Chapitre 11 : Selena

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Selena ne comprenait qu'à moitié ce qui était en train de se passer. Peut être était-ce à cause de son mal de tête qui la tenaillait depuis maintenant un heure. Bien qu'atténué, il était encore bien présent. Ou bien parce qu'elle ne réalisait pas qu'elle n'avait jamais été aussi proche de la sortie qu'en ce moment. Elle voyait que son frère avait jeté sa corde improvisée par la fenêtre et que des soldats en uniforme rouge étaient entrés de force dans la chambre. Il ne pourrait les battre à lui tout seul, il fallait qu'elle l'aide. Prenant son courage à deux mains, elle parvint à se lever et à se diriger vers le balcon. Ils devaient s'enfermer dehors, c'était la meilleure solution. Se tenant la tête, elle se mit au côté de son frère, prête à le défendre en cas de danger. Mais c'était son tour de jouer les héros. Il exécuta les mêmes gestes qu'il avait répété inlassablement dans sa cellule, mais cette fois-ci ses gestes fonctionnèrent. Peut-être que la peur pouvait faire des miracles après tout. Une muraille de flammes ardentes séparaient les deux camps. Il voulut lui crier quelque chose, mais elle le devança :

- Inutile, je ne partirais pas sans toi !

- Non, je voulais te demander de rester auprès de moi. S'il te plaît, j'ai peur.

- Ça nous fait un point commun, grand frère !

Leurs regards se croisèrent et, malgré la situation plus que critique, ils esquissèrent un léger sourire.

Les gardes avançaient, leurs lances tendues devant eux, et Selena reconnut les deux gardes qui l'avaient escortée durant ces deux semaines. L'un, roux, avait une expression frustrée, comme s'il n'était pas entièrement d'accord avec ce qu'on lui demandait de faire. L'autre, par contre, avait une expression fermée, empêchant tout sentiment d'interférer dans son travail.

Les deux enfants étaient terrifiés. Selena chercha la main de son frère et la serra de toute sa peur. Ensemble, ils reculèrent pour essayer d'atteindre le balcon. Dans un dernier élan, ils coururent se mettre à l'abri dehors, refermant la porte sur eux. Selena commença à descendre de la tour par la corde déjà fixée tandis que Zeno essayait de faire fondre la poignée de fer pour la bloquer. Les gardes, bloqués à l'intérieur, avaient attrapé une chaise pour essayer de percer la vitre, mais sans grand succès.

Voyant que son œuvre tenait bon, il se rua sans plus attendre sur son unique échappatoire. Sa sœur avait maintenant descendu la moitié, et leva les yeux vers lui pour vérifier qu'il ne tentait pas quelque chose d'insensé pour lui laisser le temps de fuir. La tour ne possédait pas la moindre fenêtre hormis celle par laquelle ils étaient sortis, à croire que le Maître interdisait à ses partisans de voir la lumière du jour.

Sa petite sœur toucha enfin le sol. Mais ce n'était pas le sol froid et râpeux sur lequel elle avait marché dans la forteresse. Ce sol là avait quelque chose de rassurant, d'unique. Elle se baissa pour le toucher, et ses doigts en furent salis. La terre. Cela faisait si longtemps qu'elle n'en avait pas touché. Elle en prit une grosse poignée et la serra dans sa paume aussi fort qu'elle put. La jeune fille rentra ses ongles dans sa peau, pour se persuader qu'elle ne rêvait pas. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle y arrivait enfin. Mais ce n'était pas le moment de réfléchir à ce qu'il se passait. Elle reprit ses esprits et commença à courir. Pas loin, une immense forêt inhospitalière semblait les attendre. Elle entendit un objet siffler à quelques centimètres de son oreille et se planter dans l'herbe juste devant elle. Sans pour autant arrêter sa course, elle se retourna et leva les yeux vers le balcon qu'elle avait quitté quelques minutes plus tôt. Entre les créneaux, elle pouvait apercevoir des arbalètes qui les visaient. Le soldats avaient réussi à franchir l'obstacle, et maintenant ils voulaient les tuer.

Mais n'avaient-ils pas besoin d'eux ?

Ils ne devaient pas toucher leurs organes vitaux. Mais à cette distance, un accident est si vite arrivé ! Elle redoubla de vitesse, essayant de zigzaguer légèrement pour les déstabiliser. Son frère était toujours derrière elle, essayant la même technique, mais les flèches continuaient de se planter dans le sol tout près d'eux, sans jamais les toucher. La forêt était toute proche, plus que quelques mètres et elle serait à l'abri des tirs. Elle commençait à fatiguer, mais dans un dernier effort elle sauta derrière quelques arbres. Zeno, qui la talonnait, ne s'arrêta pas mais ralentit, et lui cria :

Lune de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant