8- Hostilités maladives

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Le lendemain, Huit me réveilla à l'aube.

"Debout la marmotte. On va déloger du monde ce matin."

Je fut surprise d'apprendre que le camp était hostile aux autres survivants de la ville. Je m'attendais au contraire à bien plus d'entraide de leur part. On est un peu tous dans la même merde, après tout. Sophia était équipée d'un sac à dos lourd, en toile marron, et s'approcha de moi lentement.

"Prête à voir pourquoi je me surnomme Baïonnette?

-Comment ça?

-Ben justement, tu verras bien sur place !"

J'étais de plus en plus anxieuse à mesure que l'heure de sortie en ville approchait. J'avais peur de devoir dégainer une arme et de tuer le peu d'humanité qui restait en moi. Je ne voulais pas devenir quelqu'un d'ignoble, je ne voulais pas être comme Huit.

Vers midi, tout le groupe hormis Lu sortit du bâtiment, et on se dirigea vers une zone à priori morte. Union expliqua que le gang d'en face en voulait à nous, et que depuis un mois c'était une vraie bataille entre les deux camps. Chacun voulait gagner du terrain en ville, et ainsi agrandir leur "territoire". Cette guerre puéril me dégoutait au plus haut point. Huit m'ordonna de rester en retraite et de ne surtout pas me montrer à découvert lors des coups de feu. J'obéis, sans discuter, et la bataille commença. J'entendais des gémissements de douleurs, des cris plaintifs, des coups de fusil et d'armes blanches, en plein de flanc droit, gauche, ou le coeur des victimes qui tombaient ainsi raides mortes à terre. Cette bataille insipide sentait la mort à plein nez. Je restait blottit sous un âtre, cachée derrière un câgeot. La pluie tomba en trombe. Ainsi, je n'entendais plus rien de la bataille, seulement le grondement orageux et la pluie rasoir tombant en rafale sur le sol. 

Sur les coups de midi et demi, je  me décidai à sortir de cette cachette. Je découvrit alors un paysage affreux. Les corps sans vie de mes nouveaux alliés, et du gang ennemi, gisaient au sol, dans des mares de sang, se mélangeant au goudron et à la pluie. Le mélange ocre glissait jusque dans les bouches d'égouts, et les oiseaux noirâtres dégustaient les restes de leurs vies sanglantes. Même des corbeaux venaient se délecter du spectacle, en mordillant dans la chair fraîchement décédée des cadavre.

Plus jamais je ne ferais confiance à des êtres humains désormais. L'envie de vengeance et de puissance les a dévoré jusqu'à l'os, ils n'étaient plus humains. Plus du tout.

Je retournai calmement à la base, le coeur battant à toute vitesse, toujours secouée du spectacle auquel j'avais assisté sans broncher. Arrivé au pied du monte-charge de notre immeuble, je cria à Lu de me faire venir la passerelle. Il s'éxecuta, et j'arriva enfin à l'étage supérieur. Il écarquilla les yeux, surpris de me voir arriver seul, et me posa une question à laquelle je voulais fuir à tout jamais.

"Il est où papa?"

Mon coeur se serra. Que répondre? Vraiment, vous avez quelque chose à répondre à un enfant orphelin, vous? Je le pris par la main et se posa sur le canapé avec lui.

"Écoute, Lu. Papa est parti vers les étoiles. Tu ne pourra pas le revoir.

-Les étoiles?

-Oui.

-Il est mort, c'est ça?"

Je fut étonnée par sa maturité et lui expliqua qu'il était bel et bien mort.

"Il m'a dit que si il mourrait, il fallait pas que je sois triste. Alors je ne serais pas triste."

La dernière seconde - InondationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant