Chapitre 16 : Pas si asexuelle que ça

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Dix minutes, quinze, trente, une heure, deux heures...

Il allait le lui payer. Même le plus sombre idiot se rendrait compte de l'entourloupe alors ce n'était pas à elle, la grande Lysa Fanie Garden qu'il allait faire ce coup-là.

Elle se précipita en dehors de la salle de classe en jurant mentalement et en se disant que depuis sa création, elle n'avait jamais été aussi peu respectée. Son grade devait pourtant lui garantir leur vénération ! Pourquoi s'obstinaient-ils à lui tenir tête ? Ils n'étaient rien sans elle.

Elle déboula en furie à l'étage en dessous puis au rez-de-chaussée. Les voix qu'elle entendait n'étaient pas très loin. Cet emplumé allait en prendre pour son grade...

Ana était ravie d'avoir pu attirer l'attention de Sandalphon. Au milieu de cette atmosphère d'étude stratégique ou curative, il lui apprenait la langue angélique. Elle devait admettre que c'était très beau à entendre avec un alphabet assez simple. Toutes les voyelles de l'alphabet français étaient encore là seulement, les seules consonnes à rester étaient le v et le b. Quand on piochait dans l'alphabet espagnol, on y prenait la eye et la egne, c'est-à-dire "ll" et "ñ". Soit seulement dix lettres. L'assemblage et le lexique étaient beaucoup plus difficiles.

Elle s'excusa auprès de son professeur et lui demanda où se trouvaient les toilettes. Celui-ci décida de l'y accompagner car il trouvait cela plus facile que de lui indiquer le chemin. S'excusant donc auprès des autres, ils ouvrirent la porte -  enfin, le reste du morceau de bois - et entamèrent leur périple vers les toilettes.

Enfin, périple était trop dire puisqu'ils se trouvaient devant les latrines du rez-de-chaussée quelques minutes plus tard. Alors que Sandalphon allait s'asseoir dans des escaliers proches, Ana s'aventura dans cet endroit que l'on trouvait infesté de microbes dans la plupart des écoles.

L'odeur était infecte. A ce stade, ce n'étaient plus des toilettes ! Non, elles avaient été promues au grade d'égouts. Et même là, elle avait l'impression d'être beaucoup trop gentille. Elle prit quand même son mal en patience parce que l'envie d'uriner était vraiment pressante et entra. L'action ne prit pas des heures, non, juste deux minutes mais lorsqu'elle sorti de sa cabine pour revenir dans le hall des toilettes, elle pensa qu'elle n'avait jamais autant hurlé de sa vie.

Devant elle, se tenait une jeune femme physiquement de son âge. Ses cheveux étaient d'un blanc immaculé tandis que ses yeux présentaient deux magnifiques iris azur. Ana qui avait auparavant hurlé se retrouva subjuguée et tétanisée tant l'être devant elle semblait irréelle à ses yeux. Celui-ci lui tendit la main alors qu'elle entendait les pas précipités des anges vers elle. Elle attrapa le membre qu'on lui présentait lorsque tout-à-coup, elle fut tirée et attirée par la belle immaculée.

C'était donc elle leur arme fatale ?

Ce fut la seule pensée cohérente que la rousse parvint à formuler dans son fort intérieur lorsque des lèvres se posèrent sur les siennes : Lys l'embrassait. Elle recevait son premier baiser de la part d'une ange et la seule chose qui lui vint à l'esprit était que ce n'était pas mal, pas mal du tout. Puis, après quelques secondes, elle se demanda si c'était encore meilleur avec un quelqu'un du sexe opposé. Après tout, si la majorité de la population préférait cela, c'était que ça devait être meilleur.

Elle entendit des respirations sifflantes derrière elle et se laissa happer par le parfum de l'ange qui lui volait ainsi son premier baiser, qui remontait doucement le long de sa poitrine et lui soutirait quelques doux gémissements. Qu'est-ce que les autres faisaient ? Elle avait toujours pensé que c'était contraire à la religion.

Tout-à-coup, la blanche la repoussa d'une manière si brutale qu'elle tomba sur le dégoûtant carrelage des toilettes. Se relevant illico-presto, elle vit l'ange courir pour se jeter dans les bras de Gabriel. Ce dernier était complètement abasourdi et n'arrivait pas à comprendre ce qui se passait, comme la majorité des personnes présentes.

Cependant, dans ce silence de stupéfaction, une voix se fit entendre.

ー C'est quoi cette fille que tu ramènes, Gaby ? Elle a foncé sur moi pour m'embrasser !

Lys pleurait et Ana n'en croyait pas ses oreilles. Revenant de son mutisme, elle croisa les mains sur sa poitrine et la toisa du regard.

ー T'es sûre que t'es vraiment une ange ? Parce que de un, on m'a toujours appris que les anges ne mentaient pas. De deux, qu'ils avaient une voix magnifique et de trois, qu'ils devaient être purs et tu m'as semblé très bien maîtriser la langue. Ehcêbmip !

ー C'est vrai que pour une qui est censée être au rang de Séraphin, tu as une voix de crapaud mutant, rajouta  Uriel. Pour ce qui est du reste, Ana...

ー On met ça sur le fait qu'elle a trop duré sur Terre, compléta Michaël. De plus, les Séraphins n'ont pas été conçus pour être éloignés de Père et près de la corrumption. Ils ont plutôt été créés pour prier du matin jusqu'au soir. Mais il faut croire qu'il y en a une qui a perdu cette habitude.

ー Bah quoi ? Je suis l'immaculée, celle qui purifie. Plus la peine de prier !

ー Ne t'inquiète pas Ana, affirma Raphaël sans écouter Lys. Nous n'accordons certainement aucun crédit à ce qu'elle vient d'inventer. Tout le monde est au courant de son attachement pour Gabriel et de toutes les ruses qu'elle peut utiliser pour l'avoir.

Sur ces mots, il empoigna fermement la Séraphine par les épaules et l'entraîna dans le couloir. Pendant ce temps, les autres demeuraient stoïques dans les toilettes comme si l'odeur ne les atteignait pas. Ana fini par en sortir pour se diriger vers la pièce qui était, encore ce matin, sa luxueuse chambre.

Elle monta au premier étage et entra dans la deuxième pièce à sa gauche. Pas besoin de l'ouvrir : la porte était carbonisée. À la place du lit à baldaquin, se trouvait désormais un mobilier de rangement de matériel de chimie. Elle le savait grâce aux bouts de verre brisé accompagnant les morceaux de bois. Le piano s'était volatilisé pour laisser place à ce qui devait avant être la table du professeur. Plus de douche annexe, plus de balcon. Au moins, la vue que permettaient les fenêtres cassées n'était pas obstruée.

La rousse se laissa tomber sur le matelas que Métraton avait posé dans toutes les chambres et songea qu'elle devait dormir. Le problème était pourtant coriace : elle n'y arrivait pas. Se retourner comme elle le pouvait sur ce matelas ayant résisté au cataclysme constituait sa seule option quand on considérait toutes les images qui venaient dans dans tête.

Oh elle ne comptait pas le nombre de fois où elle avait posé ses lèvres sur celles de Pan ー jamais l'inverse. Seulement, elle n'avait jamais échangé ces baisers langoureux dignes des films d'amour que l'on s'arrachait il n'y avait pas si longtemps. Et il avait fallu que ce début se passe avec une ange qu'elle ne connaissait même pas. Elle était douée en tout cas.

Naturellement douée ou habituée ? Telle était la question que Ana se posait. Comment se faisait-il qu'une ange embrasse non seulement une humaine mais en plus du même sexe qu'elle ? En même temps, elle n'avait pas de sexe... Et pourquoi ses frères n'avaient pas agit ? Elle commençait à avoir froid...

Pourquoi n'avait-elle jamais embrassé Pan d'ailleurs ? Oh oui, il ne l'avait jamais attirée. Ce premier vrai baiser lui faisait se poser des questions très étranges. Etait-ce d'ailleurs un vrai baiser ou juste un viol des lèvres ? Parce que jusqu'à preuve du contraire, elle n'avait pas demandé son avis. Pourtant, elle lui avait rendu son baiser et avait même gémit.

ー Attends... J'ai fait quoi ?! cria-t-elle alors qu'elle se relevait en sursaut.

Cette après-midi là, Ana se dit qu'elle n'était peut-être pas si asexuelle que ça...

Sweet Tears (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant