CHAPITRE 6 : Un changement ne s'accomplit jamais avec délicatesse

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-J'ai faim.

Edward avait soudainement relevé la tête. Sa voix, de nouveau énergique-faussement énergique en vérité- s'était élevée brutalement. Le rire sonore de Mustang se décomposa dans l'air chaud et humide de ce début d'après-midi. Il retira avec regret sa main du crâne blond et prit le temps de déjeuner.

L'illusion d'une gaieté simple se fît ressentir pendant plusieurs longues heures durant lesquelles, après avoir mangé, Edward et Mustang rassemblèrent le reste des rochers pulvérisés de part et d'autre de la grande bâtisse.

Un changement décisif ne s'accomplit pas aussi délicatement. De même qu'une délicatesse fictive est plus désastreuse qu'une franche vérité.

Mais quelle vérité ? Se demandait Roy Mustang. Qu'avait-il cru lire sur le visage de son cadet ? Peut-être n'était-ce que le fruit de ses fantasmes, la conséquence d'un espoir trop bien contenu et dissimulé. C'est la mâchoire crispée qu'il donna toutes ses forces aux travaux d'aujourd'hui, résolu à éreinter ses muscles plutôt que son esprit. Et son cœur, se dit-il pitoyablement.

Cependant,plus les goûtes de sueur dégoulinaient sur son dos musculeux, plus le soleil déclinait derrière les hautes montagnes. Bientôt, la même lueur rougeoyante que la veille envahit le bosquet dans lequel il s'épuisait à la tâche. Edward avait gardé une distance suffisante pour ne pas prendre de risque tout en ne montrant rien de son trouble et de l'ouragan qui ravageait son esprit. 

Effectivement, ouragan était le bon terme. Chamboulé, il arrivait qu'un flot de pensées intempestives lui traverse l'esprit pendant une seconde, puis la seconde d'après il pouvait baigner dans le néant complet. Par ailleurs, il n'avait jamais était aussi productif sans son alchimie que ce jour-ci. Il avait méticuleusement empilé toutes les ruines qui lui tombaient entre les mains et avait à présent grimpé au dernier étage sans toit, d'où il pouvait voir le soleil se blottir entre les montagnes massives. 

Au delà d'un couché de soleil dont il ne pourrait saisir l'aspect romantique, ce qui l'intéressait véritablement, c'était l'air frais qui caressait sa peau meurtrie par les rayons lumineux. Accoudé à une fenêtre, il observait distraitement la forêt, tournant le dos à l'astre solaire flamboyant. Il sentit sa chaleur se dissiper soudainement et le ciel s'assombrir. Mais ce n'était que l'ombre de Mustang qui le surplombait.

-Je suis fier de toi dit-il. Tu as vraiment bien travaillé. Cette sanction porte ses fruits, je pense. Ça te fait du bien d'être cadré.

Cadré, pas vrai ? Edward ne pouvait pas dire qu'il se sentait cadré, il avait l'impression d'être qu'une vague copie de lui-même, un peu perdue dans ses songes. Il était littéralement ailleurs. Bien que cet état le perturbait, ce dernier était tout nouveau pour lui et il se laissait à l'expérimenter. Il se sentait à côté de lui-même, comme s'il s'évitait. Une douce impression de fuite et de liberté le tenter à se laisser aller...

Mais l'insistance de Mustang le força à reprendre une contenance.

-On rentre se reposer, on a fini pour ce soir. Tu as mérité une nuit de sommeil et un dîner.

Le professionnalisme du colonel Roy Mustang n'avait pas faibli. Les deux hommes possédaient des barrières qui semblaient infranchissables et les contraignaient à se restreindre. Cependant, en évoluant, une surface se craquelle si elle n'arrive pas à s'expanser assez rapidement. Et Edward devenait un adulte. Un homme. Mustang le sentait : ce qui se tenait devant lui n'était plus seulement un gamin capricieux mais un homme qui se développait en même temps que sa physionomie.

-Allez nabot ! Qu'est-ce que tu fais ?

Edward restait encore un nabot, ce n'est pas parce que Roy sentait un changement qu'il arrivait à l'accepter.

Entre feu et fer [Roy x Ed] TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant