Un automne, un papi était parti couper du bois pour la cheminée dans la forêt avec son beau-fils et ses petits-fils. Ils avaient une grande famille : le grand-père, la grand-mère, le fils aîné avec sa femme et ses deux enfants, et le fils cadet avec sa fiancée (à propos, même aujourd’hui, en Yakoutie, beaucoup vivent avec toute leur famille dans la même maison). Il faisait beau et ils avaient réussi à couper pas mal d’arbres en une après-midi. Mais vers le soir, ils sont tombés sur un gros mélèze particulièrement coriace sur lequel les coups de hache rebondissaient comme sur de la pierre. Même la tronçonneuse (une du célèbre modèle Drouzhba) n’arrivait pas à rentrer dans le bois, elle se bloquait à mort toutes les deux minutes. Bon, il y a beaucoup d’arbres dans la forêt, donc le beau-fils a proposé de laisser celui-là tranquille et d’aller s’occuper d’un autre, mais le grand-père s’est entêté, disant qu’il ne ferait pas honneur à sa réputation s’il n’abattait pas cet arbre. Ils se sont cassé la tête toute la soirée, pour au final réussir à en venir à bout. Sur ce, ils en ont fini avec leur journée de travail.
Et puis le jour est venu où ils devaient charger les arbres sur leur tracteur pour les ramener au village. Là, le même arbre s’est fait remarquer dans toute sa splendeur. Lorsqu’ils ont essayé de le mettre dans la remorque, il est retombé six fois, comme s’il était doué d’une volonté propre. Sur le chemin, il s’en est encore barré un sacré nombre de fois, même si le chargement était entravé par les barreaux. Lorsqu’ils sont enfin arrivés chez eux, ils ont préparé le tas de bois de chauffage pour le lendemain. Un des petits-fils a abattu sa hache sur l’arbre, et celle-ci a rebondi pour le frapper lui-même au front. En voyant ça, le vieux s’est énervé et a invité tout le monde à s’occuper de cet arbre en premier. Ils y ont passé la journée, mais on finit par le réduire en morceau et le mettre dans le tas de bois. Le vieux a personnellement pris une botte de ce bois-là et l’a ramené à la maison pour le fourrer dans le four à bois. Après, bien évidemment, les bûches ne se sont absolument pas laissé enflammer, mais le grand-père n’était pas non plus né de la dernière pluie, les a arrosées d’essence, a rempli le four de journaux et ainsi les a allumées.
Les trucs bizarres ont commencé le soir, et pas comme dans les films américains où est graduellement de plus en plus bizarre à mesure que les mois passent, mais le pire de tout dès le début. La famille dînait, et la fiancée du jeune fils s’est soudainement mise à hurler à pleine gorge. Tous l’ont regardée, et elle leur a dit que quelqu’un venait de la frapper en pleine poire. Ils ont d’abord pensé que la gamine avait pété une durite, mais à ce moment, de nouveau, une personne invisible s’est mise à lui mettre des taloches de sorte que sa tête bringuebalait de droite à gauche. Le grand-père a essayé de retenir lui-même le visage de sa belle-fille avec ses mains, et là la saloperie s’en est prise à lui, lui foutant un coup dans le bide avant de se mettre à le baffer. Quand le vieux est sorti en laissant derrière lui le château hanté, la chose invisible s’en est de nouveau prise à la fiancée du cadet. Il l’a malmenée toute la soirée, jusqu’à ce que ses joues soient devenues rouges comme des écrevisses, et puis s’est finalement barré. Mais il était trop tôt pour les réjouissances, car la nuit, c’est de nouveau revenu la voir, ça a balancé sa couverture sur le sol et s’est appuyé de tout son foutu poids pour l’asphyxier. C’est là qu’ils se sont tous mis à flipper, la fiancée en larmes, les gars qui ne captaient que dalle, le grand-père qui met sa tête dans ses mains en comprenant que leur bois de chauffage n’était pas issu d’un arbre ordinaire… Ils ont fait venir le prêtre du coin, qui s’est pointé avec sa croix, son encensoir et son eau bénite. Le truc est direct venu balancer l’eau, casser le récipient, arracher le crucifix du cou du prêtre pour la balancer dans un coin et mettre des taloches dans la tronche du saint. Du coup, il s’est tiré aussi vite qu’il était arrivé.
Après, le fun a commencé. La chose restait en général calme le matin et la journée, mais ne les laissait pas oublier sa présence en leur faisant des petites crasses : de la merde de vache dans le lait, de la pâte qui pourri sans raison, des tasses qui se jettent toutes seules par terre. Le soir, elle revenait toujours s’en prendre à la fiancée, la tabassait, lui arrachait ses vêtements, planquait des trucs dégueulasses dans son repas, la pelotait pendant la nuit (mais, dieu merci, elle n’a jamais essayé de la violer). Par contre, ça ne touchait pas les autres, même pas le grand-père, tant qu’ils n’essayaient pas de défendre la jeune fille. Si quelqu’un essayait quand même, ça lui collait une bonne leçon, de manière bien plus violente qu’avec elle : on se retrouvait facilement recouvert de bleus et avec des os cassés. Même les deux petits-fils n’ont ni réussi à l’attraper, ni même à l’effleurer.
Le grand-père s’en est remis au chaman de la région. Ce dernier a refusé de venir dans la maison, arguant que le mal présent était plus puissant que lui. Lorsqu’ils se sont tous mis d’accord pour dire que la bestiole était arrivée chez eux en même temps que l’arbre dans lequel, visiblement elle résidait jusqu’alors, le chaman leur a conseillé de reprendre tout ce qui restait de l’arbre et de le rapporter à l’endroit où ils l’avaient pris. C’est ce qu’ils ont fait, et les buches sont mêmes arrivées à bon port sans la moindre pirouette étrange. Mais ça n’a pas marché : il semblait que leur « colocataire » s’amusait bien plus au village. Ils sont restés comme ça un mois à tout essayer pour le chasser, en allant des cercles de charbon sur le sol aux prières en passant par les chats, mais rien n’a eu d’effet, et le truc faisait le malin avec ardeur après chaque tentative. Une telle vie a fini par affecter la santé mentale de la jeune fille, ses yeux ont commencé à se dessécher et elle s’est mise à délirer.
Par ailleurs, à cette période, un agent de la Tchéka est venu leur rendre visite, envoyé spécialement depuis un autre village qui, après avoir eu vent des rumeurs, a décidé qu’il leur fallait aller rapporter le fait que le mal se répandait. Il est entré chez eux en gueulant « il est où, votre monstre ? », et là un coup est parti du flingue qui pendait à la ceinture du gars, et il a bien failli se le prendre. Il a alors porté la main à son arme, et là quelqu’un s’est mis à lui balancer méticuleusement plein de crottes depuis le four. Il a dégainé et a mis le four en joue, mais il n’y avait personne. Et puis le truc a repris ses vieilles habitudes et l’a roué de coups au visage. Le mec de la Tchéka s’est tiré sans demander son reste et n’est jamais revenu.
Au final, la famille a décidé de renvoyer la jeune fille chez ses parents, dans un autre hameau. Alors qu’ils roulaient dans le village, elle regardait en arrière en disant : « mon pauvre abassy ne peut pas nous suivre, il est coincé, ramenez-moi là-bas », et à la sortie elle a dit « mon pauvre abassy est resté tout seul et pleure près du bouleau. » Et d’un coup, le délire a disparu, et elle a retrouvé la raison. Bien sûr, elle n’est jamais retournée dans ce village, et le mariage s’est annulé de lui-même. D’ailleurs, au village, ils n’étaient pas contre, car à l’instant où elle était partie, on aurait dit que leur colocataire s’était volatilisé, cessant ses farces et ses jeux. Au début, ils s’effrayaient à la moindre ombre, s’attendant à son retour, mais ça ne s’était jamais produit. Visiblement, sans la jeune fille, l’abassy avait fini par s’ennuyer, et était reparti dans son trou. Happy end, comme on dit.
VOUS LISEZ
histoires d'horreur
Horrorici, vous pourez trouver des histoires d'horreur... mais verifiez de temps en temps derriere vous pendant votre lecture... Toutes mes histoires sont prises sur internet ( si non je vous préviendrai ) N°45 dans la catégorie horreur (24/06/2017) N°31...