Chapitre 10 : Zeno

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- Selena !!

Zeno s'époumonait. Il savait que les gardes qui assommaient sa sœur n'arrêteraient pas tant qu'ils ne l'auraient pas ramené dans sa cellule. Dès qu'ils eurent tourné dans l'angle de l'escalier, il ferma les yeux, se concentra comme il ne l'avait jamais fait durant les derniers  jours et tendit sa main devant lui.

 il refoula toute sa rage et son désespoir dans une immense boule de feu qu'il jeta de toutes ses forces sur la porte qui le retenait depuis maintenant deux semaines prisonnier. Celle-ci, qui ne portait que quelques marques de cendre prit soudainement feu. Mais pas d'un feu orangé qui vous brûle les entrailles et dont la fumée vous bloque la respiration, non, ce feu là était différent. Il était d'un rouge tirant vers le bordeaux, dénudé de la moindre fumée, et, bien que ses flammes ardentes dévoraient l'entrée avec une férocité sans égale, Zeno ne ressentait pas la chaleur étouffante qui d'ordinaire oppressait les gens. Pas le moins du monde effrayé par ce phénomène surnaturel, il était au contraire comme hypnotisé par son œuvre. Il approcha sa main mais le brasier ne lui lécha pas les doigts, et bientôt son poignet entrait dans les braises ardentes. Il avança encore son bras mais il n'atteignit jamais la porte, s'enfonçant encore et toujours dans son enfer. D'un simple geste de la main vers le bas, les flammes se tapirent pour ne devenir que de petites flammèches crépitant piteusement. 

Aux pieds du prisonnier se trouvait un gros tas de cendres qu'il y a quelques instants meublaient le trou béant qu'était devenue la seule issue de la pièce. Le frère de Selena éteignit totalement les flammes et s'engouffra à l'extérieur de son cachot, toujours enfouit dans sa torpeur. Il se sentait fort, invincible même, et le pouvoir qu'il venait de dégager renforçait cette idée devenue conviction. Il n'était plus lui-même. La puissance de son don le surpassait, et ses iris devinrent aussi rouges que l'étaient ses flammes ardentes. Il avança vers l'escalier et le descendit doucement mais sûrement, le corps droit comme un i, les bras étendus le long de son corps. Il marchait sans s'en rendre compte, comme si sa conscience avait été refoulée pour ne laisser place qu'à la partie la plus noire de son âme. Il traversa plusieurs couloirs dans cet esprit avant de rencontrer deux gardes habillés d'un uniforme rouge, possédant une chemise blanche et des chaussures noires cirées, une lance à la main, et leur pantalon ainsi que leur veste étaient d'un rouge vermillon légèrement délavé. Il marchaient tranquillement lorsqu'ils sentirent une présence derrière eux. 

Sur leurs gardes, ils se retournèrent en brandissant leur arme devant eux mais la vision de leur prisonnier paraissant si puissant et si dangereux les fit frémir de terreur. Mais ils savaient ce qui les attendraient s'ils laissaient s'échapper un otage aussi important, et c'est ce qui les poussa à agir aussi absurdement. Qui aurait eut ne serait-ce que l'idée de menacer une personne entièrement vouée à la haine ? Seulement la peur des représailles de leur Maître pouvait les pousser à tout tenter pour remettre Zeno dans sa cellule. Ils commencèrent à le piquer du bout de leur lance mais ce ne fit qu'accentuer la colère du jeune homme. D'un simple geste de sa main les deux soldats furent propulsés contre le mur du pierre. Assommés, ils retombèrent sans retenue sur le sol glacé. Le jeune homme les regarda sans émotion et reprit son chemin vers Selena. Alors qu'il se rapprochait, il entendit des cris de souffrance venant de la grande salle où le Maître passait ses journées. Prit soudain d'un terrible pressentiment, il changa brusquement de direction et commença à marcher de plus en plus vite, et quelques secondes plus tard il courait aussi vite que possible vers les cris stridents. Son instinct le guidait, et bien qu'il n'ai jamais quitté sa cellule sans avoir les yeux bandés il savait où est-ce qu'il devait allé. Après plusieurs minutes de course folle, il arriva enfin devant la lourde porte de bois ciré. 

Sans attendre, les sanglots étouffés d'une jeune fille le poussant à agir sans réfléchir, il ouvrit la porte à la volée et entra dans la pièce. Il avança, toujours aussi menaçant, mais s'arrêta lorsqu'il baissa les yeux en direction de la silhouette effondrée, ses bras tentant de lui protéger la tête sur le sol de marbre. Elle portait une robe rouge, le dos découvert, mais il était recouvert d'un poisseux liquide vermeil qui se mélangeait avec la teinte de son habit. Rien ne bougeait. Le fouet du bourreau avait été éjecté à quelques mètres à sa gauche, et le Maître, assis comme à son habitude sur son trône, semblait stupéfait. Les yeux grands ouverts, il ne semblait pas avoir remarqué l'entrée fracassante de Zeno. Il était concentré sur un phénomène qui se déroulait sous ses yeux.

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