Chapitre XI : La rosée froide.

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Devant cet appartement qui avait autrefois servi de toit au professeur Layton, Penelope était debout. Remontant son écharpe jusqu'au bout de son nez de temps en temps, elle déplaçait le regard à droite et à gauche comme si elle attendait quelqu'un. En fait, elle attendait vraiment quelqu'un.

Les gens qui passaient par là semblaient tous distraits par leurs propres affaires. La rue n'était pas extrêmement bondée, mais il y avait assez de monde pour pouvoir manquer la personne qu'on cherche.

Flora. Penelope, après ne pas avoir vu son amie pendant tant d'années, ne savait plus trop ce qu'elle pensait d'elle. Est-ce qu'elle comptait encore pour elle, ou était-ce juste une étrangère désormais ? La vision idéaliste de Flora lui avait permis de croire qu'une amitié pouvait perdurer même à distance, même lorsqu'on ne se voit plus. Mais est-ce que Penelope, pessimiste et froide de nature, pouvait avoir une vision similaire des choses ? Pire encore, est-ce qu'elle était capable d'être amie avec quelqu'un ? Était-elle capable d'aimer quelqu'un hormis Claire et Bruno ? Elle n'en était pas sure.

L'heure du rendez-vous approchait, et Flora allait apparaître d'une minute à une autre. Comment devait-elle réagir en la voyant ? Si elle ne souriait pas, est-ce que l'autre jeune fille penserait qu'elle n'était pas heureuse de la voir ? Et comment lui parler ? Que dire ? Si Flora lui disait qu'elle lui avait manquée, comment devait-elle répondre ? « Tu m'as manquée aussi. » ? Est-ce que c'était vrai ? Est-ce que Flora lui avait manquée ?

« Mademoiselle ! »

Elle leva la tête, surprise, vers la personne qui venait de l'interpeller. Un homme dont elle ne put estimer l'âge, emmitouflé dans son manteau noir et caché derrière sa paire de lunettes un peu embrumées était debout en face d'elle.

« Je peux passer ? » Demanda-t-il avec un sourire poli.

Il était vrai qu'elle bloquait le chemin. Elle s'apprêta à s'écarter puis remarqua quelque chose. Derrière elle, il n'y avait que la porte du bâtiment. Peut-être qu'il habitait ici...

Il passa devant elle, et alors qu'il était plus prêt, elle ressentit qu'elle l'avait déjà vu quelque part. Ce chapeau melon noir, ces lunettes, cet air de parfait gentleman... tout cela lui était étrangement familier...

« Attendez ! » S'exclama-t-il en se retournant vers elle. « Je vous connais ! »

Alors ce n'était pas juste une impression...

« Vous êtes la jeune fille du métro, n'est-ce pas ? Celle qui semblait intéressée par mon journal. »

Elle essaya de se rappeler. Ce jour-là, elle était si absorbée par l'article qu'elle avait cru apercevoir qu'elle n'avait prêté aucune attention à l'homme qui lui avait donné le journal. Mais à bien se creuser la tête, il lui semblait qu'en effet, c'était bien lui.

« C'est juste », répondit-elle.

L'homme lui sourit à nouveau.

« Nous nous sommes déjà croisés avant, vous savez. »

Elle leva la tête vers lui.

« Vraiment ? »

« Ne vous souvenez-vous pas ? »

« Je n'ai pas une très bonne mémoire pour les visages... »

Il monta sa main jusqu'à sa monture qu'il attrapa élégamment d'un côté avant de la baisser jusqu'au bout de son nez. Il leva vers elle un regard vert luisant.

« Rodderick Darken ! » S'exclama Penelope en écarquillant les yeux.

« Pour vous servir », affirma-t-il en remontant ses lunettes.

La Fin InfinieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant