Troubles (TOME 2)

Chapitre 27

Plus de six mois venaient de passer depuis la mort de Peter et de Matt et les choses avaient commencées à changer lentement.

Cela avait été très long et très difficile, mais Gabriel était parvenu à se reconstruire en partie. Il n'était certes plus le jeune homme insouciant et rieur qu'il était autrefois, mais il allait un peu mieux malgré tout. Il avait finit par accepter la mort de son frère, même si celui-ci lui manquait toujours terriblement. Il l'avait accepté, mais il ne l'avait toujours pas comprise, et c'était ce point là qui l'empêchait de faire son deuil pleinement. 

Durant cette période, Jason et lui s'étaient séparés. Gabriel ne voulait tout simplement plus voir personne, Jason compris, alors il lui avait demandé de partir de chez eux. Enfin, en réalité il l'avait plutôt exigé et avait mis ses valises devant la porte de leur maison tout en prenant soin de bloquer la serrure de la porte d'entrée en laissant sa clé à l'intérieur. 

Jason en avait terriblement souffert. Il avait tout fait pour soutenir son mari et celui-ci le jetait comme un malpropre hors de chez eux, alors qu'ils avaient tous construit ensemble. Certes Gabriel était malheureux, mais ce qu'il avait fait été impardonnable à mes yeux. Jason ne méritait pas ça. Il était revenu vivre avec nous en gardant l'espoir que Gabriel le rappellerait, ou, surtout, répondrait à ses nombreux messages.

Malheureusement, Gabriel n'avait pas répondu durant plus d'un mois. Il n'avait répondu à personne, si bien que nous avions eu peur qu'il se soit suicidé ou qu'il soit mort de chagrin, alors à plusieurs reprises, nous avions envoyé les pompiers voir si Gabriel allait bien et à chaque fois le constat était le même, il était vivant mais n'était plus que l'ombre de lui même. 

Il avait également fait parvenir à son mari un acte de divorce. Dans un premier temps, Jason avait refusé de le signer, et ne l'avait, au final, jamais fait. Il avait été dévasté le jour où ce grand homme, en costume trois pièces noir et au regard sévère dissimulé derrière une petite paire de lunettes ronde, lui avait donné cette fameuse lettre où Gabriel lui expliquait qu'il souhaitait mettre un terme final à leur histoire et qu'il ne l'aimait tout simplement plus.

Sous la colère et le désespoir, Jason avait mis le feu au courrier et au document du divorce dans notre jardin, brûlant au passage mes rosiers fraîchement plantés. Il ne voulait pas en entendre parler. Jamais il ne divorcerait. C'était Gabriel ou rien. Alors il avait recommencé à appeler Gabriel, à le supplier de ne pas le quitter, mais notre ami restait silencieux et sourd face à la détresse de Jason qui finit peu à peu par perdre espoir et sombrer petit à petit à son tour dans une profonde dépression.

Par amour pour Gabriel, Jason c'était fâché avec sa famille qu'il ne voyait plus depuis leur mariage, il n'avait plus que lui comme famille, alors maintenant qu'il souhaitait divorcer, Jason était perdu, anéanti et surtout profondément seul malgré notre présence près de lui. Il avait perdu son repaire dans sa vie, son unique amour. 

J'avais également essayé de parler à Gabriel. Pendant que Jason et Diego gardaient Brandon, j'étais retournée à Weird Town avec Shaze car les garçons ne voulaient en aucun cas que j'y aille seule. Puisqu'il n'était pas foutu de répondre à nos appels, j'allais donc m'y pointer directement et si je devais le frapper à coup de biberon ou de marteau pour qu'il m'écoute je l'aurais fais. 

Gabriel avait été surpris de nous voir au début et ne voulait pas nous laisser entrer mais je ne lui en laissa pas le choix. Ce fut délicat et extrêmement dur, mais au bout d'un moment, il finit par accepter d'avoir une discussion avec moi. Alors, pendant plus de quatre heures, Gabriel et moi étions restés dans son lit, dans le noir le plus total, à parler, sa tête sur mon ventre, mes bras autour de lui à le bercer et à l'apaiser tout en écoutant ce qu'il avait sur le cœur.

Il aimait toujours Jason, c'était indéniable, mais il savait qu'il l'avait fait atrocement souffrir durant ces derniers mois, alors il voulait simplement permettre à Jason d'être à nouveau heureux mais avec une autre personne que lui, sauf que c'était lui que Jason voulait et il n'arrivait pas à le concevoir, à ses yeux, Jason le haïssait forcément pour ce qu'il lui avait fait subir ses 6 derniers mois.

Heureusement, peu à peu, Gabriel accepta cette éventualité et finit par donner son accord à Jason de venir le voir. Quand ce dernier arriva chez eux, à la vitesse de la lumière, j'étais prête à parier qu'il n'avait en aucun cas respecté les limites de vitesses, Shaze et moi décidâmes de les laisser discuter seuls et allâmes chez sa mère pour passer un peu de temps avec elle avant de retourner chez nous.

Après le repas, j'étais dehors dans le jardin à contempler les étoiles. C'était une nuit douce, avec une légère brise un peu trop fraîche, mais au moins ce soir, la pluie n'était plus de la partie.

J'entendis la porte fenêtre s'ouvrir derrière moi mais ne me retournai pas. Quelques secondes à peine après, un plaid à la texture douce et duveteuse se glissa sur mes épaules et une sensation de chaleur se faufila en moi. Shaze s'assit à côté de moi en tirant une latte de sa cigarette.

« Merci. »

Pour seule réponse, il me fit un rapide sourire puis se remit à fumer en regardant les étoiles. Durant plusieurs minutes, le silence se fit dans le jardin, aucun de nous ne parlait pour l'instant. Je sentais qu'il avait quelque chose à me dire, mais je ne le pressai pas, je lui laissai le temps qu'il fallait pour se décider à me dire ce qu'il avait sur le cœur. Shaze était ainsi, il ne fallait pas le presser au risque qu'il se renferme sur lui même. 

Voyant au bout d'un moment qu'il ne prenait toujours pas la parole, je me levai doucement en lui souhaitant une bonne nuit. Quand je me retournai pour partir, il attrapa doucement mon poignet en me murmurant de rester alors je finis par me rasseoir sans un mot.

« Je te demande pardon pour ce que je t'ai fais subir. Je m'en veux tellement. Si tu savais.

- C'est du passé maintenant Shaze, c'est oublié.

- Non, pas pour moi. J'ai t'ai frappé, pire encore, à cause de moi tu as faillis mourir et surtout depuis, j'ai honte. Je t'ai perdu alors que tu es la femme de ma vie. »

Il se prit la tête entre les mains et je l'entendis renifler. Le voir ainsi me fendit le cœur, alors je posai ma main sur son dos et le lui caressai doucement.

« Shaze... »

Il était malheureux, à bout, et je savais que l'apparition de Brandon dans sa vie y avait beaucoup été pour quelque chose. Il avait devant ses yeux une famille qui aurait pu être la sienne mais qu'il avait perdu par un geste malheureux et incontrôlé.

Depuis sa rencontre avec notre fils, il avait tellement changé, il était devenu doux, prévenant, attentionné et surtout un énorme papa poule qui s'émerveillait devant son petit garçon même quand celui-ci mangeait ses crottes de nez tout en faisant des bulles avec sa salive. Oui, c'était parfaitement peu ragoutant, mais ça avait au moins le mérite de faire rire son père, alors Brandon continuait malgré mes dires et mes menaces de "puni de moto".

Le Shaze colérique et violent avait laissé la place à un Shaze d'une gentillesse touchante et presque innocente. Il n'allait plus se battre, il essayait de devenir un meilleur exemple pour son fils. Il faisait même en sorte de ne plus dire de gros mots devant lui. Shaze avait tout simplement changé.

Oui parfois, il lui arrivait encore de se mettre en colère, mais comme nous tous au final. Il avait tout fait pour se racheter, pour être un bon père mais surtout pour se faire pardonner.

Après tout, nous faisions tous des erreurs au cours de notre vie, personne n'était parfait, mais est-ce que je voulais vraiment de tous ça ? Je n'en savais rien. Cette petite voix en moi me répétait sans cesse que s'il avait pu le faire une fois, rien ne pouvait garantir qu'il ne le ferait pas une nouvelle fois. C'était ce dont j'avais le plus peur, être déçue à nouveau.

Shaze releva la tête vers moi et me regarda avec des yeux baignés de larmes. Je n'aimais pas le voir ainsi, dès qu'il pleurait, et ça n'arrivait que très rarement, mon cœur se brisait dans ma poitrine. Il plongea son regard dans le mien en reniflant.

« Tanya... Je t'aime...

- Shaze... Non... »