Je flotte. Je ne sais pas exactement où je suis. Ça n'a pas d'importance. L'étrangeté me berce, mais l'étrangeté ne m'a jamais fait peur. Je la prends par la main comme une vieille amie, et je la laisse me guider dans le labyrinthe de mes rêves, de mes souvenirs, de mon esprit. Je croise des visages familiers, des odeurs, des sensations douces. J'habite mon monde. Je n'ai aucun besoin d'en sortir, il me convient. Il n'y a pas de peine, pas de solitude, dans mon monde. Il n'y a pas le regard des autres, ni la frontière qui me séparera à jamais d'eux. Non pas que j'en ai souffert : j'ai appris à vivre avec. Mais je préfère mon monde.
Quelque chose au fond de moi, pourtant, me dit que je devrais en sortir...
Cette errance, ce n'est pas tout à fait moi. Je ne me suis jamais repliée sur moi-même au point de ne plus jamais refaire surface. Je me suis toujours vue comme une fleur : épanouie, en constante expansion, ouverte pour goûter chaque jour un peu plus aux délices du Soleil. Sa chaleur me manque aujourd'hui...
Mais c'est l'hiver qui m'attend dans la vraie vie. Il s'est passé quelque chose, je ne sais plus quoi exactement... Quelque chose qui m'a poussée à me retrancher ici. Quelque chose qui me fait peur, que je ne veux plus rencontrer à nouveau...
« Reviens, Luna. »
Cette voix, je la connais. Je ne peux lui attribuer un visage ou un nom, mais seulement des odeurs. Des sentiments, des impressions. Le plus important, en somme. Cette voix sent la poussière des vieilles maisons, le thé anglais, la peur et l'hésitation, mais une extrême douceur... J'aime cette voix. Au fil des années, j'ai senti grandir l'affection qu'elle ressentait pour moi. Aujourd'hui, je voudrais ressentir cette affection en écho... C'est une chaleur tendre et diffuse qui s'insinue jusque dans mon univers clos. Elle pénètre mes frontières, irrigue mon âme à sec d'être restée trop longtemps seule dans le noir. Je ne m'en étais même pas rendue compte... Mais le monde me manque. La voix me manque, et celle que j'étais avant de ne devenir qu'une petite fille terrifiée, à l'abri dans son monde de conte de fées.
« Reviens, Luna, je t'en prie. »
La voix insiste. Quelque chose me dit qu'elle résonne en moi depuis longtemps déjà, sans que je ne puisse la saisir. Pourquoi est-ce que j'arrive à l'entendre aujourd'hui ? Pourquoi seulement maintenant ? Qu'est-ce qui a changé, pour me rappeler ainsi à la réalité ?
Je regarde autour de moi, en moi. Je ne suis entourée que des choses que j'aime. Pourtant, l'urgence persiste, un instinct viscéral qui me pousse à chercher plus profondément encore, à me réveiller...
Je ne suis plus seule. J'aperçois une lumière à l'horizon de ma pensée. Une lumière qui est moi, sans l'être vraiment... Je décide de la suivre. Elle aussi elle est chaude, elle grandit. Elle fait partie de moi, et je ressens l'envie irrépressible de la protéger. Déjà les ténèbres cherchent à se refermer sur elle, elle se débat, s'agite, et toujours elle me tire vers la surface, là où tout nous sera hostile, à elle comme à moi, mais là où je pourrai la secourir, la sauver, l'aimer...
« Reviens, Luna. »
J'ouvre les yeux. Je suis dans une pièce sombre et haute de plafond, dont les envolées gothiques accrochent le regard. Allongée dans un immense lit à baldaquin, je regarde droit devant moi, tout d'abord incapable de réaliser ce que je fais là... Une présence s'agite à mes côtés, frénétique :
- Luna !
La voix. Je la reconnais. Je le reconnais enfin.
- Neville..., j'articule lentement.
Je ne reconnais pas ma propre voix. Elle est basse, à peine un murmure, déchirée par des semaines de silence. Il me faut lutter pour retrouver le contrôle de mon corps et tourner la tête :
VOUS LISEZ
Echec et Mat
FanfictionHarry Potter est mort. Voldemort a gagné. Mais pour tous les autres, la vie doit continuer. Car dans la vie, contrairement aux échecs, la partie continue après échec et mat. [SUITE DE "ZODIAQUE" et "LES JEUX DU SORT"]