« Aaron ! Comment vas-tu mon garçon ?
— Très bien, Mme Rutherford, merci. Et vous ? »Mme Rutherford me serra dans ses bras, euphorique, avant de m'annoncer que son mari l'emmenait au théâtre pour fêter leur anniversaire de mariage. Ils allaient assister à une pièce de Marivaux, Le Jeu de l'amour et du hasard. Le père de Louis m'adressa un large sourire tandis que mon ami se retenait d'exploser de rire face à ma mine congestionnée. Je peinais à respirer, écrasé comme je l'étais contre la poitrine de mon hôtesse.
« Bon les garçons, soyez sages...
— Ne faites pas sauter la cuisine, ajouta Mme Rutherford en embrassant son fils sur les deux joues.
— Et ne vous couchez pas trop tard.
— Oui, oui », répondit Louis.Puis il se tourna vers moi, l'air inquiet :
« Tu restes dormir, n'est-ce pas ? »Pourquoi pas.
Il claqua la porte derrière eux et vérifia l'état de la serrure avant de passer un bras autour de mes épaules, amusé.
« Ma mère ne t'a pas trop perforé les poumons ?
— Je suis encore en état de respirer. »Plus pour longtemps s'il maintenait cette proximité.
Je lui adressai un sourire chancelant.« Comment as-tu fait pour connaître l'heure de mon rendez-vous avec Alex ?
— J'ai demandé à ton père. Son numéro est répertorié sur les pages blanches.
— Tu m'as stalké ?
— Pas toi. Ton père. J'ai déjà ton numéro, tu te souviens ? »Louis retira son bras et fouilla dans les poches de son jeans à la recherche de son portable. Il tapa rapidement un message, un sourire railleur au coin des lèvres, et je sentis le mien vibrer dans la poche de mon sweatshirt.
« T chou avec ton kilt :p t'as de belles jambes tu c ? »
Je lui tirai gentiment les cheveux et il éclata de rire avant de m'entraîner dans la cuisine pour un atelier crêpes qui se métamorphosa en une immitation grossière du sketch de la crêpe au sucre dans Les Bronzés font du ski.
Après avoir vidé le pot de Nutella et les réserves de sucre des Rutherford, nous échouâmes sur le canapé, passant en revue la sélection de films qui se présentait à nous.« Skyfall ? Lord of the Rings ? Les Dents de la Mer ?
— Hors de question pour le dernier, j'ai pas envie de faire des cauchemars pendant trois mois !
— Mec, c'est un film de Spielberg ! Le Dieu du cinéma ! Faut absolument que tu le voies », déclara Louis en m'enroulant dans une couverture.Nous optâmes finalement pour Retour vers le futur et Louis lança le film après m'avoir transformé en rouleau de printemps. Il posa sa tête sur mon épaule, ses genoux frôlant les miens à chaque fois qu'il riait.
J'essayai de me concentrer sur Marty, Doc et leurs aventures hasardeuses mais je parvenais seulement à songer qu'en Arabie Saoudite, fêter la Saint-Valentin était interdit et qu'il y avait plus de poulets que d'hommes sur Terre, ce qui était tout à fait déconcertant.Loin de se laisser distraire par ces pensées parasites, Louis se cala plus confortablement sur mon épaule et me fixa au travers de ses cils.
« Tu me dis si ça te gêne ? »
Si tu savais. Ça me gênait à peu près autant que d'avoir du chocolat à portée de main et d'en être amputé.
Je lui souris, extirpai difficilement une main de mon cocon et l'invitai à me rejoindre sous la couverture. Son souffle chaud chatouilla ma nuque, presque autant que ses mèches de cheveux qui tombaient sur ma clavicule. Sa proximité me réchauffait de l'intérieur.
Allais-je imploser avant la fin du film ? C'était plus que probable. J'avais l'impression que mes joues étaient passées au barbecue. D'ailleurs, je n'en revenais toujours pas que ce mot soit d'origine française. Je me demandais qui avait inventé le barbecue. Béni sois-tu, amateur de saucisses grillées et de viande rôtie pour me permettre une comparaison fantasque grâce à ton invention.
« Ça va, Aaron ? »
La gorge nouée, j'acquiesçai d'un hochement sec du menton, fuyant le regard inquisiteur de Louis. Celui-ci ne se laissa pas démonter et tira sur le col de mon sweatshirt, si bien que nous nous retrouvâmes nez contre nez.
Oh mon dieu. Mon appendice nasal frôla le sien et mes narines frétillèrent devant l'audace de ce toucher.
Les caresses nasales étaient-elles de rigueur avec ses amis ? À bien y réfléchir, je n'avais jamais vu Nicolas frotter son nez contre celui de Louis. Mais peut-être était-ce un péché mignon réservé aux moments d'intimité ?
Mais étions-nous en train de partager un moment intime ?
NOM D'UNE SOUCOUPE VOLANTE. Mon cœur dansait la gigue dans ma poitrine.
« Heu... Aaron ? Tu es sûr que ça va ?
— Oh oui. J'étais juste en train de penser à la pratique de la gigue irlandaise. Et au fait que ton nez était très proche du mien. »Louis éclata de rire au moment où le générique défilait sur l'écran de la télévision.
« On ferait mieux d'aller dormir, tu ne crois pas ? À moins que tu ne veuilles... Hum... Pratiquer la gigue avant d'aller coucher ?
— Pardon ? fis-je, écarlate.
— D'aller te coucher ! » réctifia Louis, tout aussi écarlate que moi.Merlin, par pitié, enterrez-moi vivant. J'avais la sensation d'être un tournedos sur un grill.
Louis se gratta la nuque en se mordant les lèvres et se leva d'un bond, comme si une bombe menaçait d'éclater s'il restait plus longtemps sur le canapé. Il me tendit une main pour m'aider à me redresser et nous rangeâmes la couverture dans un placard avant de monter en haut... BAM. Un pléonasme. Rien de mieux que de recenser les pléonasmes pour se détendre. On appelle ça la musculation cellulaire. C'est très bon pour évacuer l'embarras mais très mauvais pour les maux de tête.
Lee Broadway avait certainement dû en abuser avant de mourir suite à une migraine terrible. Décès par anévrysme. La pauvre. Bref : trop de pléonasmes tue.Comme je n'avais pas de pyjama, Louis me prêta un t-shirt mais je trouvai le moyen de rester coincé dans mon sweatshirt (qui avait rétréci au lavage). De ce fait, Louis dut ruser pour me permettre de respirer.
« Passe tes bras là ! Voilà ! Et ta tête dans le trou. Attention, je vais tirer ! »
Mon sweatshirt vola dans la direction opposée de celle que j'avais empruntée et je finis par écraser Louis sur le matelas. Loin de paraître gêné de la situation, il me fit rouler sur le lit en riant aux éclats et je me débarrassai de mon kilt avant de m'enfoncer sous la couette.
Nous restâmes là comme des idiots, à nous fixer dans la pénombre, puis Louis glissa une main dans mes cheveux, les yeux mi-clos.
« Merci d'être venu. »
★.★.★
Merci de votre lecture 💫

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RAYONNANT [BoyxBoy]
Ficção AdolescenteAaron Eckhart n'est pas vraiment un garçon comme les autres. Toujours décalé, il semble planer dans un monde qui ne lui ressemble pas. Alors, l'année de ses dix-sept ans, après un rendez-vous chez son psy de pacotille, Aaron décide de prendre les ch...