois de la porte d'origine. Matthew abaissa la poignée et ouvrit la porte. Il resta à l'entrée et se tourna vers moi. J'entrai lentement sous son regard pesant, anxieuse de revoir la chambre de mon enfance. Mes yeux s'ouvrirent sur une vision d'horreur. Les meubles avaient étés projetés au sol. Les jeux de mon enfance étaient étalés dans toute la pièce. Tous mes cadres avaient été brisés. Le sol parsemé de bouts de verres craquait sous mes pas. Seul le lit avait gardé un état convenable bien que les draps n'aient été arrachés. Je me retournai vers mon frère qui m'observait derrière, un sourire mesquin au visage.

- Ici c'est ta chambre, comme tu dois t'en douter, se moqua-t-il.

Il prit soudain un air plus sérieux et s'avança vers moi, bras croisés.

- Que je t'explique comment ca marche ici. Tu reste dans ton coins, je reste dans le miens. Tu ne ramène personne ici et tu te démerde pour aller et revenir du lycée. Pigé ?

J'acquiesçai devant son air dur avant de porter à nouveau attention à ma chambre. Je n'en revenais toujours pas. Je n'avais même pas la place de marcher au milieu de tous ces décombres. Matthew se dirigea vers la porte et se retourna au dernier moment.

- Oh et ici on ne mange pas, je mange souvent chez des potes et David mange ce qui lui tombe sous la main quand il est assez sobre pour ça. Du coup il va falloir que tu cherches un endroit où manger à peu près tous les soirs, m'informa-t-il.

C'était sûrement la première bonne nouvelle que j'avais entendue depuis des jours, je n'allais pas devoir manger avec eux. Et si j'y réfléchissais bien, entre ça et le lycée je n'allais pas les voir tant que ça. Cette pensée me rassura et je commençais à voir une issue de secours dans cette vie qui allait être la mienne.

- Bienvenue dans ta nouvelle vie sœurette, ajouta-t-il mesquinement.

Il me lança un dernier regard, fit volte face et sorti de la chambre en prenant soin de fermer la porte derrière lui. Je m'approchai du lit et me laissai tomber sur celui-ci en soupirant longuement. Je posai ma tête sur le coussin et fermai les yeux, repensant à tout ce qu'il venait de se passer depuis ce matin. Voilà ce à quoi ma vie allait ressembler maintenant.

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Heeey! Alors que pensez vous de ce chapitre? Que pensez vous de Matthew et de son père? Que va-t-il arriver à Alexie? Hâte de vous montrer la suite.


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