La situation est critique. Je n'ai pas l'habitude de me sentir acculé, mais cette position inconfortable semble être devenue mon quotidien depuis près d'un an maintenant. Depuis bien trop longtemps...
Je n'ai pas l'habitude d'être une proie.
Aujourd'hui, je suis parqué dans une cage comme un animal, traité comme moins qu'un sous-homme, moins que le pire des rebuts sur Terre... Peut-être que c'est ce que je suis. Peut-être que c'est tout ce que je mérite.
Malgré moi, je ne peux retenir un sourire. Cela m'amuse d'entretenir ce genre de pensées, de temps à autre. La conscience de ce que je suis. Mais j'ai beau tester les limites de ma morale aussi loin qu'il m'est possible... Jamais je n'arrive à déceler la moindre étincelle de remord au fond de moi. Je suis ferme, lisse et calme, comme les eaux d'un lac. La colère qui couve en moi dort très loin sous la surface. Car on peut peut-être mettre Dean Thomas en cage, mais on ne peut pas le forcer à se soumettre...
Regardant autour de moi, j'examine rapidement mes compagnons d'infortune. Ce sont eux qui m'exaspèrent le plus, je dois dire. Ils tremblent, ils crient, ils se plaignent, ils puent, ils pleurent... Certains se réveillent en hurlant la nuit, tenaillés par des horreurs qui ne peuvent pas m'atteindre. D'autres ont perdu le sommeil et gardent les yeux exorbités sur le vide, hantés par la perspective de leur mort imminente. Rien ne m'ennuie davantage que de devoir jouer la comédie au milieu de tous ces couards. Jouer l'affectation, alors que la seule chose qui me préoccupe, c'est ma survie et les moyens de la garantir.
J'ai déjà un plan, bien sûr. J'avais un plan avant même qu'on ne m'enferme dans cette cellule. Mais ce plan ne pouvait se départir d'une part de hasard : un fragment d'incertitude auquel j'ai dû remettre ma vie, avec angoisse et exaltation mêlées, presque comme un jeu. Un jeu délicieux, mortel et donc... grisant. Rien ne m'a jamais réellement fait peur. Parfois, j'éprouve presque comme une fascination malsaine pour les brebis parquées avec moi, et la terreur que je lis sur leur visage... C'est quelque chose que je ne pourrai jamais éprouver. Je peux le feindre, avec plus ou moins de succès, mais cet instinct primitif n'obscurcit jamais mon jugement. Je suis un prédateur. Je suis fait pour inspirer la peur, pas pour l'éprouver.
Un souvenir s'impose soudain à moi, interrompant ma rêverie. Je sens aussitôt mes pensées s'assombrir. Si je veux rester honnête avec moi-même, je dois avouer qu'une seule personne a su susciter quelque chose s'approchant de la peur, chez moi... Une seule personne pour faire battre mon cœur plus vite, hérisser les poils sur mon corps, et attiser ce pincement désagréable, juste derrière ma nuque, mes yeux, au creux de mon ventre...
Luna Lovegood.
Mes lèvres se tordent tandis que je revois la jeune fille blonde en esprit. De tous mes oubliables camarades d'école, Luna Lovegood est sans doute l'une des rares à avoir retenu mon attention, dès le tout début. Contrairement à une Ginny Weasley, un Seamus Finnighan, ou à n'importe quel autre de mes jouets, je ne voyais pas en elle une victime potentielle. Non, c'est elle qui m'a vu la première. Voilà ce qui m'a toujours rendu mal à l'aise en présence de Luna Lovegood : sa clairvoyance, son regard, et la certitude, limpide et absolue, qu'elle pouvait voir tout au fond de moi... Percer à travers les masques et les couches du personnage soigneusement ciselées autour de mon âme. Elle seule a su me voir pour ce que j'étais vraiment, dès le départ. Seamus aussi m'a vu, avec le temps, mais son amour pour moi l'a toujours aveuglé au point de fuir la réalité. Luna, au contraire... Luna me craignait, mais elle n'avait pas peur de me regarder. Elle n'avait pas peur de fixer bien en face le monstre en moi, de lui faire savoir qu'elle était là...
Et le monstre s'est mis en colère. J'ai détesté Luna à la seconde où j'ai compris l'emprise qu'elle pourrait avoir sur moi. Et je l'ai craint, pour avoir su me percer à jour là où j'excellais à paraitre aux yeux de tous les autres. Qu'aurait-elle pu me faire, pourtant ? Qui l'aurait cru si elle avait tenté de révéler ma véritable nature ? C'est elle que l'on surnommait « Loufoca Lovegood », après tout...
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Echec et Mat
FanfictionHarry Potter est mort. Voldemort a gagné. Mais pour tous les autres, la vie doit continuer. Car dans la vie, contrairement aux échecs, la partie continue après échec et mat. [SUITE DE "ZODIAQUE" et "LES JEUX DU SORT"]