7- Tout là-haut

4 1 0
                                    


J'avais eu peur au début. Maintenant je n'ai plus peur. Un type louche, Huit, était venu me voir à mon arrivée dans cette ville. Huit, c'était le nom qu'il m'avait donné pour se présenter. J'avais trouvé ça intriguant, mais à la limite je m'en foutais. Il voulait cacher son identité, ça se comprenais. Il était venu en imperméable noir et m'a invité à venir le rejoindre dans son immeuble. C'était une proposition farfelue, mais je n'osais pas la refuser. Le niveau de l'eau avait beaucoup plus monté qu'avant, et maintenant il fallait se déplacer en bateau dans toutes les rues. Les endroits les plus élevés était les plus favorables à la survie. Un gîte dans un haut immeuble était donc une occasion parfaite pour moi. J'accepta et le suivit dans sa tour. C'était la plus gigantesque tour que je n'avais jamais vu ! L'ascenseur fonctionnait avec un système de corde. On appuyait sur un bouton pour appeler un autre garçon de la base, et il nous faisait monter. C'était dangereux et vertigineux, mais tant que j'étais avec eux je me sentais étrangement en sécurité. Une fois là haut, on surmontait toute la ville, toute entière. A vrai dire je ne savais même pas dans quelle ville je me trouvais ! Huit n'éclairait pas non plus ma lanterne, car lui même l'ignorait. Mais vu la concentration de gens français dans cette ville, je suppose que j'étais dans un pays francophone. Les autres gens du camp avaient des noms anonymes. 

La petite brunette bouclé s'appelait Baïonnette. La blonde était Neuf, c'était la copine de Huit, ça s'était deviné facilement. Le rockeur s'appelait Union, et le jeune fils de ce dernier se dénommait Lu. Je le soupçonnai d'aimer les gâteaux. Huit se tourna vers moi et me demanda mon nom. Je n'avais pas d'idée de surnom anonyme, alors je réfléchissais quelques minutes, et j'annonça ce nom qui allait devenir mon identité.

"Survie."

Il sourit et me demanda de répéter.

"Survie, c'est mon nom.

-Très bien, Survie."

J'avais l'impression de me cacher derrière quelqu'un d'autre. Mais au fond, ça me plaisait. Neuf m'aborda sans tarder.

"Dis, "Survie", c'est ça? 

-Oui?

-Tu viens d'où?

-De Bordeaux. Et toi?

-Tu viens pas de Chine?"

Je poussa un soupir. Je n'avais jamais croisé quelqu'un comme elle.

"Non non, je suis française.

-Les vraies françaises n'ont pas ce genre de visage, tu sais."

J'évita soigneusement de continuer à lui parler, et investit une chambre vide dans le fond du bâtiment. Je pris une chambre qui était assez éloignée du nid d'amour de Huit et Neuf, histoire d'éviter le couple de papi et mamie raciste. Bon, d'accord, j'étais peut être énervée contre eux. Mais comment voulez vous ne pas l'être?

J'inspecta ma chambre. Elle avait une grande baie vitrée sur le côté, et d'ici je pouvais voir toute la ville. Je collait mon nez à la vitre et j'observait la ville, fascinée. C'était un spectacle que personne ne pouvait manquer ! Un couché de soleil défilait sur l'océan urbain. Même dans un rêve, personne ne verrait ce genre de spectacle.

Baïonnette, la bouclée, vint me rendre visite. Elle avait le teint basané, je crois qu'elle était métisse. Elle s'assied sur mon lit et on discuta quelques temps. Elle m'expliqua que Neuf avait aussi eu des propos racistes envers elle, et qu'elle avait eu du mal pour s'y habituer.

"J'ai appris à la dénigrer aussi. C'est pas la meilleure solution, mais c'est la seule envisageable avec elle. Prépares toi.

-Tu es sûre?

-Certaine, désolée, Survie."

Et elle enchaîna:

"Entre nous, on peut se donner nos vrais noms, hein?

-Sonia.

-C'est drôle, moi c'est Sophia.


La dernière seconde - InondationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant