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Le temps avait-il de l'importance sachant nous n'avions aucun droit à le dépenser librement ?

Cela faisait plusieurs jours que je traînais dans ma chambre, sans envie, sans espoir. Je mangeais, je regardais cette projection naturelle, ce chemin verdoyant dans la forêt, essayant d'imaginer la texture du sol sous la plante de mes pieds, rêvant de l'odeur chaude du revêtement des troncs au contact du soleil. Mes journées passaient doucement, tristement, sans aucune alternative à mon ennui. Mais elles étaient tout de même paisibles. Mes nuits quant à elles, l'étaient beaucoup moins.

Je persistais dans ce même cauchemar, dans cette même douleur. Mon corps, mon ventre me faisait énormément souffrir, sans pouvoir ne rien faire qu'attendre immobile et gênée tout le long de la nuit. J'avais des doutes sur la cause de mes cauchemars nocturnes. Cette pilule, ce poison que Elio me forçait à ingurgiter chaque soir était surement le facteur et j'étais bien décidée à y mettre fin rapidement.

Je marchais doucement dans le couloir, écoutant les bruits de casseroles qui indiquait l'heure du dîner. N'ayant , comme à mes habitudes, rien fait de ma journée , j'avais cette impression perpétuelle d'être un animal en cage. Je me voyais comme une bête douce et soyeuse qui tournait en rond, cherchant le chemin pour fuir mais qui ne la trouvait jamais.Je continuais d'écouter, ne me fiant qu'aux bruits.

Comme chaque soir, au petit tintement du minuteur mon Géniteur rentrait. Tous étaient tellement prévisibles, chaque activité, chaque visite, chaque mouvement qui se déroulaient autour de moi étaient programmés à la minute près

Je me dépêchais donc de rejoindre ma chambre pour m'enfermer. Je n'avais plus la volonté de le croiser, ni même lui laisser l'opportunité de me parler. Il était inintéressant, terne, sans sentiment et sans envie. Après de nombreuses tentatives ratées de lier un contact, j'avais fini par abandonner, préférant fuir mes « obligation de Génitrice ». J'espérais même qu'il se lasse de moi et qu'il demande à m'échanger pour que je puisse fuir cet endroit.

Un grincement de porte m'indiquait que mon geôlier rentrait, s'ensuivit d'Elio qui frappait à la mienne pour m'indiquer que je devais venir me sustenter. Je m'exécutais, traversant le couloir vide puis le salon. La porte du bureau était toujours fermée. Mon géniteur ne prenait même pas la peine de me dire bonjour, préférant vaquer à ses occupations. Cela était-il un signe de son mécontentement envers moi ? Je l'espérais de tout mon être.

Assise devant mon assiette, je ne jouais même plus avec mes petits pois. Même cette habitude idiote ne me redonnait plus le sourire. J'aimais pourtant cela de jouer avec ma nourriture et exaspérer Elio à chaque mouvement de fourchette.

Soudainement, des pas bruyants dans le salon me firent sursauter. Il était sorti de son bureau, se dirigeant vers nous rapidement. Il ne me jeta pas un regard long et gênant. Qu'avait-il en tête ?

« J'ai besoin que tu me prépares mes affaires pour demain matin. J'ai un voyage de dernière minute qui s'est ajouté à mon emploi du temps. » Ordonna-t-il à Elio en détachant son regard de moi.

Il continuait à dicter ses consignes en ignorant ma présence, comme si je n'étais qu'une vulgaire plante dans la pièce. Me nourrir, respirer, me laver, non je n'étais rien de plus qu'une plante ici. Et je finirais par faner, disparaître et être remplacée sans jamais avoir quittée cet appartement. Méritais-je tout ce mépris ? Toute cette ignorance insupportable ?

J'avançais mon bras vers le verre contenant mon jus sans vraiment réfléchir, je touchais du dos de ma main la surface lisse. Puis je poussais lentement le verre le long de la table jusqu'à que celui-ci se rapproche dangereusement du bord. Quelque longues secondes d'hésitations s'écoulaient dans ma tête, puis d'un geste brusque je le faisais tomber sur le sol au pied de mon Géniteur. Celui-ci s'arrêta net de parler. Il regardait la scène sans comprendre ce qui venait de se passer. L'eau pourpre s'écoulait librement le long de ses chaussures brisant la propreté oppressante de la pièce.

Un silence étrange venait de s'installer, ils me regardaient tous les deux avec curiosité et indignation.

Si j'avais pu parler, j'aurais surement hurlé. Un cri tellement strident que je leur aurais brisé les tympans en quelques secondes. Mais je n'en fis rien, me levant tranquillement avant de rejoindre ma chambre sous leurs regards accusateurs.

Cette petite entorse, cette minuscule rébellion avait été comme une bouffée d'air. Je me sentais un peu moins morte et délaissée. Je m'étais régalée de leurs sentiments, ils n'avaient pour une fois pas pu contrôler. C'était tellement soudain, tellement imprévisible, je m'en délectais joyeusement.Je m'allongeais tout sourire. Je devenais bête à me réjouir pour de si petites choses.

Quelqu'un frappa à ma porte, puis entra. J'eus peur un instant. Mais ce n'était qu'Elio qui m'apportait cet affreux médicament.

« Prends le maintenant, il faut que j'aille préparer certaines choses pour le maître. » Me dit-il en le déposant sur la table.

Je m'approchais hésitante puis je mettais la pilule sous ma langue et avalais un grand verre d'eau. Soudainement j'étais étrangement surprise , contrairement à d'habitude, il ne prenait même pas le temps de vérifier ma bouche. Il récupéra seulement son plateau avant de sortir. C'était ma chance ! Je crachais dans ma main le comprimé partiellement dissous en me précipitant dans la salle d'eau. Et je le jetais sans aucune hésitation dans les toilettes avant de me laisser glisser le long des carreaux glacés pour m'asseoir par terre.

C'était une seconde victoire pour moi aujourd'hui. Cette dissolution lente dans ce trou blanc me rendait fière. Je me sentais étrangement revivre. Comme si je sortais d'un long coma.

Je m'installais sous les couvertures, impatiente de tomber dans un doux sommeil. Mon esprit, fourmillait de multiples idées, je cherchais des idées pour me rebeller. Je me voyais même à rêver d'une fuite.Peut-être avais-je trouvé la solution ? Si je devenais invivable, insupportable , il me jetterait, me remplacerait sans aucun doute.

Est-ce que je m'emballais un peu trop vite ? Et s'il s'en fichait, et qu'il m'enfermait dans ma chambre en me droguant davantage. Peu-être que ma vie serait bien pire qu'aujourd'hui ?Avais-je envie de prendre le risque ? Je pense que ma réponse était inscrite dans mon sang depuis longtemps. Jamais, je ne renoncerai. Jamais, je ne me laisserais faire. Même si cela pouvait me faire souffrir , même si cela allait être difficile, je ne pouvais abandonner, je ne pouvais devenir cette bête en cave rêvant de fuir mais mourant à petit feu sans jamais voir le soleil.

Ce courage qui bouillonnait en moi, me berçait doucement. Je commençais à sentir lourde. Mes yeux se fermaient.

Il faisait froid tout d'un coup, très froid. Quelque chose de chaud me frôlait et m'enlaçait violemment. Encore ce rêve de douleur ? Pourtant je n'avais plus cette drogue en moi. La douleur se refaisait sentir. Non ! Non ! Je ne voulais pas revivre une fois de plus ce cauchemar. Je m'obligeais à ouvrir les yeux. Me faisant apparaître devant moi une scène répugnante. J'en restais un moment immobile, pétrifiée de peur. Que me faisait-il ? Pourquoi me faisait-il mal ? Il m'écrasait de tout son poids en remuant ses hanches. Il s'insérait en moi monstrueusement. C'était donc lui, non un cauchemar qui me brisait le ventre chaque nuit. Des larmes de colère me montaient aux yeux à chacun de ses mouvements. Je devais réagir, je devais me défendre, il n'avait pas le droit de me faire cela.

Un mouvement de plus et je sentais un liquide chaud et ferreux dans ma bouche. Il hurla à la mort. Je serrais ma mâchoire de plus en plus fort faisant gicler son liquide vital le long de mon cou. Il essayait de se détacher de moi, mais ma gueule était dérouillée. Il m'avait traitée comme une bête, abusant de moi. Je venais de réagir comme telle, le mordant de rage à la gorge jusqu'à ce que notre étreinte finisse dans la mort.

***
Surpris ? Et oui j'ai fini par le poster. Il m'a fallu un moment. Pas mal de changements dans ma vie. Mais je suis toujours là, rarement il est vrai mais quand présente. J'espère qu'il vous aura plu. ❤️

GenitriXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant