Convoité...

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Les lieux ne manquaient de rien sauf la confortabilité pour moi. Je me trouvais assis entre deux chaises, incapable de savoir où poser mes pieds. Diable, pût être ce destin! Il fallut que dans de centaines d'hôtels que je tombasse dans celui où Daouda était le patron. Qu'allais-je faire dorénavant ? Simplement démissionner, il était hors de question de penser à rester dans les parrages.  Peut-être allais-je continuer si seulement il pivotait son attention autre que sur moi! Je n'arrivais toujours pas à croire, à me convaincre que c'était lui. Depuis sa rencontre, je m'etais éloigné de la fête et restai au deuxième étage, à un coin où je pouvais voir tout le monde sans risques qu'on m'apercevît. Je le vis le regard troublé défilé partout, à coup sûr il me cherchait, il devait être lui aussi très consterné par cette découverte. Je le sentis lorsqu'il m'a serré le bras, le chef de service avait tenu à lui présenter tous les membres de l'équipe. A mon niveau, mon pouls tresaillit ; aucun mot ne sortait, nos regards étaient plutôt assez expressifs, il y'avaient ces circonstances où les yeux sont plus loquaces que la langue. Son regard était tendre mais dégageait de la malice que j'en frissonnasse! Notre échange mains dura quelque temps sans interruption à telle enseigne que ça dût intriguer tout le monde, il reprit ses idées en se rendant compte de sa grande bévue. Si seulement à cet instant, je pouvais vendre mon âme et mon corps ainsi que donner toute fortune simplement pour me retrouver sous terres, je n'allais point hésiter. La présentation terminée, je fus réfugié en haut et je priais la valse rapide des heures pour la clôture de la fête. Pendant ce temps, je sortis mon livre pour tromper le temps. Depuis un moment, j'avais pris la lecture comme une amie, cet être qui noie mes peines et solitudes. J'avais cette impression, cette immense remarque que je grandissais à chaque contact avec elle. La lecture élève comme la musculation crée des biceps, une écrivaine que j'adore en parlait : Puissance des livres, invention merveilleuse de l'astucieuce intelligence humaine. Signes divers, associés en sons, sons différents qui moulent le mot. Agencement de mots d'où jaillit l'idée, la pensée, l'histoire, la science,la vie. Instrument unique de relation et de culture, moyen inégalé de donner et de recevoir. Les livres soudent des générations au même labeur continu qui fait progresser. Ils te permettent  de te hisser, ce que la société te refuse, ils te l'accordent.
  Je m'etais dorénavant acoquiné à cette amie, elle me sauva de ma sollitude... J'entendis un bruit claqué derrière moi, je retournai et je vis Jojo,mon collègue de service, arriver. Je l'avais évité depuis le debut et j'esquivais le chemin qu'il empruntait. Il était grand et embonpoint avec les formes plantureuses qu'on souhaitait chez une femme. Il en était fier au point de se dehancher en marchant avec tellement de vulgarité . Il avait cette détestable manie de rouler les yeux en s'exprimant et de balancer ses mains : j'étais de loin de pouvoir le supporter.
   -  Ah tu as de quoi te cacher hein, yaw rek  !!

Je le considérais de haut en bas en escamotant mon sentiment de dégoût. Ses bottes avait des talons de quelques centimètres qu'il aimait claquer en marchant, la chose était qu'il aimait se faire voir et le chef lui avait reproché cette habitude. Il fallait être aveugle au summun et sourd pour ne pas savoir qu'il était un homosexuel. On le savait aguicheur aux visiteurs et il disparaissait souvent du service , je le voyais monter souvent en catimini ou desfois il pretextait amener des plats en haut. Dieu seul savait ce qu'il savait mais rien de bon ne s'augurait.

- Que veux-tu, Jojo?

-  Je voudrai savoir pourquoi tu me fuis? Suis-je répugnant?

   Je gardais le silence et m'ingeniais à me concentrer derechef sur mon bouquin. Il me l'arracha en faisant des mimiques qui réclamaient virilité
  - Cherif, tu sais qu'au début tu me plaisais beaucoup. Mais au fur du temps, j'ai su que je te convenais pas et que jamais ça allait être comme je l'aurais voulu.  Donc écoute, tu ne laisse personne indifférent dans cet hôtel, et j'ai bien même vu comment le patron t'a maté tout à l'heure et lui je l'avais toujours soupçonné. Tu sais, on pourrait se faire une montagne d'argent et même avoir plus que cet hôtel, il suffit juste de sortir de ta carapace, le monde nous appartiendra.
    Je le scrutai avec beaucoup de dédain et ma pomme d'Adam sauta par cet affront. Comment avait-il osé , sans porter de gants, me proposer ces choses indécentes? Je concoctai dans ma tête une réponse sanglante qui le ferait fuire toujours à vie, finalement je décidai d'opter pour le silence. On le dit  les imbéciles, on les réponds par le silence.  
  Ce débat n'avait pas à faire long feu, je me levai et cherchai mes bagages puis rentrai avant même que la fête se terminat. Je pretextai migraine.
    J'arrivai vers 2h du matin chez moi , rattrapai mes prières perdues puis tombai dans les bras de Morphée. Je me levai à la prière de Fadjr  pour la mosquée et j'en profitai pour aller voir mon oncle à son lieu où il mendiait vu que je n'avais pu le voir la veille. Je le trouvais assis le regard sans conviction tout coit.  Son visage epousa une vive joie quand il me vit,  il appela les autres handicapés comme d'habitude en criant "  Venez voir, mon fils est là, venez voir, il est là, il est venu me voir ''  d'un ton triste avec les larmes qui sortirent de leurs refuges. Cela avait toujours don de m'attrister , je le saisis entre bras et l'embrassai au front. J'avais plus que mal pour lui de le trouver dans un pareil état qui avait l'air d'empirer à chaque jour, son handicap était irrémédiable. Je garai ma moto tout près et l'embarquai ensemble dans un taxi. J'avais une surprise pour lui , on arriva à Ouest Foire et je l'aidais à descendre. Heureusement que la chance m'avait souri, j'avais pu négocier un appartement bien placé qui était au rez de chaussée et très bien aménagé.
   - Oncle, voilà ta nouvelle demeure. Tu pourras rester ici pour longtemps, je te trouverai ce soir une bonne qui s'occupera très bien de toi .
     Son regard parcourut les lieux et arrivèrent vers moi tout inondés, il sauta de sa chaise roulante et rampa droit vers moi. Je m'inclinai et l'aidai à se relèver, il sauta sur moi en pleurant. Je le comprenais en le rassénérant.
  - Mon fils, je ne mérite pas tout cela, toi plus que quiconque le sait. Tu devais être, dans les normes, la dernière personne qui devait venir à mes rescousses. Mais tu en es la seule et la première personne. Je t'ai tant fait du mal et spectateur de toutes les brimades contre toi. Je suis profondément écoeuré,  Sou gathié done rayé dé na bou yag  . Mon fils,  Balma akk.
    Je le serrai dans mes bras en lui priant de se libérer de ces pensées noires. Je l'avais pardonné depuis le soir où je l'avais vu abandonner par sa femme qu'il avait tant chérie.  L'avenir d'un homme dépend du choix de sa femme : si elle est bonne, toute sa vie sera parfaite. Si le choix porte sur une mauvaise femme, il pourrait se préparer pour une aventure malheureuse . Seule la femme a cette forte influence sur les choix de son époux ; on demande chez la femme à ce qu'elle soit une  Diéguou Pousso, autrement dit une femme à aiguille qui lie et coud les relations de la meilleure manière afin de créer et de maintenir la concorde entre tous les membres de la famille.  Une femme qui décide de désunir arrive souvent à sa fin si l'homme est férue d'elle, parce que la chambre  matrimoniale est étroite et surtout elle  influe. La femme en est la maîtresse ; on dit en Wolof  ' Kou teudd ak Seu Ndiéganiay '  ce mot traduisant le coussin en langue française pour simplement signifier que couché, le  coussin nous aide à mieux méditer. Quand on est marié, la femme devient notre coussin ; la nuit ne porte plus conseil, c'est pendant la nuit que la femme porte conseil à son mari. Tout tombe dans l'oreille de l'homme pendant les profondes confidences et ébats , cela entre comme des vérités, comme un être hyptonisé à tout croire. Quelle puissance l'homme pourrait avoir pour résister aux dires et aux conseils de sa très tendre femme qui use de son charme pour faire ancrer dans sa tête des vérités ou des contre-vérités ?
  Mon oncle était victime de la sorcellerie de cette pimbeche, j'avais bon flair mais j'étais incapable de faire quoi que ce soit pour empêcher ce mal. Je quiitai l'appartement et lui promis de revenir, je partis prendre ma moto et entrepris de rentrer. Notre chef de service m'appela pour que je passasse tout de suite à l'hôtel. Je pris l'autre direction opposée et arriva quelques minutes après. Je le trouvais dans la salle qui me sourit et vint à ma rencontre.
   - J'ai une très bonne nouvelle, figure toi qu'à partir d'aujourd'hui, tu travailleras plus dans l'hôtel.
   Je fis des soubresauts et pris un écart pour analyser à nouveau ses mots débités
   - A partir d'aujourd'hui, tu travailleras chez le patron Monsieur Diop comme chef cuisinier, tu auras une très bonne paie  , me sourit-il avec toutes ses dents.
      Cette nouvelle paralysa tout mon corps, je restai bouche-bée incapable de formuler mot. C'était une machination, je mettrai ma main à couper. Sinon parmi 30 employés du service, comment pouvait-on me choisir? Un gosse sans  beaucoup d'expérience ?
   Ce fou me félicita et me dit que je me preparasse ce soir, qu'il allait me présenter la maison du boss. Je le remerciai puis sortis l'air dépité, l'humeur noircie. Je rentrai directement et m'enfermai dans ma chambre. Ce vieux ne perdait pas vraiment de temps, devais-je continuer? Comment allais-je travailler chez lui sans qu'il ne cherchat à me poser un guet-apens? Je me rappellai m'endormir face à ses milliers d'apprehensions qui m'envahissaient. J'avais beaucoup dormi, énormément, en me réveillant je vis la chambre sombre et j'entendis  Cheikh, l'aîné de la famille, récitait le coran, je fis vite les ablutions et priai puis sortis le rejoindre. Il me sourit en clôturant sa récitation et me discuta très aimablement comme d'habitude, on parlait de religion et de la vie.
- Dis, toi! Je t'ai jamais entendu réciter une seule sourate, tu es à quel niveau?
  Je lui expliquai que j'avais fait l'école coranique mais que je n'avais pas beaucoup eu de l'avancée dans le coran mais quand même j'en maîtrisais certaines. Il me promit de m'en apprendre et me demanda au moins d'en réciter une. J'hesitai, pris du souffle et la première sourate qui me vint à l'esprit fut la sourate Al-Qadr  , la destinée. Je débutais et je me sentais renaître, cela faisait longtemps que j'avais pas psalmodier à haute voix ces versets. Je me sentais vivre, je nageais dans ces versets et les souvenirs de mon Daaraa refirent surface et défilèrent à mes yeux. Mes larmes se deverserent et enroulèrent ma voix, je poussais à nouveau de ces paroles saintes pour me degager de ces souvenirs mais plus que je voulais m'en débarasser plus ses images me ligaturaient. Je m'arretais et je vis Cheikh les yeux ecarquillés et pourvus de larmes. Je me torchais les yeux avec mes mains et partis lui trouver un mouchoir. On se calma sans échanger de mots et au moment  prendre congé de sa chambre, il me promit n'avoir jamais entendu une si belle voix de sa vie et que je respectais la lecture comme il le fallait et qu'à partir de cet instant, je n'allais plus le priver de cette délice. Cela me fit sourire et je rejoignis ma chambre en me plongeant dans la lecture pour tromper ces souvenirs qui m'etouffaient. Une trentaine de minutes plutard,  Kira Fall la fiancée de Cheikh arriva toujours aussi radieuse en me procurant un sourire attristé. Elle dégageait tant de splendeur et de beauté, je la comparais à un ange. Elle vint me saluer
  -  Puis-je?
Je lui souris en la faisant s'asseoir sur mon lui et lui demandai ce qui se passait. Elle me jeta un regard timide et fuit furtivement,  je posai ma main sur la tienne pour la rassurer, elle la retira comme prise de peur.

-  Kira, tu vas bien? Lui demandai-je

- Oui sauf que Cheikh a l'air pas bien. Je lui ai demandé ce qui se passait, il me retorqua qu'il n'a été jamais aussi ému de sa vie et m'a fait part de ta récitation. Je voulais te féliciter, j'ai toujours été fier de toi, tu sais.

    Cela me toucha énormément,  elle se leva et me tint les tempes affectueusement puis me fit une bise au front et pivota ses lèvres frebileuses au niveau des miennes et m'embrassa.

Deux puces ( Tom 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant