Louis et moi ne nous étions pas reparlé depuis notre leçon de baisers, qui avait eu lieu la veille. Il m'avait reconduit en silence jusqu'à chez moi et je m'étais empressé de rentrer pour me changer – j'étais transi de froid à cause du bain glacial dont j'avais profité – et pour échapper à son expression maussade.
Il n'était pas venu au lycée de la journée et Amélie m'avait tenu compagnie, silencieuse, sauf quand Nicolas Combes avait décidé de venir se chamailler un peu avec elle, en fin de journée.
Là, elle n'avait pas hésité à hurler et taper sur le garçon qui, à ma plus grande surprise, avait éclaté de rire. D'habitude, il se contentait de planifier la mort de la jolie brune en grommelant.
À la fin des cours, Magalie Maillard avait rappelé à toute la classe d'être à l'heure chez elle et je m'étais enfui chez Alex pour l'écouter geindre à propos de son nouveau golden retriever qui bavait sur son canapé. Je ne lui avais pas dit pour hier.
Peut-être parce qu'il n'y avait rien à dire, tout simplement.
Ce n'était pas comme si j'avais embrassé Louis Rutherford – plusieurs fois – et que j'avais failli mourir de plaisir durant cette expérience. Ce n'était pas non plus comme si on nous avait pris en photo, à notre insu, et que nous n'avions pas pu identifier notre voyeur.
Ce n'était pas comme si j'avais compris que j'éprouvais des sentiments pour Louis, le mec le plus hétéro du lycée et le plus populaire de notre classe...
J'étais décidément dans de beaux draps.
Je rentrai chez moi, ignorant délibérément les yeux doux de mon psy qui me suppliait de noyer son chien en douce, et décidai tout simplement d'oublier la soirée à laquelle j'étais convié. Je n'étais pas d'humeur.
Ma mère rentra dans ma chambre au moment où je lançais un film – Vertigo de Hitchcock –, un panier de linge propre à la main.
« Tu as mis ton kilt ? Qu'est-ce qui ne va pas mon poussin ?
— Rien. Mettre un kilt n'est pas un signal de détresse, maman, râlai-je.
— Dans ton cas, ça veut tout dire, répliqua-t-elle. Alors, tu ne devais pas aller à une soirée ?
— Je veux pas y aller, finalement.
— Ta copine t'a planté ? »Ma copine ? MERDE ! La fille de la cantine ! Valérie-ou-Valentine ! Je l'avais complétement oubliée celle-là ! Je vérifiai mon téléphone, paniqué, et découvris une douzaine de messages de la jeune fille.
« T où ? »
« Je t'att' devant chez toi »
« Aaron ?? »
« T malade ? »
« Allôôôô »« Elle s'inquiète pour toi, c'est mignon, gloussa ma mère. Tu devrais la rappeler. »
Je n'eus pas le temps de répondre, la sonnerie de l'entrée résonna et j'entendis tambouriner à la porte.
« AARON ECKHART ! TU AS INTÉRÊT À VENIR IMMÉDIATEMENT ! »
Ma mère pouffa tandis que je m'enfonçai sous les couvertures, rouge de honte.
« Je vais aller ouvrir, ricana-t-elle. Change-toi mon poussin ! »
Je m'éxecutai, anxieux, enfilant une chemise blanche et un jean propre avant de me coiffer rapidement pour leur donner du volume. C'était peine perdue, mes cheveux restaient désespérément plats.
Je descendis dans le salon, gêné, et remarquai avec surprise que ce n'était pas une Valentine-ou-Véronica hystérique qui m'attendait mais Amélie Heilbrown, vêtue d'une jolie robe noire qui lui allait à la perfection. Elle discutait avec ma mère à voix basse, les deux affichant un air de conspiratrice qui n'annonçait rien de bon.
Je toussai pour me faire remarquer.
« J'espère que tu ne comptais pas sécher la soirée ? me gronda la brune en m'accordant une oeillade amusée.
— Bah...
— Okay. Mais sache que je ne t'en laisserai pas l'occasion. Tu ne vas pas me laisser seule entre cet abruti de Nicolas et cette pimbêche de Magalie, pas vrai ? »Son ton autoritaire me dissuada du contraire.
« Je vous dépose en voiture ?
— Merci madame, mais on va y aller en vélo. Ce n'est pas loin.
— D'accord. Tu m'appelles quand tu veux rentrer mon chou ! »Je m'empourprai face à l'utilisation de ce surnom stupide alors qu'Amélie laissait échapper un petit rire.
Elle m'entraîna à sa suite dans Saint-Croix, s'énervant à voix haute sur Nicolas Combes et sa débilité profonde. Nicolas ne m'avait jamais paru spécialement idiot mais si elle le disait...
Nous arrivâmes devant la maison de Magalie et je m'arrêtai sur le seuil, embarrassé. C'était la première soirée à laquelle j'assistais.
«Ça va aller, d'accord ? me glissa Amélie en m'adressant un sourire lumineux.
— Pourquoi... Pourquoi tu es venue me chercher ?
— Je me doutais que tu ne viendrais pas si personne ne t'encourageait à le faire... Et puis je t'aime bien. Tu es une belle personne, Aaron Eckhart. Et je suis heureuse de pouvoir échanger avec toi. »Elle ne me laissa pas le temps de m'embourber dans des remerciements confus, me tirant à l'intérieur. Je restai dans son sillage rassurant, observant les jeunes qui se dehanchaient sur le rythme saccadé d'une musique étrange et ceux qui buvaient leurs bières au goulot. Il y avait beaucoup plus de monde que prévu...
Le stress commença à monter. Le bruit ambiant ravagea mes oreilles. J'avais envie de m'enfuir. Soudain, Amélie me lâcha la main, tandis qu'on m'attrapait fermement par l'épaule. Mon cœur manqua un battement quand je reconnus mon « assaillant ».
« AARON ? hurla Louis Rutherford pour couvrir le bruit.
— NON C'EST PAS MOI ! »Il me considéra quelques secondes d'un œil perplexe avant d'éclater de rire, comprenant ma tentative d'humour.
Puis il me tira par la manche, m'éloignant définitivement d'Amélie et de la piste de danse pour me pousser dans une chambre d'amis.
Il referma soigneusement la porte derrière nous et je m'assis sur le lit, ne sachant pas quoi dire pour rompre le silence pesant qui planait au-dessus de nos têtes.
« Je... tu vas bien ?
— Oui. Et toi ?
— « MERCI ».
— Ah oui. Merci. Alors ? »Il soupira, passa une main dans ses cheveux d'un air embarrassé et s'appuya contre la porte avant de me répondre.
« Je n'arrête pas de penser à hier. »
Sérieusement ?! Il était dans le même cas que moi ?!
Je crus que j'allais m'envoler. Jusqu'à ce que je remarque sa mine renfrognée.
« Je me demande vraiment qui a pris cette photo... »
Ah ok. Ce n'était donc pas de nos baisers dont il parlait. Bien sûr que non. Pourquoi y avais-je seulement pensé ?
Il vint s'asseoir à côté de moi, faisant tressauter les ressorts du matelas. Je sentis sa délicieuse odeur, la gorge serrée.
« Et puis j'avais envie de tester un truc... Mais j'étais pas sûr.
— Quel genre de truc ?
— Rien. Laisse tomber. J'ai croisé ta copine, Vanessa. Tu devrais la rejoindre, elle t'attend. Je crois qu'elle est furieuse que tu ne sois pas venu la voir. »Ah, elle s'appelait Vanessa ?
Je ne bougeai pas. Nos souffles se mêlèrent et je sentis ses mains se poser sur mes épaules, nous rapprochant considérablement. Il ferma les yeux, mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Ses lèvres effleurèrent les miennes, si doucement que je me demandais si ce n'était pas un accident. Pour en être certain, je me penchai vers lui, m'apprêtant à l'embrasser.
« Aaron... »
Il ne finit jamais sa phrase. Car au même moment, Vanessa pénétra dans la pièce, arborant une expression agacée. Elle me décerna un coup d'oeil meurtrier avant d'annoncer :
« Nicolas Combes a embrassé Amélie sur la bouche. Elle est en train d'essayer de le tuer. Tu devrais venir, Louis. Quant à toi, ajouta-t-elle à mon adresse, tu me dois une danse ! »
Et merde.
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RAYONNANT [BoyxBoy]
Teen FictionAaron Eckhart n'est pas vraiment un garçon comme les autres. Toujours décalé, il semble planer dans un monde qui ne lui ressemble pas. Alors, l'année de ses dix-sept ans, après un rendez-vous chez son psy de pacotille, Aaron décide de prendre les ch...