XI

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  - T'es toujours aussi jolie, Angelo mio.
  Je le dévisage avec une moue dégoûtée.
  - Change de disque. Tu me l'as assez dit par textos depuis que t'as dégoté mon numéro. D'ailleurs qui est l'idiot qui te l'a donné ?
  - Pietro.
  - C'est vrai. Il est tellement idiot. Regarde-le.
  Nous tournons notre regard vers Pietro et son amie, Lucie, qui tournoie sur la piste de danse entre les autres couples. Non. Pietro n'est pas du tout idiot, surtout pas dans cette situation. Il fait des pas de danse à la perfection et j'aurais du mal à le suivre si j'étais Lucie.
  - Je danse mieux que lui, dit Livio en bombant le torse.
  Je le regarde de haut en bas avant de boire d'une traite le reste de mon mojito.
  - Tu me crois pas ? ajoute-t'il.
  - Bof. T'as plutôt l'air d'avoir deux pieds gauches.
  - Je te montre ?
  - Oui, fais ça. Va te trouver une autre jolie fille pour danser.
  - Ah mais non. Je serai parfait seulement si c'est avec toi que je danse ! Tu me donneras des ailes.
  - J'en ai pas envie.
  - Tu veux un autre verre ?
  Je le regarde alors qu'il tient toujours sur ses lèvres sa risette qui, j'avoue, est plutôt adorable. Est-ce que j'ai envie de me bourrer la gueule même avec un type complètement chiant et lourd à côté de moi ? Une chose : Carpe Diem.
  - Oui.
  Il se lève et se rend directement au bar en mettant sa main dans ses cheveux brun.
  J'ai deux choix pendant son absence : partir d'ici ou rester et boire sans dépenser une seule pièce de mon argent.
  Mais qui hésite entre partir ou boire sans rien dépenser ?
  Je tourne mon regard vers le bar où Livio est appuyé, une fille lui parle en agitant ses mains. Alors qu'il veut payer pour les boissons, elle pose sa main sur son bras et tend un billet vers le serveur.
  Dingue. Je croyais que c'était un mythe les filles qui payent des verres aux gars !
  Je vois Livio hausser les épaules et faire volte-face vers moi. La fille suit l'Italien du regard et quand elle tombe sur moi je lui tend mon pouce pour la remercier. Je regarde ensuite ce que Livio m'a rapporté. Quatre verres de vin.
  - Tu veux me bourrer la gueule ? lui demande-je.
  - C'est une option, répond-t'il comme une évidence.
  - Pas mal.
  J'attrape un verre dont je bois quelques gorgées.
  - Après ça, peut-être que tu voudras danser avec moi, dit-il.
  - Tu pensais juste à ça ? Pas d'autres arrières pensées ?
  - J'ai pas besoin de te faire boire pour ça.
  - Ah bon. Pourtant ça s'est toujours pas fait.
  - Je sais ce que je dois faire. On commence par danser. Après on envisage.
  Je secoue la tête.
  - Est-ce que ça marche avec toutes les filles, ça ?
  - Quoi ?
  - Les surnoms, les compliments, les tendances psychopathe que t'as, tout ça.
  - T'es la seule fille, Angelo mio.
  - Je me demande quelle fille te croirait.
  - Tu veux que je te fasse une démo? Tu sais elles aiment toutes mon accent, parfois je dois seulement échanger quelques banalités pour ensuite avoir ce que je veux. C'est trop facile.
  - Ok. Montre-moi. Mais je choisis la nana que tu dois draguer !
  Il hoche la tête, amusé. Je regarde toute la salle, à la recherche d'un vrai obstacle pour Livio. Je plisse les yeux devant une fille d'une vingtaine d'année qui parle avec ses amies qui rient comme des dindes. Elle a l'air plutôt absorbée par son téléphone portable. Peut-être que Livio aura du mal à attirer son attention vu son addiction. Elle parle avec ses amies sans lever les yeux de son téléphone, un don iné.
  - Elle.
  Je lui montre d'un geste la fille et il fait semblant de réajuster ses vêtements et ses cheveux.
  - Me piège pas ! Tu lui parles pas que je regarde.
  - Jamais je ne te ferai ça. J'ai pas besoin d'un prétexte non plus pour faire ce que je veux.
  - Alors fonce l'Apollon.
  Je le regarde s'approcher de la table des dindes. Malgré mes souhaits, dès qu'il ouvre la bouche, mon poulain lève ses yeux de son téléphone.
  Les autres gloussent encore et la demoiselle ne lâche pas du regard Livio qui arrive à se faufiler à côté d'elle.
  Les dindes discutent entre elles et Livio chuchotent des mots à cette fille. Ok. J'ai compris, il a réussi. Je me tourne vers Pietro et Lucie qui s'embrassent.
  Bon.
  Je fini toute seule les quatre verres de vin en une demie heure. J'ai eu le temps de voir Livio danser avec la fille puis l'emmener plus loin, dehors, sans doute dans sa voiture. J'ai perdue de vu Pietro au bout d'un moment. Je suis seule, en résumé.
Je remarque que Livio a laissé son manteau sur le dossier de sa chaise. Peut-être que je peux emprunter son portefeuille quelques minutes pour encore me bourrer la gueule. Je sors de sa poche ce dernier. Je l'ouvre et tombe directement sur sa carte d'identité. Je m'en doutais il garde son minois de tombeur même sur un document comme celui-ci. Peut-être qu'il a l'air plus sérieux sur la carte. Beaucoup plus séduisant qu'en vrai.
"Livio Del Moro". Un vrai italien, avec la double nationalité en plus. Né à Turin. Ouais, je vais essayé de lui gratter un séjour dans sa maison familiale pour enfin partir autre part qu'à la mer du nord.
Je trouve un billet dans le portefeuille et pars me chercher une bouteille de limoncello.

Ça va faire bientôt deux heures que je suis toute seule. Je sais pas ce que ces immigrés foutent avec leurs meufs mais ça devient long. Je vais quand même pas finir moi-même une bouteille de liqueur ! Je finirai en coma éthylique si ça continue. Je sais même pas ce qui me retient de partir d'ici. Les vieux qui dansaient sont partis et il ne reste plus que des jeunes couples qui pensent bien danser le tango alors que c'est affreux à regarder.
Je me frotte le visage avec mes mains avant de me lever et de sortir du bar. Je passe une cigarette entre mes lèvres pour l'allumer. Finalement, ça me fait du bien ces brises glaciales qui fouette mon visage. Je me rend compte qu'il faisait beaucoup trop chaud à l'intérieur.

Lit Cassé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant