- C'est pas ça... j'ai juste pas le temps. Là. Maintenant. Je suis occupée.
- C'est ce que tu me dis toujours, dit-elle comme pour me sermonner.
- T'aurais voulu quoi ? Avoir un gosse pas capable d'avoir un job stable ? Pire, un gosse encore chez toi à vingt ans ?!
J'entends ma mère souffler à l'autre bout du réseau. Je tire une bouffée de la cigarette en regardant par la fenêtre de mon immeuble où j'aperçois Tom avec sa nouvelle copine rire ensemble.
- Je ne t'ai pas laissé partir de la maison pour n'en faire qu'à ta tête et ne plus venir me voir.
- Je suis partie parce que j'en avais marre de vous tous. J'ai pas eu besoin de ton avis, j'avais décidé moi-même de partir. Je t'ai rien demandé, je t'ai rien promis en habitant ailleurs. T'as pas de reproches à me faire.
- Mais je te demande seulement de venir à la maison pour les fêtes !
- Et je t'ai répondis un tas de fois que je pourrai pas ! Je m'en fou des fêtes, c'est morbide tout ça.
- Évidement. Pour toi, tout est "morbide", "c'est morbide, ils sont morbides, ma vie est morbide et nulle"...alors suicide toi !
- T'es complètement tarée. Tu me dis ça depuis que j'ai quinze ans. T'es toujours là, a me lancer les mêmes phrases, tu t'arrêtes jamais. Toi, va te suicider.
- Moi je vais très bien.
- Mais moi aussi !
- Pas du tout. Tu es toujours chez toi ou au travail, tu ne...
- Je me sens bien comme ça, la coupe-je. Si tu comprends pas ça sert à rien de continuer de se parler.
- Frida...
- Dans trois secondes je raccroche.
Je sais pertinemment ce qu'elle va me ressortir. Elle fait ça toujours et commence à coup sûr par "Frida...".
- Tu ne peux pas t'en fermer comme ça, tout le temps, sous prétexte que...
Je raccroche.
Vieille folle.
- Eh, Tom ! crie-je.
Il relève la tête en même temps que la fille à ses côtés.
- T'aurais pas des épices ? lâche-je.
Sa copine me dévisage tandis que Tom sourit avec moi. Il embrasse la fille sur la joue et lui murmure quelque chose avant de rentrer dans l'immeuble. Peu de temps après il rentre dans mon appartement et se jette sur mon canapé. Je m'assois à côté de lui et lui arrache des mais le petit pochon en plastique. J'examine les contenu en plissant les yeux. Tom récupère l'herbe en soufflant :
- C'est bon, je me suis fait avoir qu'une fois.
- C'est déjà de trop.