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Un mot, un souffle, une respiration, un silence, un vide, tout cela dans cette nouvelle rencontre, qui m'étranglaient silencieusement. Il avait beau me regarder avec une froideur épouvantable, je sentais que quelque chose se passait. Même si je n'étais rien de plus qu'un nouvel objet docile dans cette pièce, il ne pouvait retirer ses yeux de moi. Cela en était même interminable.

Puis il reprenait ses esprits, relevant la tête et faisant signe à son gouvernant de faire quelque chose. Mais moi j'avais besoin de savoir pourquoi lui et ce qu'il allait réellement advenir de moi dans cet endroit vide et sans âme. Je remuais les lèvres avec conviction, cherchant à prononcer ces questions qui me hantaient.

Mais rien ne sortait. J'en devenais surement ridicule à espérer comme cela, à garder l'espoir que ma voix était toujours présente.

Il avait vu mon désespoir et mes paroles silencieuses. Il s'arrêtait dans ses mouvements

« Ils ont fait le nécessaire à ce que je vois. » S'exclama-t-il avant de partir dans une autre pièce.

A cet instant je comprenais que si nous avions été éduqué pour ne rien ressentir. Les géniteurs étaient eux aussi des êtres froids et sans cœurs. Et cette exclamation tranchante, ne faisait que valider mes doutes.

Je ne savais quoi faire face à tout ce mépris. Face à son abandon dans cet endroit vide et sans espoir, je ne comprenais toujours pas ma place. Rien ne me correspondait, ni mon Géniteur, ni ma fonction qui pour l'instant était aussi floue que mon cerveau.

Elio insista pour que j'aille finir mon assiette. Comme une enfant docile je le suivais pour finir ces condiments fades. C'était étrange de se dire que la seule couleur qui se trouvait ici était dans mon assiette. Et c'était comme si par honte de la voir sur terre, on l'avalait pour qu'elle disparaisse à jamais. Je faisais donc mon devoir, engloutissant le vert, l'orange et le rouge avec désinvolture.

Bêtement je m'imaginais que personne ne m'observait, mais le majordome me regardait faire mes jeux ridicules avec mon assiette. Que devait-il penser de tout ceci ? Il devait me trouver ridicule, ou peut-être même avoir pitié. S'il avait pitié de nous autre créature, il réagirait non ? Il se bougerait pour nous aider, il m'attraperait le bras pour me faire sortir pour me faire respirer l'air frais, pour me faire vivre autre chose.

Non, il ne pouvait ressentir cela, car il me regardait sans expression. Il n'était pas bien différent des gardes du centre. Enfin Jacob, lui il était différent.

Mais qu'avait-il fait ? Qui était-il vraiment ? Je revoyais tout ce sang, tous ces corps, puis son visage tellement dépassé et en même temps déterminé. Pourquoi ne nous avaient-ils pas sauvés ? Pourquoi tant de sang et de mort d'âmes innocentes ?

Jacob, où es-tu ? Me sauveras-tu un jour ? Te rappels-tu seulement de moi ?

Elio débarrassait mon petit terrain de jeux. Puis je marchais doucement dans les pièces de l'appartement. Pas de signe de mon Géniteur, il devait être dans son bureau. Tout n'était qu'ennuies. Rien ne pouvait m'intriguer hormis cet étrange objet qui m'était interdit.

J'allais dans ma chambre. Tellement de vide et de blanc m'entourait, seule mon imagination pouvait remplir cet endroit.

Je frôlais le mur blanc qui se trouvait proche de mon lit, quand soudainement je tombais sur une plateforme plus lisse que la suite du mur. En posant sur ma main, je voyais apparaitre une image claire à la place de ce vide blanc. De magnifiques arbres entouraient un chemin de pierres. C'était éblouissant tout ce vert, toute cette lumière qui illuminait ces pierres dorées. Je m'approchais touchant de mes mains cette projection enchanteresse. Ce n'était pas qu'une image, je voyais l'extrémité de ces immenses créatures ligneuses bouger sous le souffle du vent. Chaque fragment verdoyant qui se détachait me redonnait une grande bouffée d'air frais.

C'était paradoxal car j'étais toujours enfermée seule et dans ce vide, mais pourtant cela me faisait extrêmement de bien de voir ce spectacle envoutant. Je m'asseyais sur le sol face à cette image idyllique.

Je me laissais transporter, ne pensant plus à rien. Essayant seulement de me rappeler de la sensation du soleil sur mon visage, l'odeur que pourraient avoir ces petits objets plumeux qui flottaient dans l'air. La texture du sol au contact de mes paumes si celles-ci plongeaient dans cette terre sombre.

Puis l'animation disparaissait complètement, me privant par la même occasion mon envie de respirer. Je n'avais même pas remarqué qu'Elio était rentré dans ma chambre. Il me regardait, tenant dans sa main un verre d'eau et quelque chose dans l'autre.

Je me relevais pour m'approcher de lui.

« Je pense qu'il est temps pour toi de te reposer. Je t'invite à prendre une douche puis d'avaler ceci, cela permettra de détendre tes muscles. »

Je regardais la petite pilule bleue dans sa main. Elle me rappelait celle que l'on m'avait donnée au centre pour me droguer. Et l'idée d'en prendre une seconde fois ne me faisait absolument pas plaisir.

Il me faisait signe d'aller dans la salle de bain, me donnant au passage une tenue de nuit. Apparemment, il n'avait pas l'intention de partir, il comptait bien me donner ce foutu médicament.

Je fermais à clé la salle d'eau, voulant garder un semblant de dignité. Je me frottais rapidement sous l'eau, ne profitant absolument pas de cet instant pour me relaxer. J'enfilais la longue robe blanche légèrement évasée. Et je sortais récupérer le verre d'eau et ce poison. Elio me regarda mettre celle-ci dans ma bouche et l'avaler, puis il insista pour que j'ouvre et lui montre le contenu de ma bouche.

« Je m'excuse mais nous ne te connaissons pas assez pour te faire confiance, mais ce n'est qu'une question de jour. » S'exclama-t-il avant de partir.

Je m'asseyais sur mon lit, attendant que ce poison s'infiltre dans mes veines pour me faire sombrer une fois de plus dans un sommeil vide et sans rêverie. Je sentais déjà mes bras devenirs lourds, puis ma tête puis mon buste. Je m'étalais sur le lit, mes yeux se fermaient doucement, faisant apparaitre des ombres dansantes sur le plafond. Elles tournoyaient fêtant mon malheur et mon échec.

Il faisait froid tout d'un coup, je me sentais observée dans cette transe. Quelqu'un qui me regardait froidement à me glacer le sang.

C'était étrange de sentir une main sur moi n'est-ce pas ? De sentir que quelque chose me touche, me frôle comme une plume chaude. Je devais surement délirer dans ce repos artificiel. Du froid, du chaud puis une douleur lancinante, me broyant le creux du ventre. 

GenitriXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant