Chapitre 4. L'araignée.

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" Sans toi les émotions d'aujourd'hui ne sont que la peau morte des émotions d'autrefois. " - Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet.



Point de vue de Daria.

Le temps s'est figé comme une horloge en panne. J'ai même l'intime sensation que depuis la réception de ce message, le monde continue de tourner sans moi. Je perds pied dans cette mer agitée, ce qui va certainement finir par entraîner ma noyade.

Oui, voilà, je vais me noyer.

L'image de ma mère se dresse dans mon esprit comme un étendard. Sa bûche de noël, ses yeux rieurs et sa délicate eau de toilette. Tout me revient en mémoire comme une Madeleine de Proust dévastatrice. Pourtant, je refuse d'aborder la réalité dans les yeux. Sa maladie. Cette vilaine araignée qui a tissé sa toile dans un recoin de sa boîte crânienne. 

— Daria !

Je sursaute avant de me tourner vers la voix qui m'interpelle à travers le vent. Je pivote alors sur le banc en marbre pour me lever. Sa silhouette me rejoint à vive allure tandis que je me perds dans l'intensité de ses yeux perçants.

— Laisse-moi Rafael. J'ai besoin d'être un peu seule.

Étrangement, ma voix est douce et sereine. Le blondinet secoue la tête de droite à gauche, bien peu convaincu par ce besoin de solitude. Il me fait face, ne tardant pas à déposer ses deux mains à plat sur mes épaules tremblantes. Je perçois son inquiétude à travers sa mine abattue et son regard bienveillant.

—  Il se passe quelque chose  ? Parle-moi Daria. S'il te plaît, parle-moi, répète-t-il en penchant son visage sur le côté.

Je baisse la tête, n'ayant aucunement la force d'affronter son regard sur moi. Notre silence monastique se brise dans une condition particulière et cela me tord les tripes de lui adresser la parole pour un fait aussi particulier.

— C'est adorable de ta part, vraiment. Seulement, je ne veux pas t'ennuyer avec mes histoires. Ne t'en fais pas, ça va aller, dis-je sans grande conviction.

— Arrête, ne dis pas de conneries. Tu sais très bien que tu ne m'ennuies pas. Ce n'est pas parce qu'on ne se parle plus que je t'oublie Daria.

Je relève immédiatement mes yeux vers les siens. Il me dit enfin ce que j'attendais. Mon cœur tambourine dans ma poitrine pendant que je laisse mes pupilles parler pour moi. Je n'ai pas la force de me livrer, pas aujourd'hui.

— Ça me rassure de te l'entendre dire, soufflé-je.

— Il fallait que je prenne du recul, j'avais du mal à affronter ton regard après ce qu'il s'est passé. Il fallait que je fasse le point sur ce que je ressentais réellement pour toi, j'espère que tu peux comprendre ça, annonce-t-il tendrement.

— Alors ? Quel est le point que tu en fais ?

Bon sang, va au bout des choses.

Ses lèvres s'entrouvrent, il s'apprête à me répondre. Ses joues deviennent plus rosées et ses yeux rejoignent le sol alors que je tente de lire à travers ses réactions.

— Oh, Daria ! Qu'est-ce qui te prend de sortir de classe comme ça ? Ça ne va pas ?

La voix de Camila interrompt nos confessions subitement alors que nous arrivions au moment le plus croustillant. Les mains de Rafael glissent le long de mes bras ballants avant qu'il ne fasse un pas en arrière. La déception se lit sur sa mine gênée et je l'imite immédiatement dans cette attitude.

Action ! (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant