Chapitre 12

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En me retournant pour refermer la porte d'entrée derrière moi, je vis que Shaze n'avait pas bouger de place. Il était toujours assis par terre, la tête baissée vers le goudron parsemé de petits cailloux. Ses épaules étaient voûtées, et à sa posture, je savais que je l'avais énormément blessé en lui disant une telle chose.

Mon cœur me hurlait de courir le rejoindre, de lui demander pardon, d'essayer de tout arranger avec lui, d'essayer de tout reconstruire., mais ma raison elle, me disait de rentrer et de le laisser seul sur ce trottoir, de partir et de tourner la page une bonne fois pour toute. Malgré mon envie de retourner avec lui, je refermai la porte derrière moi et retournai dans le salon, rejoindre mes amis.

Ses yeux sombres, presque noirs, n'avaient pas changés. C'étaient toujours les mêmes yeux dont j'étais tombée follement amoureusement. C'étaient les mêmes que je voyais chaque jour depuis plus de dix-sept mois. Qu'est-ce que je faisais ici... Je n'aurais jamais dû revenir... Et... Et si il l'apprenait...

Je commençais à broyer du noir quand des bras réconfortants m'entourèrent. Gabriel me serra doucement dans ses bras et me poussa vers la cuisine où il referma la porte derrière nous pour nous laisser de l'intimité.

« Dis moi ce qui se passe.

- Rien. Je suis seulement fatiguée. Je n'arrive plus à dormir depuis quelques temps.

- Il n'y a rien d'autre ?

- Ça fait toujours aussi mal de le voir.

- Tu veux que je lui dise de rentrer ?

- Non. Je repars dans deux jours, je peux attendre. C'est aussi votre ami. »

Oui, c'était leur ami. Plus le mien, je ne pouvais pas être amie avec lui, c'était trop dur. Quand on a aimé aussi fort une personne, il nous est impossible de rester ami avec lui, et je venais de m'en rendre compte. 

Gabriel hocha lentement la tête. On retourna ensuite dans le salon avec les autres qui nous attendaient pour continuer l'apéritif. Shaze aussi ne tarda pas à revenir, mais il ne parla que très peu, principalement pour envoyer par ci par là quelques remarques désobligeantes dont il avait le secret.

Pour essayer de détendre l'atmosphère qui devenait électrique, Gabriel remit en route la console de jeu pour pouvoir reprendre les danses ou les courses de voitures. Cette tentative pour mettre une bonne ambiance dans le salon fut un véritable fiasco et devinez à cause de qui ? Je vous le donne en mille. Shaze s'énervait sans cesse à chacune de ses défaites, et ce n'était pas l'alcool qui allait le calmer, bien au contraire. Plus il buvait et plus son attitude devenait déplorable. Je ne l'avais jamais vu ainsi. L'alcool ne l'avait jamais mis dans un état pareil. Je pris la décision d'intervenir, il ne pouvait pas continuer ainsi.

« Shaze, calme toi, ce n'est qu'un jeu. Il n'y a pas mort d'homme.

- Oh toi... La ferme.

- S'il te plaît Shaze.

- Décidément tu sais jamais te la fermer toi... Même ce soir là tu ne le faisais pas... »

Il tourna très lentement la tête vers moi et me toisa de son air glacial et mauvais qui ne présageait rien de bon. Il n'allait pas s'arrêter là, je le savais. Je le connaissais par cœur. 

« Tu as besoin que je t'en colle une autre pour que tu te décides enfin à la fermer ? »

Je n'eus même pas la force de répondre. Tout le monde était aussi choqué que moi. J'espérai qu'il n'avait pas dit une chose pareille. Il n'avait pas pu dire ça... Si ? Au vu des visages abasourdis autour de moi, si, il l'avait bien dit. Jason fut le premier à parler, et répondit d'un ton ferme à Shaze.

« Shaze tu n'as pas le droit de dire ça. Cette histoire vous a déjà fait trop de mal.

- Ne t'en mêle pas Jason. C'est entre elle et moi.

- Non, c'est entre nous tous Taylor. Laisse tomber mon amour, tu sais bien ce qu'on dit. Ce sont toujours les moins viriles qui frappent les femmes. »

Gabriel venait de dire ça en regardant Shaze droit dans les yeux. Il venait de l'affronter clairement devant tout le monde, et j'avais peur pour lui. Personne ne tenait jamais tête à Shaze sous peine de recevoir des coups et ce soir, Gabriel n'allait pas passer à travers ça. Shaze se leva d'un seul coup en envoyant valser la table basse un peu plus loin dans la pièce. Gabriel se leva à son tour pour lui faire face. Cette histoire allait mal finir, elle allait très mal finir... 

Je me levai également pour me mettre entre les deux. Une soirée pour apaiser les tensions ils avaient dit ? Mon œil oui. Je me tournai vers Shaze pour lui faire face. Même s'il m'avait levé une fois la main dessus, je savais qu'il l'avait plus fait par colère et impulsivité que par envie. Ce soir là, tout était allé trop vite, beaucoup de paroles et de gestes blessants avaient été échangé, et je savais qu'il n'avait jamais voulu ça, tout comme moi. Je le connaissais, malgré tout, alors, je savais qu'il ne me ferait rien ce soir.

« Shaze. S'il te plaît. »

Il secoua lentement la tête et me poussa sur le côté.

« Ne me gène pas Tanya. »

Il ne mit pas beaucoup de force pour me pousser, sans en être vraiment sûre, j'eus l'impression qu'il venait d'avoir un geste doux. Mais sa douceur disparut rapidement quand il se jeta sur Gabriel pour lui en coller une, enfin, plusieurs.

Je ne voulais plus assister à ça, je n'en voyais pas l'intérêt et surtout, j'étais épuisée de toute cette histoire, ces tensions et de cette semaine. Je récupérai mon sac à main et quittai la maison de mes amis sans un mot. Je montai dans ma voiture et démarrai sans réfléchir. Ma tête me faisait atrocement mal, il fallait que je prenne l'air loin de tout ça et je savais où allait.

Je pris la direction de la plage. Il faisait déjà nuit, personne ne s'y trouverait et je pourrais enfin être seule et tranquille. Je me garai dans un coin reculé pour ne pas que ma voiture soit à la vue d'un potentiel voleur. Même en pleine nuit, il fallait faire attention dans des lieux comme celui ci. Surtout à Weird Town.

Voir l'océan ou la mer, avait toujours eu le don de m'apaiser. La sensation des vagues contre ma peau me faisait le plus grand bien. Je soupirai d'aise. Je me laissai bercée doucement par le courant de l'eau en fermant les yeux. Il fallait que je dorme un peu. J'en avais besoin.

L'eau était froide, les vagues assez fortes, mais il fallait que je dorme, et peu à peu, je me sentis sombrer dans un profond sommeil.  

Troubles (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant