La Retraite du Cavalier

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- Finnighan !

La voix me réveille en sursaut, moi ainsi que mes compagnons de dortoir. Nous sommes trois dans la chambre qui nous a accueillis autrefois, bien des années plus tôt, à l'issue de notre cérémonie de répartition à Poudlard. Ron, Neville et moi. A nos côtés, l'ancien lit d'Harry semble hurler son absence, désespérément vide, rappel permanent de notre défaite et de la mort de notre ami. Le dernier lit vide, quant à lui, appartient à Dean...

Mon cœur se serre alors même que deux Mangemorts pénètrent dans le dortoir. Le sort de ceux qui sont maintenus parqués dans les cachots nous est inconnu. Le peu que nous en savons est déjà assez horrible comme ça...

Tous les jours, l'un des sbires de Voldemort choisit un prisonnier au hasard dans les cellules du sous-sol. Ce prisonnier est exécuté le lendemain même, à l'aube, sans public. Voldemort ne prend même plus la peine de les choisir lui-même. Et, depuis quelques temps, on ne prend même plus la peine de nous annoncer le nom du condamné. Par conséquent, à l'heure où l'on me tire du lit sans explications, j'ignore totalement si Dean est encore vivant ou mort.

- Qu'est-ce qui se passe ? demande Ron, sans aucun doute le plus téméraire de nous trois.

Je le soupçonne de rechercher la mort depuis qu'Hermione a été exécutée sous ses yeux, sous nos yeux à tous. Par moment, il provoque délibérément nos geôliers, cherchant la moindre occasion de donner quelques coups. Mais il ne faut pas longtemps aux Mangemorts pour dresser le spectre de ses parents sous ses yeux. Ron ne peut pas sciemment provoquer la torture ou la mort d'un de ses proches. C'est comme ça qu'ils le tiennent, c'est comme ça qu'ils nous tiennent tous.

Cela fait plus de trois mois qu'Harry Potter est mort à présent. Poudlard ne pouvait pas demeurer une prison éternellement. La plupart des sorciers qui se sont dressés contre Voldemort ont été renvoyés chez eux, à l'exception des plus emblématiques membres de l'Ordre comme les parents de Ron. Pour les autres, le Seigneur des Ténèbres s'est assuré de leur loyauté par un moyen infaillible. Nous. Leurs enfants.

Du statut d'école, Poudlard est devenue une forteresse à otages. Les Nés-Moldus sont exécutés dans les sous-sols au fil des jours. Mais les enfants Sang-Mêlés, eux, ont réintégré leurs quartiers d'origine, où un semblant de routine s'est peu à peu rétabli. Les cours ont même repris, confiés aux bons soins des Mangemorts, avec la promesse de Voldemort qu'il ne leur sera fait aucun mal, tant que leurs parents se tiendront tranquilles... C'est ainsi que le Seigneur des Ténèbres a pu refermer une main de fer sur le pays. En contrôlant son avenir. En soumettant tous ses ennemis à la menace d'éliminer leurs enfants.

Seuls les Sang-Purs règnent en maître sur Poudlard désormais, mais ils ne sont pas nombreux. Quelques Serpentards dont les parents occupent une bonne place dans l'armée de Voldemort. Drago Malefoy, bien sûr. Le préféré, le pire de tous, admis à la table du roi et chargé de surveiller les élèves... Les cours restent théoriques, bien sûr. Personne ne nous a rendu nos baguettes. Les châtiments en revanche, mérités ou non, n'ont rien de théoriques.

Il y a d'autres Sang-Purs dans les autres maisons, comme Neville et Ron, par exemple. Mais ceux-là, considérés comme des Traîtres-à-leur-sang, sont traités comme n'importe lesquels d'entre nous. On les force à coopérer, on les épargne pour leur sang. D'une façon ou d'une autre, Voldemort trouve toujours un moyen de contraindre chacun. Une faiblesse, un moyen de pression, une faille. Mes parents savent que je suis ici. Ils savent que je mourrai s'ils se rebellent contre le nouvel ordre établi. Et je sais qu'ils mourront si je fais de même... Tout un pays prisonnier, par une équation aussi simple qu'efficace.

- Lève-toi, ordonne le Mangemort au pied de mon lit. On te demande.

Je ne proteste pas. Je n'ai pas la rage de Ron en moi. Je n'ai ni envie de mourir, ni envie de venger qui que ce soit. C'est sans doute lâche de ma part, je le sais bien. Je ne me suis jamais voué corps et âme à ce conflit, comme j'ai vu tant de mes amis le faire. A l'heure qu'il est, je veux simplement survivre, en éprouvant le moins de douleur possible. Et j'aimerais soulager cette angoisse qui me laboure le ventre au sujet de Dean...

Echec et MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant