Chapitre 6. Les vieux démons.

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" C'est comme ça qu'on voit si on se plaît avec une personne, quand on peut se taire tout à fait, au moins une minute et profiter du silence. " - Pulp Fiction, Quentin Tarantino.

Point de vue de Daria.

La nuit tombe dans un crépuscule majestueux qui surplombe l'entièreté de la ville. Les lampadaires s'allument un à un, à la manière de dominos qui s'écroulent. Dans un éclat chaleureux, les lumières artificielles clarifient les rues pendant qu'un léger vent vient me caresser les joues. Face à ce spectacle, les complications de la journée semblent s'évanouir pour me laisser ce fameux répit tant désiré. Empressée, Camila m'entraîne avec elle à l'intérieur du bar élu par ses soins.

Nous ne tardons pas à nous installer à l'unique table restante. D'une humeur festive, la jolie blonde aux yeux émeraude s'empresse de claquer son verre contre le mien. Nous partageons ce même sourire complice qui ne nous a pas quitté depuis notre entrée dans l'un des endroits les plus réputés de Séville. Dans un élan d'impatience, je m'empresse d'ingurgiter les premiers effluves de ma Tequila Sunrise.

— Alors, heureuse ? lance-t-elle en secouant ses épaules au rythme de la musique de fond.

— Ah, si tu savais à quel point ça m'avait manqué, soufflé-je après avoir avalé quelques gorgées généreuses.

À travers la vitre qui donne sur la terrasse bondée, j'aperçois un groupe de jeunes femmes sourire en direction de Camila. L'intéressée leur répond d'un vif geste de la main en arborant une mine joviale.

— Tu les connais ? demandé-je en mordillant ma paille.

— Oui, je les ai rencontrées lors de la soirée chez Manuel, pendant que tu fricotais avec Rafael. D'ailleurs, il prévoit la revanche ce soir. On termine notre verre et on y va ? Elles vont venir avec nous.

— Hors de question que j'aille m'amuser avec ces pimbêches et encore moins chez l'autre abruti, répliqué-je en secouant la tête. Tu as tout prévu sans m'en parler ? Tu sais très bien que je déteste ça.

Le poing de Camila se serre contre la table tandis que je surprends son visage se raidir. Je perçois un soupçon d'exaspération dans son attitude. Elle soupire durant de longues secondes puis plonge son regard accusateur dans le mien.

— Qu'est-ce qui te prend à la fin ? s'agace-t-elle. Tu n'aimes personne et tu refuses en permanence les nouvelles rencontres, c'est lourd. Tu veux faire quoi alors ?

— On est très bien ici, je ne vois pas pourquoi tu veux aller à cette fichue soirée, affirmé-je sèchement.

— Parce qu'on peut retrouver les autres et passer un bon moment avec eux !

— Ne m'emmerde pas, je viens de te dire que c'était non, assuré-je sur un ton ferme.

Ses yeux me fusillent sur place dans une rancœur tout à fait lisible. Jamais elle n'a osé m'affronter de la sorte et j'ignore pourquoi elle tente de se frotter à mon mauvais caractère. Un silence religieux s'empare de nous, tandis que je tourne mon visage en direction des guirlandes lumineuses qui bordent les poutres apparentes. Je n'ai aucunement l'envie de supporter les insistances ni même les accusations de ma colocataire.

— Parfait, et bien tu n'as qu'à rester ici, reprend-elle en frappant violemment contre sa cuisse. Moi, j'y vais et ça ne m'empêchera pas de m'amuser sans toi Daria !

— Camila, attends, soupiré-je.

La jolie blonde se lève d'un bond, attrape sa veste en jean et s'empresse de quitter l'établissement à vitesse grand V. À travers la baie vitrée, j'observe sa silhouette élancée s'éloigner dans la nuit, sans scrupule. Mon regard dévie sur le cocktail à peine entamé ainsi que sur la place vide face à moi. Je déglutis pour noyer la boule dans ma gorge, tandis que je dépose mes coudes sur la table. Qu'est-ce qui vient de se passer ? Jamais les choses n'ont dérapé de cette façon.

Action ! (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant