L'énergumène

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La toute petite pièce qui me servirait de chambre était divisée en deux parties. À droite se trouvait un lit, simple et dénué de draps, surplombé par une étroite armoire en chêne. De l'autre côté du sommier, à côté de l'entrée d'une minuscule salle de bain, munie seulement d'une douche, d'un lavabo et d'un WC, il y avait un petit bureau, ainsi qu'une chaise taguée par les élèves et visiblement sur le point de se briser.
Et à gauche se trouvait le même mobilier, occupé d'un bordel sans nom, ainsi qu'une guitare acoustique, un mur recouvert de posters représentant de nombreux musiciens (qui allaient de ABBA à Deep Purple, en passant par The Neighbourhood, Zaz, et même Lady Gaga), et assit sur le lit un des garçons les plus exubérants que je n'avais jamais vu. Son T-shirt rose fushia était rentré dans un jeans troué sur toute la cuisse, il avait des converses blanches sur lesquelles il avait gribouillé de nombreux symboles, un sourire immense qui révélait ses dents du bonheur, des yeux bruns soulignés d'épaisses cernes, et des cheveux bouclés et teints en bleu électrique. Il me dévisageait tout autant que je le dévisageais, et semblait fasciné, ou plutôt étonné par ma personne. Le seul mot qui me venait à l'esprit pour le décrire fut "énergumène". Il bondit sur ses pieds, baissa le son de son vieux poste radio, qui hurlait les paroles de Toxic, par Britney Spears, et s'avança vers moi. Alors que je lui tendais la main pour serrer la sienne, il me bondit dessus et me pris dans ses bras.
"Le nouveau ! Ravi de te rencontrer." Il brisa notre embrassade, à mon plus grand soulagement, pour me dévisager encore un peu plus.
"Moi, c'est Matthew, mais tout le monde m'appelle Matt. Et toi ?
-Charles. Dis-je en posant ma valise sur mon lit. Ravi de te rencontrer !
-Oh honey, JE suis ravi de te rencontrer ! Je me faisais seul dans cette chambre." Je me rendis compte qu'il parlait avec un épais accent anglais. Curieux, je lui demandais :
"Tu viens d'où ?
-Oh, moi je suis de Birmingham. Ne me demande pas ce que je fais à Jules Ferry, je ne sais pas non plus. Il me regarda encore un peu plus, et continua : Et toi ? Qu'est ce que tu fais dans ce trou ?
-C'est une longue histoire. Dis-je. Je n'avais pas vraiment envie de lui dire que je m'étais fait virer de l'éducation nationale toute entière parce que j'avais tabassé quelqu'un, ce n'était pas la meilleure façon de faire une bonne impression.
-Ahah ! Dit il. J'espère l'entendre un jour, alors, Charlie. Je peux t'appeller Charlie ?
-Si tu veux, Matt."
Sans me demander mon autorisation, il ouvrit ma valise, et commença à déballer mes affaires. Je me jetai sur ma trousse de toilette, pour ne pas qu'il tombe sur les seringues de testostérone que j'avais emmené. Je n'étais pas censé les avoir sur moi, mais aller toutes les semaines chez l'infirmière pour me faire piquer sur les fesses ne m'enthousiasmait pas vraiment. Il ne remarqua pas mon empressement, heureusement, et continua à déballer mes affaires. De mon côté, je retournais à l'accueil pour aller chercher des draps, intrigué par cette nouvelle rencontre. Bien que débordant d'énergie, Matt semblait être gentil. Peut être que l'année ne serait pas si terrible, au final.

Charles DumetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant