Faire le mort s'avéra être une tactique redoutable. Jusqu'à ce qu'Amélie décide que ça ne l'était plus. Entre temps, je m'étais enfilé la quasi totalité des épisodes de Game of Thrones sous la couette, seulement vêtu de mon kilt tricolore et d'un pull trouvé dans le fin-fond de mon armoire, aux limites de Narnia. J'avais également dévoré une compilation d'ouvrages fascinants portant sur l'éventrologie et son précurseur, Jack l'Éventreur, sans oublier de m'instruire quant à la situation préoccupante des tapirs des Andes (Tapirus pinchaque), espèce en voie de disparition car prisée pour sa chair dotée de propriétés médicinales.
Pour résumer, cela faisait cinq jours que j'hibernais, et Amélie venait de décider que cela suffisait. Si vous voulez tout savoir, je ne partageais pas du tout de son avis. J'en étais même à me demander s'il fallait que j'adopte les méthodes barbares - mais efficaces - du tueur en série ayant sévi à Londres au XIXème siècle pour me débarrasser de la tornade qui s'abattait à présent sur mes épaules.
« Tu ne peux pas rester cloîtré chez toi jusqu'à la fin du lycée, c'est ri-di-cule...
— Ce qui est ridicule, si tu veux mon avis, ce sont les théories élaborées par ces illuminés du cosmos qui pensent que nous allons dépasser le stade de la biologie et devenir des espèces de divinités...
— En plus, Louis se languit de toi, me coupa Amélie d'un ton accusateur.
— Non mais vraiment, des crétins incroyables peuplent notre planète, Amélie ! Ils affirment même qu'on sera capable de maîtriser la puissance du Soleil !
— AARON ECKART !
— Je ne sais pas ce qu'ils imaginent ! Mais nom d'un tire-bouchon, nous ne sommes pas dans Star Wars ! »Le regard noir que la jeune fille me lança m'obligea à interrompre le laïus dans lequel je m'étais engagé. Elle souffla un grand coup – on aurait dit un taureau qui s'apprêtait à charger – et agita son téléphone portable sous mon nez.
« Arrière ! hurlai-je d'un air horrifié. Écarte ta technique de torture moderne ou je t'assène un coup de dictionnaire ! »
Je pouvais certifier que cela faisait mal pour m'être déjà pris le Petit Robert sur la tête. Une excroissance considérable avait vu le jour sur ma boîte crânienne après ce fâcheux incident. Mon père avait d'ailleurs longuement plaisanté à ce sujet, en faisant toutes sortes de jeux de mots pourris sur le fait que « Robert m'était tombé dessus ». En l'occurrence, c'était plutôt l'inverse. Mais c'était un tout autre sujet.
« Non mais regarde le nombre de messages que Louis m'a envoyés ! 134 ! En trois jours !
— Savais-tu qu'un adolescent brésilien nommé Marcel Fernandes Filho détenait le record du rédacteur de SMS le plus rapide au monde ?
— Aaron...
— Il a tapé un message de 26 mots en seulement dix-huit secon...
— AARON ! Ce n'est PAS le sujet.
— Bien, répondis-je de mon ton le plus froid. Alors quel est le sujet, selon toi, Amélie ?
— Le fait est que le tiers de ces messages ne concerne que toi ! Parce qu'il s'inquiète pour toi, au nom du ciel ! Voilà. »Je reniflai et tâchai de fixer mon regard partout sauf sur l'écran lumineux. La chaussette sale qui traînait en boule non loin de là ferait l'affaire. Puis j'ouvris la bouche, la refermai, tel un poisson avide d'oxygène et me jetai dans le grand bain, las.
« Amélie... Je suis sincèrement désolé.
— Désolé pour quoi ? Pour avoir embrassé meilleur ami ? Pour avoir été surpris en train de le faire ? Pour avoir aimé le faire ? Ou pour ce commentaire pitoyable qui est inscrit sous ce post naze ? »Elle arborait une expression féroce qui me dissuada à jamais de lui tenir tête.
« Parce que si je n'avais pas demandé à Louis de me dispenser des leçons de normalité, il ne m'aurait pas embrassé et personne n'aurait tenté de lui nuire. »
Un silence pesant suivit mes paroles. Amélie poussa un profond soupir avant de me serrer dans ses bras, enfouissant son visage dans mon cou. J'encerclai maladroitement sa taille pour lui rendre son étreinte, tout en me demandant si ma réaction était appropriée. Apparemment non car des larmes échouèrent contre ma clavicule quelques secondes plus tard et des reniflements gargantuesques ne tardèrent guère à se mêler à elles.
« J'ai fait quelque chose de mal ?
— Tu es... Trop bête... articula Amélie entre deux sanglots.
— Ça te rend triste ? demandai-je, atterré.
— Ce qui me rend triste c'est que vous soyez tous les deux aussi... stupides. Je n'en reviens pas !
— Pardon ?
— Aaron, Louis ne t'en veut pas pour cette histoire de photo. Il pense que c'est de sa faute si tu ne viens plus en cours ! Il pense que tu ne voulais pas de ce baiser... il croit que tu aimes cette fille à la soirée...
— Vanessa ? Oh non. Olala. Non. Oulalaaaaaa. Noooon. »Vanessa était très gentille (et une meilleure danseuse que moi), mais nous deux... C'était tout bonnement inconcevable. Alors certes, j'avais dit avoir beaucoup apprécié son embrassade pendant la fête, mais... non. Ça n'allait pas.
Il y avait un problème.
Un problème de taille moyenne, aux cheveux blonds et aux yeux malicieux. Un problème qui avait le don de me faire rire, qui aimait autant les crêpes que moi et qui avait accepté de m'aider à me construire une carapace pour survivre dans la jungle que l'on nommait communément le lycée.Un problème qu'il m'était impossible d'ignorer plus longtemps.
« Bon. Qu'est-ce que je dois faire, selon toi ? »
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Hello ♥
Je suis désolée pour ce très loooong moment de pause, disons que c'était un peu chaotique dans ma vie donc je n'ai pas pris le temps d'écrire et je n'en avais pas l'envie. Là, je passe le BAC... Donc niveau publication ça va être encore compliqué. Mais j'adore Aaron, Amélie, Louis, Nicolas etc donc voilà, je continue cette histoire. Puis après c'est les vacances, ce qui signifie max de temps pour écrire/lire/rien faire de ma vie !
J'espère que vous allez bien. Merci infiniment pour vos messages, je suis très touchée que cette histoire plaise, sincèrement. Et que vous appréciez Aaron malgré ses "différences". Merci pour tout. À très vite !

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RAYONNANT [BoyxBoy]
Teen FictionAaron Eckhart n'est pas vraiment un garçon comme les autres. Toujours décalé, il semble planer dans un monde qui ne lui ressemble pas. Alors, l'année de ses dix-sept ans, après un rendez-vous chez son psy de pacotille, Aaron décide de prendre les ch...