L'air frais me fouette le visage. Les pierres tombales m'entourent avec froideur, toutes identiques, sous lesquelles pourtant reposent des corps tous différents. Les oiseaux chantent gaiement, inconscients de l'ambiance pesante qui plane sur ces lieux. Ca sent la nature à plein nez.
Tant de sensations d'un seul coup !
Lorsqu'elle a insisté pour me sortir de mon cocon blanc, j'ai cru que voir la lumière me blesserai, que je me brûlerai les ailes avant même d'avoir pu m'envoler. J'avais tort.
J'ai l'impression de revivre.
Je suis guidée à travers les rangées de morts par ma mère, et elle ne me laisse que voir son carré blond qui danse sur sa tête au rythme de ses pas. J'observe les vagues que font ses magnifiques cheveux, distraite.
Désormais, je peux ressentir, être. Je suis redevenue quelqu'un. Je suis redevenue Clara. Je ne suis plus ce pantin inhumain, je suis une véritable personne. Pourtant, on n'a jamais prononcé mon nom devant moi, et ça a beau n'être qu'un détail, mais je rêverais de l'entendre, au moins une fois, et pas de la bouche d'une illusion. Alors je décide que c'est le bon moment, que c'est l'occasion rêvée.
- Maman, dis-moi "Clara".
Elle se fige brutalement. Elle ne semble pas s'être habituée à ma voix, et l'entendre lui fait toujours le même effet.
- Désolée, je ne peux pas faire ça, murmure-t-elle finalement, en recommençant à marcher.
J'entends alors quelque chose dans sa voix. De la tristesse.
Mon nom l'attriste ?
Je me stoppe brusquement. J'inspire l'air saturé de nature. Si personne ne veut le dire, je m'en chargerai moi-même. J'expire, et dans le peu de souffle qu'il me reste, ma voix encore hésitante murmure alors :
- Clara...
Je ne peux pas finir, je ne veux pas.
Un simple nom.
Un écho.
Je suis là.
Tu es là.
Je me rappelle.
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Je suis seule
Short StoryParfois, je me demande pourquoi. Mais le plus souvent, je ne pense pas. Mon esprit est vide, les heures se succèdent, faisant place aux jours, puis aux semaines. Le temps n'a plus d'emprise sur moi. Est-ce que je regrette ?