Je sentis quelque chose me soulever délicatement la paupière. Une lumière m'aveugla d'un coup passant de gauche à droite puis de haut en bas. Mes yeux s'humidifièrent peu à peu rendant ma vision plus floue qu'elle ne l'était déjà. Je tentais de fermer les yeux mais en vain, c'était comme si une force invisible m'en empêchait. Après ce qui me sembla une éternité je décidai finalement de laisser tomber. Je laissai donc la lumière m'aveugler tandis que je sentais quelques larmes perler le long de mes joues. Quelques secondes plus tard ma paupière retomba. Mais j'eus à peine le temps de reprendre mes moyens que mon autre œil subit le même sort. Je mis plusieurs minutes avant de discerner du bruit autour de moi. Un bruit aigu et répétitif se répétait constamment près de mon oreille. Où étais-je ? Je commençais à entendre des voix mais je ne comprenais pas ce qu'elles disaient. C'était comme si une foule de personnes parlaient en même temps dans ma tête. Je n'arrivais pas à comprendre ce qu'il m'arrivait, j'étais perdue.
- On l'emmène au bloc, arrivais-je à distinguer.
Quoi ? Au bloc ? Mais de quoi parlaient-ils ?
Je sentis la pièce bouger autour de moi. Je ne bougeais pas mais pourtant j'allais vite, je le savais, je le sentais. Il fallait que j'ouvre les yeux, il fallait que je comprenne ce qu'il m'arrivait. Mais malgré mes nombreuses tentatives, mon œil ne bougeait pas d'un cil et j'en vins à regretter la chose qui me l'avait fait ouvrir plus tôt. J'entendis une voix susurrer à mon oreille.
- Qui que tu sois il faut que tu t'accroches mon cœur. Nous avons besoin de toi, nous ne pourrons pas te sauver sans ton aide, me dit-elle d'une voix rassurante.
Je voulais bouger, me lever, ouvrir les yeux mais c'était comme si je n'étais plus responsable de mon corps. Je ne pouvais rien faire et je restais là, impuissante, condamnée à écouter les bruits autour de moi, sans comprendre ce qu'il m'arrivait. Je sursautai lorsque quelque chose vint violemment me piquer le bras sans prévenir. Mon poing se serra violemment sous le coup de la surprise. Si j'avais pu crier, je l'aurais sûrement fait mais ma voix restait bloquée au fond de ma gorge.
- On a eu une réaction, s'écria un homme près de moi.
Je senti quelque chose de froid se coller contre ma poitrine me faisant frissonner. J'avais réussi à bouger ! J'eus à peine le le temps d'y penser qu'un masque vint se poser autour de ma bouche. Je me mis soudainement à paniquer. Ma respiration se fit de plus en plus rapide. J'avais l'impression de suffoquer. Une main agrippa la mienne et la serra tendrement. Son pouce effectuait des cercles sur le dos de ma main tandis qu'une personne me caressait doucement les cheveux.
- Laisse toi faire mon ange, nous sommes ici pour t'aider. On se revoit dans quelques heures, me dit-on.
Je n'eus aucun mal à reconnaître la voix de cette jeune femme qui m'avait parlé plus tôt. Mon corps se décontracta aussitôt. Ma respiration ralentit doucement et un parfum de menthe fraîche se propagea peu à peu dans le masque.
- Sois forte ma belle.
Ce furent les derniers mots que je pu entendre, puis plus rien.
***
Bip, Bip, Bip...
Non... Je n'avais pas rêvé, j'entendais encore ces bruits de machines près de mon oreille, ces bruits stridents et insupportables, les même que lorsque je m'étais endormie. J'ouvris difficilement les yeux. La salle était plongée dans le noir, seuls quelques rayons de lumière avaient réussi à s'échapper du rideau laissant entrevoir des murs blancs. Je distinguais quelques affiches sur l'un d'eux mais il faisait trop sombre pour que je puisse y lire quoi que ce soit. J'étais entourée de machine et compris aussitôt que j'y étais branchée. Une perfusion était plantée dans mon bras expliquant sûrement la vive douleur que j'avais ressenti quelques heures plus tôt. Je me relevai en grimaçant. Chaque parcelle de mon corps me faisait atrocement souffrir. Je tentai de me mettre debout mais je ne pu m'empêcher de crier en posant le pied à terre. L'un des patches jusque là collé sur ma poitrine se détacha sur le coup. Les machines s'affolèrent les unes après les autres, sonnant de plus en plus fort.
Une infirmière entra en courant suivit de deux hommes en blouse blanche. Elle semblait affolée. Des mèches rousses s'étaient échappées de son chignon et retombaient en cascade sur son visage inquiet. Elle alluma la lumière tandis qu'elle regardait partout à la fois en fronçant les sourcils. Son regard vint se poser sur moi et je la vis se décrisper peu à peu. Elle laissa retomber ses épaules en expirant de soulagement. Elle s'approcha de la machine et la fit taire. Puis elle se retourna vers les hommes qui l'accompagnaient et leur fit signe de partir. Elle ferma la porte avant de s'approcher de moi. Elle sembla m'étudier pendant quelques secondes. Ses yeux me détaillaient de haut en bas jusqu'à ce que je la voie fixer mes pieds. Son air inquiet revint immédiatement.
- Il ne faut surtout pas que tu te lèves ! , me dit-elle précipitamment.
Elle vint m'aider à m'allonger et me recolla le patch sur la peau. La machine se ralluma aussitôt, reprenant un rythme normal. Je la remerciai doucement tandis que je m'efforçais à me souvenir. Sa voix, je l'avais déjà entendue quelque part. Si douce, rassurante, elle m'était presque familière. Elle me souriait faiblement et semblait chercher ses mots.
- Tu es à l'hôpital mon cœur, ne t'en fait...
- C'est vous, la coupais-je, la femme qui me parlait, c'était vous !
Son sourire s'agrandit et elle acquiesça.
- Je m'appelle Maria, continua-t-elle. Je suis l'infirmière chargée de prendre soin de toi ici.
Elle s'arrêta et vint s'asseoir près de moi. Je voulais me relever à nouveau mais le moindre mouvement devenait un véritable calvaire.
- Évite de trop bouger, ton corps mettra quelque temps à se remettre de ce que tu as vécu, me susurra Maria. Nous avons dû te recoudre le front. Tu as eu beaucoup de chance, à part cette petite cicatrice, tu t'en es sortie avec quelques bleus seulement. Tes muscles vont sûrement te faire souffrir quelques jours mais tu pourras bientôt reprendre une vie normale, me rassura-t-elle. Comment t'appelles-tu mon cœur ?
- Alexie Smith, répondis-je en repensant à l'accident.
Il y avait eu cette lumière, ce camion, puis cette homme et... Ma mère !! Comment avais-je pu l'oublier ?! Je vis Maria froncer les sourcils observant la panique monter en moi.
- Ma mère, me mis-je à hurler plus fort que je l'avais voulu. Ma mère ! Comment va-t-elle ? Est-ce qu'elle s'en est sortie ?
Un sourire triste apparu sur le visage de Maria. Une once de pitié traversa ses yeux tandis qu'elle m'attrapait la main.
- Ma chérie, je...
- Non, non c'est impossible, la coupais-je éclatant en sanglot. Non, elle ne peut pas... Non !
- Je suis désolée répondit Maria, on a tout essayé... C'était trop tard, elle n'a pas... je suis vraiment désolée.
Mes larmes redoublèrent tandis qu'elle me prenait dans ses bras. J'avais l'impression qu'on venait d'arracher une partie de mon âme. Je repensais à toutes ses fois où nous nous amusions ensemble, à tous ces moments passées ensembles... Et ces disputes, ces nombreuses disputes inutiles que nous avions eues. Je repensais à la dernière discussion que nous avions eue, ce moment où j'aurais dû lui dire ces mots, ces trois mots si simple et pourtant si difficiles à prononcer. Elle ne pouvait pas être partie, pas ici, pas comme ça ! Je serrais doucement le bras de Maria. Des larmes s'écoulaient unes à unes le long de ma joue avant de venir s'écraser sur son épaule maintenant humide. Elle me caressait les cheveux en me susurrant des mots doux à l'oreille. Mais elle ne pouvait rien faire contre cette tristesse infinie qui me rongeait. J'étais brisée et elle ne pouvait rien y changer.

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Brisée...
Novela Juvenilǁ Alexie Smith a passé sa vie à fuir son père. Depuis son plus jeune âge, elle et sa mère ont parcouru le pays et ont dû déménager tous les ans durant des années pour ne pas qu'il les retrouve. Mais le jour où sa mère meurt soudainement dans un ac...