Chapitre 7. Addictions.

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" Sais-tu que la vie est le cauchemar de ceux qui la rêve ? " - Apocalypse Now, Francis Ford Coppola. 


Point de vue de Daria. 

Mon professeur semble se délecter de ressentir la fumée l'enivrer enfin. À chaque bouffée, j'imagine les méfaits de la nicotine s'infiltrer vicieusement dans son être. Il semble être totalement sous l'emprise de ce grigri dévastateur et intérieurement, je trouve cela plutôt triste. La dépendance est une notion que j'ai bien du mal à saisir. 

— Alors comme ça vous fumez ? 

Álvaro Delgado est adossé à la baie vitrée du bar, une main dans la poche et l'esprit visiblement loin. Ses yeux fixent le trottoir d'une vive intensité, comme s'il analysait la qualité du goudron. 

— Excellent sens de la déduction, ironise-t-il, la voix tamisée par la fumée errante dans sa gorge. 

Sous la fraîcheur qui accable mes épaules, je croise les bras contre ma poitrine, raidissant mon corps. Manifestement, le grand brun possède une vaste collection de réparties sous le coude. J'inspire et expire bruyamment avant de le rejoindre en claquant mon dos contre la vitre. 

— L'odeur du tabac sur vos vêtements n'incommode pas trop votre femme ? demandé-je pour en savoir davantage à son sujet.

Un sourire surpris s'impose sur les lèvres de monsieur Delgado. Une nouvelle fois, j'ai touché sa corde sensible. Les éclairages publics éclairent timidement le profil de son visage, tandis que je l'analyse sans retenue. 

— Qu'est-ce qui te fait penser qu'une femme partage ma vie ? 

— Je n'en sais trop rien. Il y a une marque sur votre annulaire, visiblement l'empreinte d'une alliance, je me trompe ? Je me suis simplement dit qu'il était possible qu'une femme puisse avoir partagé votre vie récemment. 

Il émet un rire presque inaudible avant de poser son regard sur ledit doigt marqué. 

— Tu commences à me faire peur, plaisante-t-il en secouant légèrement la tête. 

— Je veux bien le croire, mais vous ne répondez pas à ma question. 

Ses lèvres pincent vigoureusement le filtre de sa cigarette. Dans un silence particulier, il pose son entière attention sur moi. Il fait vagabonder ses pupilles de part et d'autre de mon visage, comme s'il cherchait à faire parler ses yeux à sa place. Pour la première fois, il m'intimide férocement et pourtant, je ne bronche pas, je reste stoïque face à lui, pour ne rien laisser transparaître. 

— J'ai été marié oui. J'ai divorcé il y a quelques mois de ça, après huit ans de relation, explique-t-il sans me lâcher du regard. 

— Vous trouvez ça déplacé si je vous demande pourquoi ? 

— Carrément oui, affirme-t-il dans un léger sourire. Disons que j'avais certaines fâcheuses habitudes envahissantes et que nous n'étions plus sur la même longueur d'onde. 

— C'est peut-être un mal pour un bien, vous ne pensez pas ? 

— Sûrement oui. 

Je fronce les sourcils, sans rien ajouter de plus. J'ignore ce qu'il veut dire lorsqu'il évoque ses fameuses habitudes, cela peut signifier tellement de choses, mais j'en ai trop demandé pour insister davantage. J'ai bien peur qu'il finisse par me prendre pour une psychopathe avare d'information. 

— En tout cas j'ai le sentiment que tu vas un peu mieux, non ? lance-t-il en écrasant le mégot sous sa chaussure. 

— Oui ça va, j'ai réussi à relativiser un peu. 

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