Chapitre 20

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Comme chaque jour, Alexandra venait nous réveiller. Enfin, me réveiller puisque les vampires ne dormaient pas. J'ouvris difficilement les yeux quand je sentis des coups de talons sur mes jambes.

- Il faut se réveiller, mademoiselle Smith !

Je grommelais. Les menottes me faisaient horriblement souffrir et le fait qu'elle me secoue comme ça, n'arrangeait rien. Une fois satisfaite de mon degré de réveil, elle s'agenouilla près de Peter, ce qui me fit émerger totalement. Elle passa son doigt sur sa mâchoire puis sur ses lèvres et je bouillonnais sur place. Peter, lui, était de plus en plus faible à cause du venin, et ça se voyait. Il avait d'énormes cernes et était bien plus pâle que d'habitude. La jeune femme rousse tourna la tête vers moi pour voir mes réactions. Mais je ne devais pas montrer le moindre sentiment, alors par habitude, j'utilisais cette indifférence que je maîtrisais bien. Sans un mot, elle se redressa et nous fit un large sourire.

- Père arrive.

Il fallait que je garde mon sang froid, que je contrôle les battements de mon cœur. Si Viktor avait décidé quoi que ce soit pour Peter aujourd'hui, notre plan tomberait à l'eau, ainsi que toutes ses chances de survie en vue du venin qui se propageait. Le vieil homme entra et nous scruta de façon hautaine. Je gardais mon calme et érigeais devant lui mon masque sans sentiment, ce qui le satisfaisait. Il regardait alors Peter qui lui, était très faible, ce qui avait l'air de le satisfaire aussi. Il finit par briser le silence :

- Bonjour à vousdeux, comment allez-vous ?

Nous ne répondions pas, ce qui lui fit esquisser un sourire.

- On m'a dit que vousétiez prête à devenir mon esclave, mademoiselle Smith. Je viensvérifier par moi-même, si ce qu'on dit est vrai.

Non, je ne pouvais pas le laisser penser que j'étais prête à être son sous-fifre. S'il m'emmenait maintenant, Peter n'aurait plus aucune chance. Je devais réfléchir et vite. Soudain, j'eus une idée.

- Faites attention,Viktor. Si je deviens votre esclave, je risque d'essayer de vousétouffer pendant votre sommeil.

Il arqua un sourcil, visiblement surpris que je l'appelle par son prénom et que je lui manque de respect alors que j'avais été plutôt obéissante ces derniers temps. Il balança son pied dans mon ventre avec une force phénoménale, ce qui rouvra toutes mes plaies et me coupa la respiration. Peter releva la tête vers lui et lui lançait des regards assassins. Il me frappa plusieurs fois sous les yeux de Peter, bien trop faible pour me protéger.

- Que vous ai-je dit, la dernière fois ? Que si vous m'appeliez encore une foiscomme ça, vous serriez morte.

J'eus un sourire en coin, allongée parterre, souffrante. Il soupira. C'était la première fois que je voyais Viktor soupirer ou être déçu.

- Que vais-je faire devous, mademoiselle Smith ?

Je ne répondais pas, j'avais peur que la douleur déforme ma voix et montrerait ma faiblesse. Il fallait que je sois forte, pour Peter, pour qu'il puisse vivre. Viktor s'agenouilla près de moi et murmura à mon oreille :

- Il va falloirrecommencer toutes les leçons depuis le début.

Je déglutis en pensant à tout ce que j'avais enduré depuis que j'étais ici.

- Vous ne me laissezmalheureusement pas le choix, ma chère...

Il se redressa et se dirigea vers le bureau pour faire sonner sa petite cloche puis partit de la pièce en ne m'adressant aucun regard ni même un sourire hautain. Cette fois-ci, j'en était sûre... Il fallait qu'on sorte d'ici et vite avant qu'il ne revienne nous exterminer. J'ai joué avec le feu, je l'ai déçu et il allait me le faire payer.

Michaël et la femme en cuir entrèrent en silence. L'aveugle se dirigea machinalement vers moi et cette fois-ci, il défit les menottes qui reliaient mes poignets. Il n'avait laissé les menottes que sur une de mes mains, l'autre pendouillait dans le vide. J'étais déstabilisée, qu'allait-il faire ? Je devais me reprendre, c'était l'occasion rêvée de tenter quelque chose. J'avais peut-être encore les chevilles emprisonnées, mais j'avais retrouver l'usage de mes mains et ça, ça allait peut-être nous sauver. Je vis la femme s'agenouiller vers Peter et retirer son pull, sûrement pour le fouetter.

Mon plan de départ était d'attendre qu'elle lui donne « sa récompense », mais là, elle était très proche de lui, ce qui nous laissait un angle d'attaque plutôt satisfaisant. Il fallait que je fasse vite, je ne savais pas ce que me voulait Michaël et je devais trouver un moyen de briser ce tableau au-dessus de nous. La menotte qui pendouillait pourrait peut-être m'aider à briser le verre ? Ou bien à frapper Michaël ? Avais-je assez de force, ne serait-ce que pour me lever et atteindre un des deux ? J'avais été maintenue au sol depuis plusieurs jours et je sentais des fourmis dans tout mon corps. Je me mis à douter. En étais-je sincèrement capable ? Si je faisais tout échouer, on le paierait de nos vies, Peter et moi.

Peter... Mon beau vampire... Il était si faible... Je ne voulais pas le perdre. Le souvenir de ses mains sur les miennes et de ses lèvres sur mon cou ravivèrent des frissons incontrôlables que je n'avais pas ressenti depuis ce qui me semblait une éternité. Toutes nos disputes ne semblaient que superflues, maintenant que je vivais l'horreur avec lui. Il comptait sur moi et je ne pouvais pas le décevoir.

Et puis, toute cette situation... Tout était de ma faute. Si je n'avais pas insisté pour être aussi proche de Peter, rien de tout ça ne serait arrivé. Si j'avais simplement joué mon rôle de nounou auprès de Lorie, nous serions tous en sécurité au manoir. La culpabilité noua mon estomac. Il fallait que je le sorte de là, quitte à y laisser la vie.

Décidée, je me levais vite et balançais mon bras avec toute la force qui me restait en direction du tableau en verre. La menotte percuta celui-ci, ce qui le brisa en un fracas assourdissant. Nos bourreaux furent surpris, et eurent un mouvement de recul. C'était le moment.

Malgré que je vacillais par le manque d'énergie et le fait de me relever aussi vite après être restée assise depuis longtemps, je me servais encore de cette menotte pour frapper en pleine figure Michaël, ce qui le fit reculer davantage. Je lançais un regard paniqué à Peter du genre « à toi de jouer ». Il sauta à la gorge de la femme en cuir. Au même moment, Michaël me tomba dessus. Ma tête heurta le mur sous le poids du balafré. J'étais complètement sonnée, il en profita alors pour entourer mon cou de ses mains larges et puissantes. Il serra aussi fort qu'il le put. Je ne voyais plus que Michaël. En plus de manquer d'air, j'étais tombée sur des morceaux de verre qui s'enfonçaient à plusieurs endroits de mon corps. C'était ça, la solution.

Je pris un morceau de verre qui était dans une de mes jambes et le plantais dans la nuque de mon assaillant. Il desserra son emprise et vint porter une de ses mains à la plaie béante sur son cou. Il y avait du sang partout. La vie quittant le balafré, il retomba sur moi, m'écrasant et m'empêchant de me dégager de lui. Le coup à la tête, mes plaies, le corps inanimé qui me comprimait et tout le sang que je perdais eurent raison de moi.

Ma vue se rétrécissait petit à petit, et les bruits dans cette pièce maudite furent de plus en plus lointains... Je ne savais même pas si Peter s'en était sortit... Mais s'il y avait une infime chance qu'il ait pu se libérer et partir d'ici, j'avais alors l'esprit tranquille. Mes yeux se fermèrent doucement, me laissant apprécier le doux cocon de sérénité qui m'enveloppait. Mourir ne me faisait plus peur désormais. J'accueillais la mort à bras ouverts, je la suppliais même de venir me délivrer de toutes les souffrances que j'avais vécu en seulement vingt-trois ans d'existence. Avoir été violée, rejetée, blessée, frappée, torturée.. Ce n'était même pas les pires choses que j'avais vécu durant ma vie minable.

La plus grande des souffrances était d'avoir perdu mes parents. C'était de les avoir tué par égoïsme et par faiblesse. J'allais sûrement aller en enfer pour ça, et je l'acceptais sans regret. Je devais payer pour leurs morts prématurées. Les derniers jours passés ici à être torturée n'étaient pas suffisants. Il fallait que je paie de ma vie. Ici. Maintenant.  

Apprivoise-moi T1 (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant