Action ! (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)

Prologue.

" Le coup le plus rusé que le diable ait jamais réussi, c'est de faire croire à tout le monde qu'il n'existait pas. " - Usual Suspects, Bryan Singer.

Madrid, 2 octobre 1992.

La gifle. La première d'une très longue série. Elle arrive sans prévenir et son impact est destructeur. Quel est le pire finalement ? La brutalité pure ou la violence morale ? Lorsque les deux s'entremêlent, le résultat qui s'ensuit n'est jamais glorieux.

Álvaro hurle sa détresse de petit garçon incompris pendant que son père ne cesse de le ruer de coups pour obtenir le silence. Le chahut de ses pleurs s'associe rudement avec le bruit que provoque la paume de son patriarche contre sa peau. Malgré la douleur, il ne lutte pas, il encaisse les corrections. Son esprit s'encombre de questions sans réponses et de remises en cause. Sa confiance s'effondre pendant que son insouciance d'enfant se métamorphose en méfiance absolue. La chenille devient papillon, prématurément.

Madrid, 15 septembre 2005.

Le troquet du coin n'a plus aucun secret pour Pablo si bien qu'il y a élu domicile depuis plus de dix ans. Ce jour-là et comme tous les autres, il s'y arrête pour faire le plein. L'ivresse le possède totalement après une quinzaine de verres enfilés. Cet effet qu'il aime follement ressentir n'a de cesse de faire accroître sa dépendance. Alors après avoir purgé son manque, Pablo se décide enfin à rentrer dans son taudis qui lui fait office de logement.

Pablo ne sent plus l'odeur nauséabonde qui règne dans son appartement. Il n'est même plus alerté par le nombre incalculable de cadavres de bières qui surplombent les meubles. Il titube faiblement dans le couloir en se tenant aux murs décrépis pour ne pas chuter. Le raffut qui provient de la chambre de son fils l'interpelle pourtant.

— Álva ! Qu'est-ce que tu fous bordel ?! beugle-t-il en serrant les dents.

— Je me tire papa.

L'homme voit rouge, ainsi son regard embué par le vin bon marché, se fronce littéralement. Il s'empresse comme il peut de se rendre dans la chambre de son fils, bien surpris de le voir enfouir ses vêtements dans une grande valise noire. Il sert le poing et Álvaro sait tout à fait ce que cela signifie. Cependant, à force de vivre avec un débauché, le jeune homme a appris à jongler avec tous les vices. Il n'a plus peur.

— Tu vas dans ta putain d'école, c'est ça ?! C'est hors de question petit merdeux. Tu restes ici, avec ton père ! hurle Pablo dans une colère indomptable.

— Tout à fait. Je vais dans cette putain d'école, comme tu dis.

Álvaro clôt fermement sa valise qu'il tient désormais dans l'une de ses mains tremblantes. L'adrénaline prend le dessus sur ses craintes maintenant qu'il est bien décidé à quitter pour de bon cet enfer sur terre.

— Pour devenir réalisateur, hein ? Toi ? Putain de merde Álvaro, je t'ai déjà dit que tu ne valais rien ! ironise son père dans un rire narquois.

— Nous en reparlerons papa. À bientôt.

— Non, Álva ! Tu restes ici bordel !

L'ivrogne tente tant bien que mal de retenir le jeune homme en lui attrapant le poignet, malgré son ébriété handicapante. Cependant, pour une fois, c'est Álvaro qui possède l'avantage. Il dépose alors dans un geste calme sa main sur celle de son père en figeant son regard dans celui de son bourreau.

— Tu as décidé de te murer dans une vie de débauche, c'est ton choix. Mais laisse-moi vivre la mienne différemment. Puis regarde-toi papa, tu es pathétique.

Pablo marmonne des mots inaudibles, bien surpris par l'attitude de son fils qui ne l'a jamais contré auparavant. Le jeune homme quitte enfin sa chambre d'enfant meurtri pendant que son père le suit en hurlant sa furie comme jamais. Dans un geste de dépit, il laisse alors son corps ivre et faible s'écrouler contre le parquet du couloir. Il ne lâche pas du regard Álvaro qui s'échappe de l'appartement définitivement.

Pourtant, ce que Pablo n'a pas pu discerner, c'est que pour une fois, son fils a arboré un sourire satisfait.