4, partie a

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Anna

Samedi 22 novembre, 8h27.

- Annastasia ! s'époumone, pour la cinquième fois au moins, mon père depuis le rez-de-chaussé et je suis bien obligée d'ouvrir les yeux, cette fois-ci.

"Égorgeons-le gaiement" souffle la petite voix dans ma tête. Je me lève aussi vite que je le peux et descend lentement les escaliers.

- Ah enfin ! s'exclame mon père, lorsque j'arrive à sa hauteur. Ce n'est pas trop tôt !

Je lui adresse un regard fatigué, et las, ne prenant pas la peine de lui répondre. De toute façon, il n'en a cure.

- Je voulais juste t'informer, avant de partir, que je te change d'établissement, claironne-t-il, tout sourire.

Et là, mon cœur, qui se tranchait lentement les veines depuis une semaine, s'enfonce le couteau entier dans le bras. Autant vous dire que ça fait mal.

- Q-Quoi ? soufflais-je, abasourdie. Mais.. mais pourquoi ?! O-Où ça..?!

- Tu vas continuer ta scolarité dans un pensionnat pour jeunes filles à trois heures d'ici environ.

Ce n'est plus dans le bras, mais dans le ventre que le couteau se fait une petite place. Non. Je ne peux pas y croire.

- Mais...

- Il n'y a pas de mais, c'est décidé, tu commences là-bas lundi. Pour l'instant, je t'ai inscrite pour la fin du semestre, nous verrons si tu y passes l'année ou si tu reviens ici fin décembre.

- Mais... répétais-je. Mais.. bien sûr qu'il y a un "mais" ! Enfin tu ne peux pas me changer de...

- Je peux tout faire, me coupe-t-il, allant chercher son manteau dans le dressing, au bout du couloir. Tu es encore mineure.

- Attends mais... Mais je vais faire quoi là-bas ? J-Je... C'est une université au moins ?

- Non. Mais ne t'inquiètes pas, j'ai tout prévu. Tu suivras leurs cours d'art.

- Mais je fais une licence de stylisme, Papa ! Pas d'art ! Et puis c'est n'importe quoi, je..

- Oh, tu as un an d'avance de toute façon, me coupe-t-il. Et vu ton comportement, tu n'es pas assez mature pour être à l'Université. C'est pour ça que tu vas également aider les enseignantes. Tu t'occuperas aussi des petites classes.

J'ouvre la bouche, cherchant quelque chose à dire, mais ne répond rien, finalement. Ce n'est pas possible. Si j'ai choisis un cursus de mode, ce n'est pas pour me retrouver à m'occuper d'enfants dans un pensionnat pour filles.

- Tu sais comment j'ai eu cette idée ? me questionne-t-il, tout content. J'ai croisé le père de Sabrina jeudi après-midi, et figures-toi que depuis qu'elle y est, elle se porte beaucoup mieux !

Sabrina. Non, pas elle.

- Depuis qu'elle y est ? Comment ça depuis qu'elle y est ? Tu.. tu m'envoies au même endroit que Sabrina..?

Je suis trop choquée pour dire quoi que ce soit. C'est la pire chose qu'il puisse me faire.

- Exactement ! Et j'ai même insisté pour que ta chambre soit juste en face de la sienne !

Le mot "chambre" m'interpelle. Attendez. Je vais y dormir ?

- Ma chambre, répétais-je, tout bas.

- Oui, ta chambre, Anna, soupire mon père. C'est un pensionnat. Tu pars lundi et tu reviens pour les vacances de Noël.

Mes jambes fléchissent et mes fesses se retrouvent sur la dernière marche des escaliers. Ce n'est pas possible. Il ne peut pas me faire ça. Toute ma vie est ici. Mes amis sont ici. Alex, Amber. Natalya. Je ne peux pas quitter Naly pendant.. pendant plus d'un mois.

Madly IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant