Charles Dumet

Bienvenue

L'intérieur du bâtiment était tout aussi stéréotypé que l'extérieur : derrière les lourdes portes de bois se trouvaient un grand foyer avec un double escalier et des moulures au plafond, des murs recouverts de portraits (sûrement ceux de directeurs de l'école, disposés autour d'une imposante toile représentant Jules Ferry), et même d'énormes tapis Persans qui habillaient le sol de marbre gris. À notre droite se trouvait un comptoir de chêne massif, derrière lequel était assise une minuscule vielle femme, aux cheveux tirés et une cigarette à la main. Elle nous salua d'une voix morne.
"Institut pour jeunes garçons Jules Ferry, que puis-je faire pour vous ? Mon père me coupa avant même que je puisse ouvrir la bouche :
-Je viens déposer ma fille, Charline.
-Votre fille ? Dit la femme de l'accueil, toujours sur le même ton monotone. Vous avez dû vous tromper d'adresse.
-Si seulement. Dit il. Avant qu'il puisse dire quoi que ce soit d'autre, je m'avançais vers l'accueil, et sortis ma carte d'identité.
-Je m'appelle Charles Dumet, je suis inscrit ici pour cette rentrée. Je suis en première L ?
-Jeune homme, ici il n'y a ni L, ni S, ni ES. Vous suivrez un cursus général, comme tous les autres élèves. On m'avait parlé de votre arrivée, pouvez vous me présenter votre convocation ?
Surpris par cette nouvelle, je sortis ladite feuille de la poche intérieure de ma veste en jeans, que je portais à mon bras afin de ne pas mourir de chaud, et la posais sur le comptoir.
-La voilà. Elle lit rapidement le document, puis fouilla dans le meuble de bois qui se trouvait derrière elle. Elle en sortit un carnet de papier, ainsi qu'une clé, avec un numéro gribouillé dessus au markeur.
-Voici le règlement, et la clé de ta chambre. Lis le et mémorise le pour la rentrée. On te distribuera des fournitures scolaires la veille du début des cours. Ta chambre est en haut de l'escalier, au fond du couloir de droite. Si tu as des questions, le bureau du directeur est dans l'autre couloir. Mais demande plutôt aux autres élèves, Monsieur Maurell n'aime pas être dérangé."
Je pris le carnet et la clé dans ma main droite, et de ma main gauche j'attrapais ma valise, que j'avais posé sur le sol. Je me retournais vers mon père.
"Sois une gentille fille, je ne veux pas avoir à gérer encore une fois une de tes sautes d'humeur.
-Au revoir. Ne m'attends pas pour les vacances."
Sans un autre regard, je gravis les escaliers vêtus d'un tapis de faux velours rouge, et m'enfonçais dans le couloir sombre de l'internat. J'ouvris tant bien que mal la porte de ma chambre, et découvris ce dans quoi j'allais devoir vivre jusqu'à la fin de mes années de lycée, mais surtout avec qui.