CHAPITRE 10 : Avenir / À venir

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            Le chantier avançait vite, plus qu'Edward ne l'aurait pensé. Une petite dizaine d'hommes les avaient rejoints, lui et Mustang, afin de bâtir un nouvel édifice. Loin d'être des professionnels, ils avaient fait appel à une équipe composée de quelques d'habitants du village et qui étaient payés par l'Etat.

Les deux amants se tenaient éloignés l'un de l'autre, se souriant de temps en temps, complices mais gênés. Ils ne voulaient en aucun cas montrer leur rapprochement, leur relation devait s'en tenir au rapport qu'entretiennent normalement un colonel et son cadet.

Ce n'est qu'au bout de quelques jours que l'hôtel "Alchimist" prit forme. En effet, grâce -ou bien à cause- d'Edward et des dizaines de journalistes qu'il avait provoqué, de plus en plus de touristes se bousculaient dans le petit village. Cet hôtel, légèrement excentré et entouré de verdure était donc une merveilleuse idée.

Le jour où s'acheva la construction, les ouvriers résidant au village demandèrent à Edward et Roy d'apposer leurs marques sur le bâtiment en utilisant leur alchimie ; ils avaient champ libre. Mais le jeune alchimiste ne pouvait pas ignorer la restriction qu'il subissait depuis une semaine. Il avait tenu bon jusqu'ici et une certaine fierté le possédait.

Amusé par le dilemme qui s'affichait clairement sur le visage du blond, Roy lui proposa un travail d'équipe, l'autorisant à utiliser sa capacité. Ainsi, Edward réfléchit quelques instants avant de prendre la main de Roy et de la poser sur la pierre, à l'entrée de l'hôtel. Ils échangèrent un regard et l'instant qui suivit, des étincelles jaillirent de l'intérieur de leurs paumes. En quelques secondes, Edward avait matérialisé, au-dessus de la double porte en bois foncé, un imposante tête de lion dont la crinière ressemblait à s'y méprendre à de vigoureuses flammes. Une foule d'applaudissements les acclamèrent. Hedwige s'était déplacée pour l'inauguration du bâtiment et dissimulait difficilement son émoi, trahi par son nez et ses yeux rougis.

Cependant, alors que le nouvel hôtel venait d'être érigé, la relation des deux jeunes hommes menaçait de s'effondrer.

Edward commençait à se réjouir de l'avancée soudaine de sa mission quand il ressentit une légère appréhension. En effet, il avait terminé son travail, Roy et lui allaient donc devoir retourner à Central et reprendre leur métier initial, séparé l'un de l'autre.

Après avoir salué et remercié les nombreux artisans présents ainsi que la foule d'habitants qui était venue à l'inauguration du bâtiment, le jeune blond se glissa furtivement entre les premiers arbres de la forêt. Il avait de nouveau besoin d'être seul et de réfléchir. Il revoyait le visage de son petit frère de quelques années alors qu'il n'avait pas encore son corps de ferraille. Plongé dans ses souvenirs, il subit de nouveau l'effroyable scène qui l'avait conduit à devenir alchimiste d'état.

Il avait hâte de retrouver son frère. Il voulait de nouveau être à ses côtés et partager son quotidien. Mais avait-il envie de quitter Mustang ?

Il se trouvait face aux mêmes doutes que les jours précédents. En effet, entouré des nombreux habitants, Roy et Edward s'étaient éloignés pour faire bonne figure. Mais suite à leur soudain rapprochement, ils ressentaient le besoin permanent d'être prêts l'un de l'autre. Pourtant, il n'y eu aucun contact physique. Le soir, harassés, ils rentraient en souriant, dînaient avec Hedwige et s'endormaient. Peut-être bien qu'ils se doutaient de l'issue qu'allait subir leur relation.

Cependant, Edward désirait Roy et désirait rester près de lui. Mais il était confronté à la réalité de sa situation et de celle d'Alphonse. Ce dernier aurait souhaité qu'Edward fasse passer son bonheur avant le sien mais il était impossible qu'il en soit autrement pour le blond. Il se sentait responsable de la perte qu'ils avaient tous deux subi et combattrait indéfiniment pour atteindre son objectif, quoi qu'il puisse en coûter.

Il ne s'était pas éloigné dans la forêt et restait près de la lisière, s'enivrant du parfum des pins. Roy le retrouva assis sur une souche morte mais encore incroyablement solide. La puissance de la nature est sans fin. Il s'accroupit devant lui et effleura ses mains.

- Edward. A quoi est-ce que tu es en train de penser ?

Celui-ci releva ses yeux dorés vers son interlocuteur.

La vérité le frappa durement.

Roy Mustang était merveilleux.

Mais il ne pouvait pas faire autrement, il ne pouvait pas se donner à lui.

Quelques heures avaient suffit à ébranler le cœur d'Edward.

Ses sourcils se froncèrent et une larme perla au coin de ses yeux. Il avait réalisé à quel point Roy pouvait compter pour lui. Il avait toujours été présent, pas aussi proche certes, mais il avait toujours gardé un œil sur lui, son cadet, son protégé, son amant.

- Ne pleure pas, chuchota tendrement Roy.

- Tu ne sais pas pourquoi je pleure, dit Edward avant de renifler. Il s'était empêché de pleurer.

- Je crois que j'ai deviné...

Les mains de Mustang se resserrèrent sur celles d'Edward.

- Je t'écoute.

Un instant sincère. Juste un instant sincère où tous les doutes sont permis. Quelques regards criants de vérité.

- Je ne peux pas faire ça maintenant, peinait à dire le blond. Je dois rendre son corps à Al ! Je-Je ne peux pas prendre du temps pour moi et.. Il montra du doigt Roy. Je ne comprends pas comment c'est arrivé, comment j'ai pu te regarder autrement...

- Je suis désolée Ed, c'est moi. C'est ma faute.

Edward grimaça.

- Non ! Non, c'est pas vrai ! Laisse-moi finir s'il te plaît, je préfère tout dire d'une seule traite. Il inspira profondément. J'aime Alphonse et je suis son grand frère. Il ne mange pas, ne bois pas, ne dors pas tandis que moi je peux encore ressentir des choses que lui ne peut pas. Je ne peux pas me mettre à sa place, je peux même pas dire que je le comprends. Je veux simplement qu'il puisse vivre pleinement. Qu'il puisse ressentir ce que j'ai ressenti avec toi ou bien des choses simples comme l'air chaud d'été, l'herbe fraiche sous la plante des pieds... Roy lui faisait face, impassible. Mais je reste aussi égoïste, j'aimerai être le seul que tu.. Edward déglutit. Mais je n'en suis pas encore capable. Je ne peux pas !

Il serra les poings, la mâchoire crispée puis murmura pour la première fois :

- Roy.

Jusqu'ici, Edward n'avait jamais osé appeler le brun par son prénom. Et effectivement, il ne pouvait pas se donner à Roy tant qu'il n'avait pas retrouvé le corps de son petit frère. Il ne pouvait pas trouver le bonheur si Alphonse ne l'avait pas trouvé lui aussi. Et ce bonheur, il en était sûr, passait par l'obtention de son corps humain.

Il avait gardé la tête baissée, ne supportant pas les yeux profonds et sombres de Roy qui le fixaient, de peur qu'ils le découragent dans sa confession. Mais, voulant découvrir sa réaction, il s'efforça de relever la tête. Roy n'avait jamais été aussi cruellement beau que ce jour-là, à cet instant précis, où un vague sourire triste éclairait ses lèvres. Ce dernier s'approcha avec douceur d'Edward, encadrant son visage de ses mains dénudées. Le jeune alchimiste écarquilla les yeux et sentit son cœur s'exalter au contact des doigts de son amant qui étaient, pour la première fois, véritablement chauds. Une chaleur presque fiévreuse émanait d'elles. Une larme s'arracha discrètement des yeux d'Edward. Ce dernier comprit qu'il ne pourrait que difficilement se passer du touché de Roy. Il glissa sa main sur celle du brun et l'amena vers ses lèvres pour déposer un baiser au creux de sa paume. L'alchimiste de flamme chuchota :

- Je t'attendrai. Bien sûr que j'attendrai.

Il avait prononcé cette phrase comme si c'était une évidence. Comment pourrait-il en être autrement ? Il s'était fait force pour ne pas se laisser submerger par l'attirance qu'il ressentait vis à vis du blond depuis assez longtemps pour pouvoir encore attendre. L'amour était pour lui synonyme de patience. Et cette fois-ci, il savait que cette attente serait récompensée. Edward l'avait tout simplement choisi.

Entre feu et fer [Roy x Ed] TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant