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Il fallait que je dorme car le voyage allait être long d'après le gardien. Mais j'en étais incapable. Mon cœur battait tellement fort dans ma poitrine, que mon cerveau ne pourrait jamais se mettre en veille. J'avais vu trop de choses, j'avais respiré trop d'air pour redescende sur terre. Je rêvais de l'extérieur, de cette liberté. Pourtant elle ne me paraissait pas évidente enfermée dans ce fourgon, sans lumière ni ouverture. C'était comme si on nous punissait d'avoir ne serait qu'espérer voir le monde.

Je mettais ma main contre ma poitrine pour maitriser ma respiration. Être enfermé dans le noir, n'était rien par rapport à ce qui m'attendait. J'avais dorénavant un Géniteur, rien que de le prononcer à voix haute, cela me donnait la nausée.

J'attendais mon sort, silencieuse, écoutant chaque bruit extérieur.

Puis tout d'un coup, plus aucun mouvement, le véhicule venait de s'arrêter. J'entendais de l'agitation, mon chauffeur venait de quitter son siège. Les portes s'ouvraient sur lui et un immense espace bétonné et fermé. Pas de lumière, ni d'extérieur à l'horizon. J'avais à ce moment extrêmement peur de ne plus jamais revoir le soleil.

Le gardien m'invita à avancer jusqu'à une porte, celle-ci s'ouvrait pour nous laisser nous insérer dans un espace clôt et froid. Il avait seulement quelque bouton qui indiquait des chiffres. Il appuya nonchalamment sur le numéro 6. Je ne saurais dire pourquoi mais mon instinct me dictait de tout retenir, la moindre information ne devait m'échapper. Après avoir attendu quelques minutes, la porte s'ouvrait sur un très long couloir gris. Il n'y avait rien de distinctif, pas même une tache sur le sol.

Je marchais doucement, sans envie et légèrement anxieuse de voir la personne et le lieu de ma pénitence. Jamais je n'aurais pensé arpenter ces couloirs, jamais je ne m'aurais cru aussi faible d'abandonner tous mes espoirs et me laisser contrôler comme une vulgaire poupée.

Devant la porte qui m'emmènerait en enfer, des idées folles me traversaient l'esprit. Je songeais à la possibilité de me retourner brusquement et de sauter sur le gardien, de placer mes mains autour de son cou jusqu'à ne plus l'entendre. Je rêvais de courir dans ce couloir jusqu'à la sortie, de dire adieux à tout cela même si cela ne me libérerait qu'un court instant.

Puis soudainement la porte s'ouvrit, effaçant ses fantasmes de violence et d'affranchissement. Un jeune homme apparaissait devant moi, il avait le crâne rasé, un visage enfantin et de grands yeux verts.

Il me regarda un instant de la tête aux pieds. Pas de réelle expression s'affichait sur son visage ; seulement une curiosité soudaine. Est-ce que c'était lui ? Sa tête ne me disait strictement rien, je ne l'avais jamais vu auparavant. Ses vêtements me rappelaient ceux du bibliothécaire de l'institut.

« Bonjour, voici la Génitrice de votre maître. Avec les compliments du centre et de la société. »

Celui-ci fit un signe de la tête avant de me laisser seule avec lui. J'entrais doucement, me laissant observer par ce qui n'était apparemment pas mon Géniteur. Il ferma la porte rapidement derrière moi et m'accompagna un peu plus loin jusqu'à une immense pièce claire. Dans celle-ci quelques meubles blancs, aucune décoration ni fioriture. Une imposante table en marbre prônait dans le côté gauche de la pièce. Je m'approchais prudemment pour mettre en contact délicatement à paume de ma main sur celle-ci. La surface était froide, comme l'ambiance qui régnait ici. Cela ne m'étonnait guère, je m'attendais à autant de sévérité qu'au centre.

En continuant de parcourir la pièce, je tombais sur un objet étrange et inconnu pour moi. C'était une comme une commode en bois sans tiroir duquel dépassait une avancée pas très longue. Je m'approchais pour récolter plus de détails. J'essayais de l'ouvrir pour en savoir davantage quand soudainement l'homme exprima :

« C'est un piano, le maitre ne veut pas qu'on y touche. »

Je sursautais à ses paroles, je l'avais un instant oublié. Il fallait dire qu'il était étrangement discret, comme s'il faisait partie des meubles.

« Je vais vous montrer votre chambre personnelle. Veuillez me suivre. »

J'avais une tonne de question qui me trottait dans la tête. Je commençais à ouvrir la bouche pour demander quelque chose. Mais je me rappelais en entendant mon silence que je ne pouvais plus m'exprimer. Je serais alors le poing. Cela me rendait triste et furieuse. C'est comme si me couper ma parole était une manière de me supprimer tous mes droits à ressentir.

L'homme m'amena jusqu'à une pièce de taille correcte. Un grand lit, une penderie et un miroir, rien de plus rien de moins. Sans goût ni saveur, c'était ce que cela annonçait pour la suite.

« Je vous laisse prendre possession de l'endroit. Voulez-vous une collation ? »

Il me regardait un instant, attendant ma réponse. Je voulais dire oui mais rien ne sortait, alors je hochais la tête en signe d'approbation.

« Bien, je vais préparer cela. »

Il me laissa seule et désemparer dans cette pièce qui ne me serait jamais familière. Je m'approchais du lit puis je m'asseyais. Je regardais les quatre murs. Aucune fenêtre, aucune ouverture pour me laisser voir dehors. J'étais bien dans une seconde prison.

Je décidais de ne pas rester là, assise sagement à attendre. Il devait surement y avoir d'autre pièce dans cet appartement. Après avoir franchi la porte, je marchais à tâtons, observant chaque mur blanc. Je tentais une première porte, c'était seulement une grande salle de bain. Je continuais mon chemin, ouvrant une seconde sur une petite chambre, puis une autre. J'arrivais ensuite dans ce qui était le salon. Je me dirigeais vers une porte qui se trouvait au fond derrière le piano.

Je tentais d'ouvrir celle-ci mais elle restait fermée.

« Le maître n'aime pas qu'on aille dans son bureau. Je vous conseille de ne pas espérez-en voir plus. S'exclama l'homme qui m'avait accueilli.

Surpris d'avoir été prise sur le fait, je sursautais. Il s'approcha de moi et me tendais un verre d'eau.

« J'ai été mal poli, je ne me suis même pas présenté. Je suis Élio, le majordome personnel de votre maître. J'ai préparé de quoi vous restaurer veuillez me suivre.»

J'attrapais le verre doucement, et le suivais.

Sur une table était disposé une assiette noire avec des condiments crus coupés soigneusement. Il y avait aussi un laitage et une orange. Cela n'allait pas me changer des repas du centre. Et comme habituellement, je n'avais le droit qu'à une fourchette et une cuillère.

« N'hésitez pas à me demander pour recouper légèrement. »

Il s'éloignait, me laissant seule devant mon repas. La solitude, j'en avais rarement eu l'habitude. Au centre il y avait toujours Anaïs pour me réconforter ou Juliette pour me critiquer. Je poussais avec les dents métalliques les bouts de carottes sans grande conviction.

Soudainement un bruit de porte brisa ce lourd silence. Élio s'empressa de venir me chercher. Il attrapa mon bras rapidement.

« Il faut que vous me suiviez. »

Je lâchais donc mon couvert pour être tirée jusqu'au salon, il me plaça à quelque mettre du sofa blanc. On avait beau être deux au milieu des meubles, la pièce paraissait vide et à l'abandon.

Des bruits de pas venaient du couloir, et là je comprenais qui était en train d'arriver. C'était lui, mon Géniteur, une des raisons de ma solitude et de mon désespoir. C'était comme si une boule chaude me broyait l'estomac à l'idée de le voir. Je me sentais terriblement mal. Je voulais être n'importe où plutôt qu'ici.

Et soudainement, une grande silhouette apparaissait à quelque mètre de moi. Ses longs cheveux argentés cachaient son visage fin et parfait. Il n'y avait pas une ride, pas une cicatrice pas un grain de beauté sur son visage. Et quand il posa ses yeux sur moi, je me rappelais que c'était lui, à la bibliothèque, pendant la soirée, je l'avais déjà vu. Cet homme détestable et froid comme la glace.

« Enfin. » S'exclama-t-il sans émotion en me fixant.

Ce mot m'avait alors glacé le cœur en un instant. J'étais prisonnière de cette prison immaculée, je le savais, il le savait.

GenitriXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant