De corvée de table

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"Monsieur Dumet. Es-tu conscient de ce que tu as fait ?
Je répondis à contre coeur.
-Oui, monsieur.
-Et es-tu au courant de la punition que tu vas reçevoir pour ce genre de comportement ?
-Oui, monsieur.
-Corvée de table pendant tout un mois, jeune homme. Que je ne revoie plus de ça dans mon établissement.
-Oui, monsieur." À lui aussi, j'avais envie d'en flanquer une. L'air condescendant de Monsieur
Maurell était tout sauf supportable. Je n'avais hâte que d'une seule chose, c'était de sortir de son bureau. Il eut encore une dernière remarque à me faire :
"Le nez de Monsieur Smith n'est pas cassé, Dieu merci, mais j'aimerais que vous alliez à l'infirmerie pour vous excuser." Je fus triste pour Matt, car je savais qu'il ne voulait pas vraiment me faire de mal, mais son acte était tellement impardonnable à mes yeux que j'eus du mal à accepter la requête du directeur.
Une fois devant la porte de l'infirmerie, il me fallut quelques instants avant de pouvoir toquer. Je ne savais ni quoi dire, ni même quoi penser, et je savais que j'étais trop blessé pour le pardonner, mais aussi trop attaché à lui pour lui refaire du mal en le laissant seul face à ces tyrans d'élèves. Une femme d'à peu près quarante ans, avec un air très doux mais un nez un peu trop gros pour son visage, et une blouse blanche avec une étiquette sur laquelle il était brodé "Lilianne" en police cursive rose, ouvrit la porte. Elle ne dit aucun mot, mais sembla comprendre la situation immédiatement : deux amis blessés étaient sur le point de se réunir. Presque religieusement, elle m'indiqua le dortoir dans lequel se trouvait Matt, et se retira dans son bureau. Timidement, j'ouvris la porte. De l'autre côté se trouvaient trois lits, deux d'entre eux faits, et le troisième, le plus proche de la fenêtre, hébergeant mon ami. Ni lui ni moi n'osions regarder l'autre, alors je m'allongeai dans le lit le plus proche du sien. Nous restions ainsi pendant ce qui me sembla être des heures, avant que Matt se décide à briser le silence.
"Tu as une sacrée droite" Dit-il. Je pouffai de rire, et il me rejoignit, vite interrompu par un petit gémissement de douleur. De nouveau le silence.
"Charlie, je suis tellement désolé. Je voulais vraiment pas faire ce que j'ai fait, c'était con et méchant, j'aurai dû me taire.
-Matt...
-Non. C'était pas juste de ma part de révéler ton secret à tout le monde comme ça. C'était égoïste, je voulais juste retirer l'attention qu'il y avait sur mes épaules et-" Je l'interrompis.
"Ferme la Matt, j'ai été con aussi.
-C'était pas de ta faute...
-Dans ce cas, c'était pas de la tienne non plus." Je tournai enfin la tête vers lui, et il fit de même. Je pus alors observer les dégâts que j'avais laissé sur son visage. Son nez était fendu en haut, ensenglanté et gonflé de partout. C'était à son oeil droit qu'on pouvait voir qu'il avait pleuré, car il était bouffi et larmoyant, alors que le contour de son oeil gauche était presque aussi bleu que ses cheveux. À cette image, je m'en voulut.
"Ça ne te fait pas trop mal ?
-On fait avec, freak." Je rigolais de nouveau. Bizarrement, mon esprit si agité avant d'entrer dans la pièce était devenu paisible et sûr de lui. Tant que j'avais Matt à mes côtés, tout allait bien se passer.
"Ça va être encore plus dur, du coup, au lycée.
-Ça, c'est clair. Dit-il.
-Mais... On est là l'un pour l'autre, non ?" Un autre silence.
"Bien sûr. Toujours."

Charles DumetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant