Chapitre IX

5.7K 679 113
                                        

Nous sommes montés dans la chambre de Louis, ça sentait les pivoines et le chocolat au lait. J'ai souri.

J'avais vaguement espéré que mes parents me demandent de rentrer à la maison mais je n'avais pas été exaucé. C'était la raison pour laquelle je me trouvais avachi sur le lit défait de mon hôte d'une soirée, un verre de jus d'orange à la main et le rire communicatif de Madame Rutherford résonnant encore dans mon esprit.

Ils avaient le sourire facile par ici.

À côté de moi, le blond allumait son ordinateur afin que nous commencions l'exposé.

« Tu me fais une place ? me demanda-t-il avec un sourire lumineux.
— Pourquoi tu veux que je reste dormir ? »

Oups. C'était pas supposé sortir.

« Je m'y attendais pas au début, mais je te trouve marrant, Aaron. Des fois tu sors des trucs carrément bizarres et tu ne dis pas souvent des gros mots ou alors vraiment des petits jurons... Et je trouve ça drôle. Je ne le répéterai pas deux fois, mais je pense que c'était une bonne idée ces séances strange. Parce que ça m'a permis de réaliser que tu n'étais pas seulement le « mec un peu bizarre de la classe » mais aussi le mec avec lequel on pouvait rire en faisant des crêpes et une bataille de farine. Alors ouais, dit comme ça, c'est con, c'est gnangnan, mais je te remercie quand même d'être venu vers moi pour tes séances. T'es cool, Aaron. Je suis sûr que bientôt, t'auras même plus besoin de moi : tu te feras des amis tout seul. Faut juste laisser le temps aux gens de voir qui tu es. »

Bah merde alors. J'étais pas prêt, moi.

Une larme d'émotion dévala ma joue et je reniflai le moins gracieusement du monde. Louis sembla gêné et m'adressa une grimace désolée.

« Je suis désolé, j'ai dit quelque chose de mal ?! »

Tu sais, t'aurais pu dire que tu me trouvais carrément nul d'avoir lancé cette idée de crêpes chez toi. T'aurais pu dire que j'étais franchement pas très doué dans les relations sociales – il suffisait de voir ce que j'avais infligé à cette pauvre Camille Dulive – et que ces séances de normalité, elles étaient franchement nécessaires. Mais non, tu ignorais royalement la morve qui coulait le long de mon menton pour me  tapoter l'épaule après un discours qui aurait pu faire pleurer Mère Theresa. Pourquoi tu t'excuse, Louis Rutherford ? Pourquoi tu t'excuse d'être si sympa avec moi ?

« Merci », marmonnai-je seulement quand il me tendit un mouchoir.

Et ce n'était pas valable que pour le mouchoir.

*.*.*

« Et alors, c'est quoi tes passions dans la vie, Aaron ? s'enquit gentiment le père de mon hôte entre la salade et le fromage.
— Heu... »

Je ne pouvais décemment pas lui dire que je vouais un culte à Rimbaud ? Ou que j'aimais beaucoup trop jouer au jeu du Dictionnaire ? Ou que je gagnais toujours contre moi-même au Scrabble ?

« Aaron est un très bon cuisinier, déclara la mère de Louis en riant de son rire clair et mélodieux.
— Pour les crêpes seulement.
— Vous êtes dans la même classe ?
— Oui papa ! Bon, si ça vous va, on va aller regarder un film dans ma chambre. On peut emporter le dessert ?
— Si tu veux. Il reste de la mousse au chocolat dans le frigo. »

Nous montâmes à l'étage et je m'installai sur son lit tandis qu'il mettait le film en route. Nous avions choisi de regarder un Hitchcock (Diall M for Murder).

Je m'endormis sur mon voisin sans m'en rendre compte et ce fut la mère de Louis qui vint nous réveiller, pour nous demander d'éteindre. Louis releva ses yeux gonflés par le sommeil vers moi et je m'aperçus que j'avais infligé ma présence à son épaule tandis qu'il s'était lui-même mis à baver sur mon t-shirt.

« J'ai pas de pyjama.
— Pas grave. Je vais te prêter un haut », affirma-t-il d'une voix rauque.

C'est ainsi que je me retrouvai engoncé dans un t-shirt Titi qui me fit hurler de rire. Après un rapide passage à la salle de bain, nous nous glissâmes sous nos draps respectifs, ivres de fatigue.

Juste avant de tomber de sommeil, Louis déclara :

« Faudra que je t'apprenne à embrasser... J'suis sûr tu vas pécho rapidement. »

Je rougis subitement. Après tout, pourquoi pas ?

RAYONNANT [BoyxBoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant