Chapitre 4

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J'ouvrais difficilement les yeux et regardais l'heure sur mon portable : deux heure trente-six. J'avais manqué le dîner, pas terrible pour la nouvelle employée...

Un gargouillement provenant de mon ventre me faisait émerger totalement. Je sortais de ma chambre, à pas de loup comme une petite fille qui ne voulait pas se faire prendre. Heureusement pour moi, le manoir était plongé dans le noir, j'en concluais qu'ils dormaient sans doute tous. Je descendais les escaliers à tâtons dans l'obscurité et une fois arrivée en bas de ceux-ci, je cherchais un interrupteur pour enfin y voir quelque chose. Je mettais un bras en avant, la main grande ouverte, pour tenter de palper ce qui pouvait ressembler à un interrupteur. Soudain, je touchais quelque chose de dur et de froid, mais qui ne ressemblait en rien à un interrupteur.

- Tu cherches quelque chose ?

- Pardon, Peter. C'est toi que j'ai touché ? Sursautais-je mal à l'aise.

Je tâtais avec mes deux mains le corps que j'avais devant moi, comme pour être sûr que c'était bien lui. Je sentais son pull moulant ses muscles, et je pouvais très bien me les imaginer.

- Oui oui, c'est bien moi, disait-il en étouffant un rire.

- Je cherche l'interrupteur... Qu'est-ce que tu fais dans le noir, toi ? Me justifiais-je en retirant mes mains rapidement.

- Je viens de rentrer, me répondait-il en allumant la lumière.

Après avoir cligné plusieurs fois les yeux, je distinguais Peter qui me regardait avec un petit sourire mal dissimulé. Je détournais le regard en rougissant. Il fallait que je change de sujet, je voyais bien que mon malaise l'amusait.

- Tu étais sorti ? Aussi tard ? Tentais-je.

Son sourire disparaissait et son regard changeait, comme s'il venait de mettre indirectement plus de distance entre nous.

- Oui, j'avais un truc à faire, marmonnait-il en baissant la tête.

Sans plus de précision, il me contournait pour monter les escaliers. Je le regardais partir sans un mot, intriguée par son attitude. Un grognement provenant de mon estomac me faisait revenir à la réalité. J'étais vraiment en train de le fixer ? Je secouais la tête, agacée par mon attitude puis me dirigeais vers la cuisine pour y trouver de quoi manger. Je grignotais deux ou trois biscuits puis remontais à l'étage.

Arrivée devant ma chambre, une délicieuse mélodie venait titiller mes oreilles. Je tournais la tête et regardais la chambre de Peter. Il jouait encore cette musique triste et si belle. Je décidais d'aller le voir s'exercer, malgré que la dernière fois, il m'avait jeté comme une vieille chaussette.

Par chance, sa porte était entre-ouverte et je pouvais l'apercevoir de dos, les doigts sur son piano. Son dos était très musclé, et ses doigt, fins et délicats. Peter incarnait un somptueux contraste entre force et douceur. Je poussais un soupire, me laissant porter par sa musique, en fermant les yeux, et en souriant bêtement, face au bien-être que me procurait le talent de Peter. La musique se terminait, ce qui me sortait de ma bulle de plénitude. Quand j'ouvrais les yeux, il se trouvait devant moi, attendant une explication. Je sursautais, pour la deuxième fois de la journée et bafouillais en tentant de m'expliquer.

- Pardon, je...

Il m'attrapait et m'emmenait de force dans sa chambre, mettait une main devant ma bouche et me mimait de faire moins de bruit, avant de refermer la porte derrière moi. Sa main froide sur mon visage me laissait quelques frissons. On s'observait quelques secondes, sans bouger, tandis que je profitais sa main toujours posée sur mes lèvres. J'étais contre sa porte, et lui était si proche de moi que je pouvais sentir son souffle sur ma joue. Les yeux toujours plongés dans les siens, je tentais de retirer sa main de ma bouche pour pouvoir enfin parler. Il s'exécutait alors et détournait le regard vers sa fenêtre.

- Pourquoi tu m'espionnes sans arrêt, Laura ? Se fâchait-il en se retournant vers moi.

Il chuchotait, ce qui rendait sa voix encore plus attirante. J'avalais ma salive, encore troublée par le moment de promiscuité que nous venions d'échanger.

- Je m'excuse, c'est plus fort que moi. Quand je t'entends jouer, ça m'apaise, avouais-je.

- Je crois que je vais souvent te retrouver devant ma porte à m'espionner quand je jouerais... constatait-il en soupirant.

- Alors laisse-moi te regarder, comme ça, ça ne sera plus de l'espionnage, osais-je en tentant de cacher mon sourire naissant.

Il souriait face à ma remarque et s'asseyait sur son lit. Je restais toujours contre sa porte, ne sachant pas si je devais le rejoindre ou non. Il me faisait mine de m'asseoir à côté de lui en tapotant son lit, ce que je faisais timidement. Nous regardions parterre, assénés par un silence pesant qui régnait entre nous.

- Joue encore... lui demandais-je.

Il relevait la tête vers moi et nous étions si proches, que je pouvais détailler chaque trait de son visage angélique. Il me scrutait, puis finissait par accepter, et se levait pour se diriger vers son piano. Sans un mot, il commençait à balader ses doigts sur son clavier, faisant s'élever dans la pièce une douce mélodie. Elle était toujours très triste, comme toutes celles que j'avais pu entendre de Peter. C'était un jeune homme tiraillé par son passé, comme moi, ça ne faisait aucune doute. Il semblait faire acte de présence dans le présent, mais je voyais bien qu'il était le prisonnier d'un passé douloureux. Prise dans mes pensées, je ne m'étais même pas rendue compte que je m'étais allongée dans son lit. Je regardais le plafond, profitant de ce que m'offrait Peter. La fatigue me gagnait petit à petit, et la berceuse de Peter ne m'aidait pas franchement à lutter contre celle-ci. Résignée, je fermais les yeux doucement, laissant la mélodie se faire de plus en plus lointaine. Quelqu'un me secouait doucement, j'ouvrais les yeux et apercevais Peter, penché sur moi.

- Laura ? Tu t'es endormi, me faisait-il constater.

- Pardon, je suis tellement... répondais-je en refermant les yeux.

Je sentais des bras m'entourer, me soulever et un corps musclé et fort me porter sans difficulté. Il me posait délicatement sur des draps froids, ce qui me faisait rouvrir les yeux à moitié. Je voyais Peter, me détailler. Il était proche de moi, à moitié couché sur mon lit, me tenant toujours dans ses bras afin de me déposer sans me réveiller.

- Hmm... Peter, joue encore pour moi... demandais-je encore endormie.

- D'accord, repose-toi, disait-il en me bordant.

Je m'endormais rapidement en entendant Peter jouer de nouveau.

Apprivoise-moi T1 (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant