Chapitre 2. Les symptômes.

1K 156 175
                                    

" Les choses qu'on possède finissent par nous posséder. " - Fight Club, David Fincher.


Point de vue d'Álvaro.


Les talonnettes de mes chaussures en cuir claquent vigoureusement contre le parquet. Voilà donc l'unique bruit qui règne en maître dans le couloir central de l'école. Je me sens surpuissant et malgré moi, un sourire satisfait se dessine sur la comissure de mes lèvres. Je trimbale fièrement un petit cartable en cuir usé dans ma main gauche, me dirigeant d'un pas assuré vers la salle des professeurs. Sur le chemin, je croise quelques élèves à qui j'envoie un petit hochement de tête en guise de salutations. Je commence sérieusement à prendre goût à ce rôle de jeune professeur.

J'ouvre la porte grinçante qui donne sur le fameux local privé des enseignants et j'y insère premièrement une tête histoire de voir si je dérange. La pièce est vide et silencieuse, seul le bruit d'un vieux ventilateur se fait subtilement entendre. L'endroit n'est pas spécialement grand ni même chaleureux, l'atmosphère y est même presque lugubre. J'entre à pas de loup en ne tardant pas à m'asseoir à la table centrale. Il fait une chaleur étouffante. J'ignore si c'est l'angoisse du premier cours qui m'a donné autant de sueurs froides, mais je suis carrément transpirant. Je m'empresse ensuite de sortir l'intégralité des copies récoltées durant le cours précédent, bien en hâte d'y jeter un coup d'œil. L'idée d'argumenter sur un film coup de cœur a véritablement inspiré les élèves à en voir les pavés qu'ils m'ont pondus. J'inspire un grand coup avant de me plonger dans toutes ces rédactions, armé d'un stylo rouge.

— Bonjour.

Bordel de merde.

Mon sang ne fait qu'un tour pendant que je sursaute sur ma chaise en relevant la tête vers la personne qui vient de me m'offrir une sacrée trouille. Visiblement, cela fait bien rire l'homme en question.

— Álvaro, c'est ça ? Excuse-moi si je t'ai fait peur, je ne vais pas t'embêter longtemps, je viens seulement prendre un café. Je suis Ricardo Sánchez, le professeur d'interprétation théâtrale.

Je m'empresse alors de me lever pour serrer la main qu'il me tend. Je m'efforce de lui envoyer un sourire de façade, le cœur encore bien palpitant suite à cette petite frayeur. Sa poignée de main est si ferme qu'il me broie carrément les doigts. J'ai affaire à un homme d'une quarantaine d'années, bien plus petit que moi, le crâne chauve et une allure proche de celle d'Hercule Poirot. Manifestement, c'est un sacré personnage.

— Álvaro Delgado. Le nouveau professeur d'analyse filmique. Je suis désolé, j'étais si concentré que je ne t'ai pas entendu entrer.

Je ris un peu avec lui, me détendant enfin. Mes fesses se plaquent de nouveau contre la chaise inconfortable, pendant que je l'observe du coin de l'œil se verser un café. Ce parfum robuste d'arabica que je ne supporte pas me caresse pourtant délicatement les narines pendant que je tente en vain de me remettre au travail.

— Tu as donné ton premier cours à l'instant, non ? Alors, comment ça s'est passé, pas trop difficile ? Les élèves de première année sont souvent les plus chiants à gérer.

Il s'assied face à moi, un journal dans une main et une tasse à l'effigie de Charlie Chaplin dans l'autre. Je relève alors le visage vers le sien, soulevant les épaules suite à sa question.

— Ma foi, ça s'est bien déroulé. Ils ont été plutôt réceptifs à mon cours.

Je lui envoie un léger sourire. J'ai comme l'intime impression qu'il n'en a pas encore terminé avec ses questions. Mon travail de correction risque d'attendre quelques minutes. Je pose donc mon entière attention sur lui, jouant avec mon stylo que je fais nerveusement rouler entre mes doigts.

Action ! (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant